26 avril 2016

Marcel Dubé, dramaturge


Marcel Dubé, dramaturge. Le monde en noir et blanc De 9 à 5 (Télévision de Radio-Canada, 1963-1966) apparaissait si étrange et dur pour l'enfant que j'étais bien au chaud en sa lointaine campagne. Je ne crois pas avoir manqué un seul épisode. Ce n'était peut-être pas de mon âge, mais le théâtre est un grand voyagement à dos de personnages qui allume l'imaginaire. Jean Duceppe, Marjolaine Hébert, Benoît Girard, Georges Groulx, Huguette Oligny, Nathalie Nobert, Raymond Lévesque..., que des grands. Par la suite, lire sous le gros érable Un simple soldat, ce fut comme une hache qui brise la glace gelée, pour paraphraser Kafka. 
Comment le gala Artis de dimanche dernier à TVA lors de l'hommage très beau rendu aux disparus a-t-il pu oublier d'évoquer la mémoire de Marcel Dubé? Franchement!



Photo Jacques Desmarais, bibliothèque Ahuntsic, 26 avril 2016.

Emberto Eco : de Superman à... Facebook

À propos de l'hétérodirection (de l'électeur, voire du lecteur...) : « Un homme hétérodirigé est quelqu'un qui vit au sein d'une communauté à niveau technologique élevé, dotée d'une structure socio-économique particulière (en ce cas, une économie de consommation), auquel on suggère constamment (par la publicité, la télévision, les campagnes de persuasion qui envahissent chaque aspect de la vie quotidienne) ce qu'il doit désirer et comment l'obtenir selon certains canaux préfabriqués qui lui évitent d'avoir à faire des projets de manière risquée et responsable.  Dans une société de ce genre, même le choix idéologique est « imposé » par une gestion avisée des possibilités émotives de l'électeur, au lieu d'être un engagement à la réflexion et à l'évaluation rationnelle.  Un slogan de type I like Ike révèle [...] toute une manière de procéder ; en effet, on ne dit pas à l'électeur "Tu dois voter pour tel candidat pour les raisons suivantes que nous soumettons à ta réflexion" [...]; ici on dit [...] "Tu dois avoir envie de cela".  Donc, on ne l'invite pas à un projet, on lui suggère de désirer quelque chose que d'autres ont déjà projeté. »

- Umberto Eco, De Superman au surhomme, tr. par Myriam Bouzaher, Grasset, 1993, pages 150-151.

Les Poèmes cannibales en réédition

La vie eh bien oui, en ce printemps, les Poèmes cannibales sont réédités, tirage confidentiel (c'est dit), soulagé de quelques coquilles, mais avec le même appétit, et encore, c'est mon orgueil, le mot superbe de Michel Garneau en toute amitié de langage qui signale d'entrée de jeu « l'absence de pétage de broue et de production de caca de taureau ». 

Un grand Merci à la Brochure!

19 avril 2016

Brésil : le combat de la droite

Très bon texte de Guy Taillefer dans Le Devoir sur le grand théâtre politique du Brésil qui se joue en ce moment sur fond de lutte des classes et de parfaite hypocrisie. L'éditorialiste souligne à son tour que la procédure de destitution enclenchée à l'égard de Mme Rousseff est un coup d'État « avec des gants blancs.»
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Guy Taillefer, Brésil Et tous les autresLe Devoir, 19 avril 2016.


 Et tous les autres?

« Si le Brésil voulait vraiment s’attaquer à la corruption, c’est une grande partie de la classe politique qu’il faudrait destituer, et pas seulement la présidente Dilma Rousseff. Or, l’épouvantable débâcle politique dans laquelle se trouve plongé le pays repose sur des hypocrisies dont, du reste, la jeune démocratie brésilienne n’a certainement pas le monopole. En réalité, les forces politiciennes et les intérêts de classe qui sont en train de chasser Mme Rousseff du pouvoir visent moins à assainir le système qu’à casser son Parti des travailleurs (PT) et la gauche dans son ensemble.

Il est vrai que Mme Rousseff est loin d’être une présidente de la qualité de Luiz Inácio Lula da Silva. Son gouvernement est coupable d’avoir géré la crise économique et les finances du pays de façon particulièrement inadéquate, après avoir hérité en 2010 des mains de Lula d’une économie en santé. Encore que, si l’économie flanche aujourd’hui de manière radicale (chute du PIB de 3,8 % l’année dernière) et que le chômage et l’inflation s’envolent, cela tient également, bien entendu, aux retombées de la Grande Récession et à des facteurs macroéconomiques comme l’effondrement des prix des matières premières.

