Jean-Claude Labrecque a littéralement changé ma vie. Au printemps de 1970, je vivais encore chez ma mère, en campagne à Béthanie, j’étais en secondaire V, prenais deux grandes jaunes épuisantes, matin et soir, pour aller à la polyvalente des gars, le Sacré-Cœur à Granby. Poli et vaillant, certes, curieux, encore Joseph, cheveux longs avec des antennes qui poussent dans tous les sens au sortir de l’enfance, je n’étais cependant géographiquement juste pas dans la possibilité de me retrouver dans le mouvement avec des centaines d’autres jeunes au Gesù, et débordant sur Bleury, le 27 mars 1970, pour assister live à la célèbre, la première Nuit de la poésie, tournée par Labrecque. C’est en décalage, au CÉGEP, en 1972-73, que j’ai vu ce film présenté dans le cours de poésie par le doux professeur et poète Émile Roberge. Coup de poing, d’étincelles, d’étoiles, d’affirmation de partout! Ces voix et images m’ont littéralement emporté! C’est ça que je voulais faire : monter sur une scène, une chaise, un bureau, peu importe, pis au moins, dire de quoi, en Québécois! Alors que mes amis de si près tenus à Granby étaient talentueux au boutte, à la guitare, au théâtre, en sport, en politique même, le gars un peu perdu que j’étais s’est mis tout de go à écrire des poèmes et à les dire à la ronde comme un fatiguant, notamment sur la scène du vieux Windsor... Ce goût-là ne m’a jamais lâché.
https://www.onf.ca/film/nuit_de_la_poesie_27_mars_1970/
L’an dernier, j’ai vu à la Cinémathèque avec Denise Noel le très beau film de Michel La Veaux consacré à l’œil, au cœur, à la ténacité du débrouillard et très sensible Jean-Claude Labrecque. Un artisan du cinéma au sens des grands arbres forts qui nous laisse une œuvre de mémoire à la fois collective et intime. Merci est bien peu dire.
Labrecque, une caméra pour lha mémoire - (Bande-annonce) from
NFB/marketing on
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Jean-Claude Labrecque nous a quittés. Mes condoléances à sa famille.