Que, pour avoir dilapidé l’héritage, Mme Rousseff touche des bas-fonds d’impopularité, soit. Le PT souffre manifestement d’usure du pouvoir. Pour autant, le vote enregistré dimanche par la majorité des députés en faveur de la procédure de destitution est un geste objectivement démesuré au regard de ce que l’opposition lui reproche — à savoir, non pas d’être mêlée au scandale de corruption de Petrobras qui secoue le pays, mais d’avoir maquillé en 2014, l’année de sa réélection, l’ampleur du déficit public par« pédalage budgétaire ». S’il va de soi que Mme Rousseff mérite d’être sanctionnée pour ses manipulations de livre, pratiques par ailleurs courantes dans nos gouvernements, il reste que le casus belli est boiteux.

Plus crédible, en fait, serait l’entreprise de lynchage si, par exemple, le député ultraconservateur Eduardo Cunha, l’instigateur de la procédure de destitution, n’apparaissait pas dans les Panama Papers et s’il n’était lui-même inculpé pour« corruption et blanchiment d’argent » en rapport avec Petrobras. Ou si, des 65 membres de la Commission spéciale qui s’est prononcée la semaine dernière en faveur de la destitution, près de la moitié n’avaient été inculpés ou condamnés. Ou s’il n’était devenu patent que l’enquête judiciaire du juge Moro était politiquement teintée.

Difficile en l’occurrence de ne pas en conclure que la tempête que traverse le Brésil se résume à une vulgaire lutte de pouvoir. Et qu’on assiste à un coup d’État qui, empruntant la voie parlementaire, met des gants blancs. »

14 avril 2016

Jean-François Draperi : pour une théorie générale de l'économie sociale

Voici la vidéo d'une conférence vraiment inspirante de Jean-François Draperi donnée à l'UQÀM en 2015 dans le cadre des séminaires du Centre de recherches sur les innovations sociales sur le thème de l'économie sociale définie et inscrite dans la tradition coopérative.

Le conférencier souligne qu'il y a une effervescence des coopératives partout dans le monde et dont la caractéristique est une alliance marquée de l'économie sociale, de l'économie de proximité et de l'économie singulière ou originale des régions. Cet ancrage dans les collectivités est une alternative au capitalisme, puisque pour le capital le territoire n'existe pas. C'est ce que nous rappelait encore aujourd'hui M. Philippe Couillard en vantant les acquisitions partout dans le monde de sociétés québécoises, ce qui tempérerait le grand jeu de qui perd gagne... C'est là, bien entendu, une myopie politique extrêmement coûteuse. 

Le projet de l'économie sociale, ajoute Draperi, ce n'est pas l'économie, c'est le développement basé sur la liberté, l'égalité et la solidarité des coopérants. 


Ce type d'exposé appelle la recherche d'une théorie générale de l'économie sociale, c'est-à-dire la démarche alimentée certes par les chercheurs universitaires, mais aussi et surtout par les coopérateurs eux-mêmes qui pensent à leurs pratiques. Tout cela, finement vulgarisé, donne à voir ce qu'est la transition en cours vers la sortie du capitalisme. Rien de moins!





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En complément, J.-F. Draperi est l'auteur de La république coopérative (Larcier, 2012). La présentation de l'ouvrage résume plus avant en quel sens l'auteur appelle une théorie générale de l'économie sociale ou coopérative qui serait, entres autres, a-capitaliste : « Présent dans le monde entier, riche d’une histoire bi-séculaire, le mouvement coopératif est d’une grande diversité. Celle-ci se révèle également être une difficulté lorsqu’il s’agit de définir un cap et élaborer une stratégie. Au début du XIXe siècle, les coopérateurs ont cru pouvoir changer le monde en libérant le travail. Au début du XXe siècle, c’est en tant que consommateurs qu’ils pensaient dépasser le capitalisme. En ce début du XXIe siècle, nos sociétés malmenées attendent que de nouvelles relations, plus équitables, soient définies entre travailleurs et consommateurs. Riche de son expérience, le mouvement coopératif est en capacité de répondre à ce besoin. Un double défi l’attend : dépasser les logiques propres aux nombreuses fédérations centrées sur leurs propres objets (le travail, la production agricole, l’artisanat, le crédit, le commerce, l’agroalimentaire, etc.); et convaincre non seulement les coopérateurs, mais la société dans son ensemble. Pour y parvenir, le mouvement coopératif n’a d’autre choix que de penser une théorie socio-économique nouvelle, alternative au libéralisme. » 

En ce sillage de l'inter-coopération, en ce qui concerne le Québec, il est à propos d'explorer le travail du Chantier de l'économie sociale sous la direction de Jean-Martin Aussant. Sur le plan politique, on suivra avec intérêt les délibérations à Québec solidaire en train de préciser son programme économique en vue de son prochain congrès en mai 2016.

13 avril 2016

Guy Sioui Durand, le magnifique passeur


Je vous invite à visionner cette conférence inouïe de Guy Sioui Durand qui date de 2012.  J'en suis pour le moment à l'Île au massacre. Le voyage en art nous rattrapera.


12 avril 2016

Denise Boucher, aujourd'hui, en sa Boîte d'images

Hier soir, lors d'un bref échange cordial après une réunion, de façon tout à fait imprévue, il s'est adonné que je glisse le nom de Denise Boucher (que j'aime beaucoup). Je l'ai rencontré à trois reprises. Une fois, elle m'a dit : « C'est toi le vrai Jacques Desmarais... » Et voici que ce matin, dans mon journal, une belle grande page lui est consacrée. J'ai entre autres beaucoup apprécié le petit bout sur les lamentations...


POÉSIE

La fée, sa vie, le temps, sa soif d’images

Denise Boucher, l’auteure de la pièce à scandale «Les fées ont soif», publie un nouveau recueil


Catherine Lalonde, Le Devoir, 12 avril 2016 | Livres


À 80 ans bien sonnés, Denise Boucher publie «Boîte d’images» (L’Hexagone), un septième recueil, fait de poèmes écrits au fil du temps, à différentes époques.
Photo: Annik MH de Carufel Le DevoirÀ 80 ans bien sonnés, Denise Boucher publie «Boîte d’images» (L’Hexagone), un septième recueil, fait de poèmes écrits au fil du temps, à différentes époques.
Denise Boucher
Boîte d’images
Denise Boucher
L’Hexagone
Montréal, 2016, 176 pages

11 avril 2016

Misère rouge : l'appel de Serge Bouchard

Serge Bouchard, anthropologue et homme de radio :

« Par où faudrait-il commencer pour décrire le désespoir qui se retrouve dans les communautés autochtones isolées? L'actualité traite des affaires d'Attawapiskaten Ontario, de Makwa Shakaiegan en Saskatchewan, de Pikangukum près de Kenora, de lac Simon (Cimo Shakaygan) en Abitibi, sans jamais entrer dans le vif du sujet. Qui sont vraiment ces gens, où se trouvent ces communautés, pourquoi sont--elles dans un pareil état de désolation, d'où originent ces vagues de suicides? Cela fait quarante ans qu'il y a urgence dans le Nord. Drogue, alcool, absurdité, anomie sociale, perte du sens de la vie, perte des langues, des cultures, des identités, pertes de vies, abus contre les personnes vulnérables Il nous faudrait un véritable coup de barre dans notre volonté et notre sensibilité politiques et porter une attention plus juste à ces réalités. Cela n'existe pas des autochtones en général. Ce sont des peuples, des communautés, des gens. Il y a des Cris de la Baie James à Attawapiskat, des Ojibways Anishinabes à Pekangikum, des Cris de l'Ouest à Makwa Shakaiegan, des Algonquins Anishinabes au Lac Simon. Oui, des peuples et des cultures, là où il faudrait tout reconstruire de ce que la politique et l'histoire ont démoli. Immense projet de désintoxication historique, de redressement des torts. Il faut ramener la fierté, valoriser la richesse de l'éducation, retrouver l'énergie créatrice collective, l'énergie vitale tout court. Il faut réintroduire la beauté du monde. La nouvelle génération des différentes nations autochtones a un défi colossal à relever. Cette génération a besoin d'alliés, d'amis et de respect. Elle n'a pas besoin de pitié. Soyons tous fiers de la diversité autochtone, des 
langues toujours vivantes, des cultures et de l'avenir espéré pour tous.»

Facebook, 11 avril 2016.

07 avril 2016

Du sirop d'érable avant le déluge

Photo Jacques Desmarais, Béthanie, 13 mars 2016.


Roméo Bouchard  : Le GOÛT d'un PAYS...

« Je sors de deux jours de tournage avec mon fils, pour un long métrage documentaire de Francis Legault sur LE GOÛT D'UN PAYS, sous un froid hivernal sans doute typique des exrêmes d'un climat surchauffé: le sirop d'érable et la cabane à sucre comme marqueur de l'identité d'un peuple modelé par l'hiver, qui se reconnaît dans ces peuplements nobles et fragiles de grands érables centenaires qui rougissent à l'automne et marquent la fin de l'hiver avec leur sucre magique devenu le SUCRE DU PAYS, et dans ces feuilles en dentelle qui sont devenues le symbole que l'occupant nous a dérobé, comme tout le reste, y compris le nom de Canada et Canadiens qui servait depuis les débuts à désigner ces bizarres de Français méconnaissables après les hivers passés dans ce pays du froid.

Cette cabane à sucre bâtie de nos mains et cette érablière dont nous connaissons, mon fils et moi, chaque arbre, est notre chez nous et ce qui nous reste du Petit Pays où je suis revenu refaire mes racines et ma tête, mais elle n'est déjà plus qu'une épave, un iceberg perdu en train de fondre dans l'océan de consommation et de facilité qui est en voie de submerger notre planète, une sorte d'arche de Noé comme celle de la Bible: "on mangeait et buvait, prenait femme et mari, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche et les gens ne se doutèrent de rien, jusqu'à l'arrivée du déluge, qui les emporta tous."


Je suis plus convaincu que jamais que l'industrialisation et la commercialisation mondiale du sirop d 'érable sont en train de dissoudre et de réduire à un folklore cette identité forgée au cours de toutes ces années à préparer l'hiver et à lui survivre. Le sirop d'érable n'est déjà plus le temps des sucres, la cabane à sucre et les réserves de sirop pour l'année: c'est désormais 43 millions d'entailles, 7300 entreprises, 13 500 acériculteurs, 10 000 emplois, qui rapportent près d'un milliard par année à notre PIB et constituent un de nos plus importants produits d'exportation.

Quand je me suis battu, au début des années 2000, avec 400 acériculteurs de l'arrière-pays qui ne voulaient pas de contingentement et d'agence de vente obligatoire dans le sirop, je ne réalisais pas jusqu'à quel point c'était le début de la fin de l'érable comme marqueur de notre identité. Le marché a été stabilisé, mais le rapport au pays et à la Nature est disparu.


Je ne réalisais pas jusqu'à quel point le rouleau compresseur du libre-échange commercial allait rapidement dissoudre partout les cultures et les identités dans la grande soupe toxique du marché et du PIB et entraîner la planète dans un dérèglement général.
Plus que jamais je dis qu'il est temps de réaliser que nous ne survivrons pas, comme peuple et comme espèce, au libre-échange.»

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Échanges :


Jacques Desmarais M. Roméo Bouchard, j'ai lu au moins trois fois votre beau texte inquiet qui me touche beaucoup et je l'ai partagé avec Jean Paul Damaggio, un camarade français de longue date qui a beaucoup réfléchi et écrit sur les questions paysannes, notamment en filiation avec le paysan Renaud Jean qui fut élu député. Il m'a fait suivre le commentaire suivant : « Le sucre chez vous, c’était pour une part les vendanges chez nous. D’un côté sortir de l’hiver et de l’autre y entrer.
Pour Renaud Jean, si une machine à vendanger était mise au point alors c’était la mort de toute une culture, car le moment de la vendange constituait un grand moment de solidarité rendu obligatoire par la récolte, et favorisant ensuite les autres solidarités.
Merci donc pour ce texte solidaire qui donne une version a-commerciale de la globalisation. amitiés jean paul ».

Roméo Bouchard La comparaison est excellente: les sucres et les vendanges sont deux activités qui n'ont plus aucun sens en dehors du mode de vie d'un peuple et de sa relation au territoire. Le libre échange est un rouleau compresseur; qui vide tout de son sens et de son enracinement: la déterritorialisation.
Répondre25 avril, à 15:44

Bob Dylan, poète

03 avril 2016

L'Arabie saoudite, ce grand ami de l'Occident

Difficile de penser que le ministre des Affaires extérieures du Canada n'est pas au fait de ce qui est révélé dans ce document de Frontline à propos de l'Arabie saoudite.

 http://www.pbs.org/wgbh/frontline/film/saudi-arabia-uncovered/