30 avril 2013

l'Amour Suprême selon Yannick Rieu quartet


Viens voir les musiciens, les magiciens, viens!

Viens grâce aux superbes photos de Sylvain Legault qui m'a donné la permission de les embarquer sur le Train.
Photo JD. Sylvain Legault.

Ça se passait au Dièze Onze, vendredi soir le 26 avril dernier.

Yannick Rieu remettait sur la petite scène du resto-jazz-bar de la Saint-Denis son interprétation du très pascal A Love Supreme de John Coltrane qu'on avait vu lors de la création de ce concert au Centre d'arts d'Oford en juillet 2011. Flanqué de François Bourassa au piano, Guy Boivert à la contrebasse et de John Fraboni à la batterie.

Revoir l'exécution de ce chef-d'oeuvre dans un petit bar permet une proximité plus vive avec « la sueur » et je dirais l'emportement des musiciens.  Magnifique concert tissé serré par un jeu d'équipe impeccable laissant à chacun des musiciens suffisamment de place pour créer des échappées intenses et colorées qu'on garde en mémoire. Pour sa part qui est centrale, j'oserais avancer qu'on perçoit dans l'approche de Coltrane par Yannick une ligne de blues un cran plus vive, des plus senties, ponctuée de paroxysmes qui viennent se casser comme des vagues pour mieux nous faire plonger au coeur de la suite.

Un grand bonheur d'un bout à l'autre.
  
Photo Sylvain Legault © Yannick Rieu, sax ténor. 

Photo Sylvain Legault © Guy Boisvert, contrebasse

Photo Sylvain Legault ©

Photo Sylvain Legault © John Fraboni, le batteur dur à battre!

Photo Sylvain Legault ©

Photo Sylvain Legault © François Bourassa à l'oeuvre.


27 avril 2013

L'effrayant, l'anonyme Hey Joe!




Hey Joe, where you goin' with that gun of your hand
Hey Joe, I said where you goin' with that gun in your hand, oh
I'm goin' down to shoot my old lady
You know I caught her messin' 'round with another man
Yeah, I'm goin' down to shoot my old lady
You know I caught her messin' 'round with another man
Huh! and that ain't cool
Huh hey hoe, I heard you shot your mamma down
You shot her down now
Hey Joe, I heard you shot your lady down
You shot her down in the ground yeah!
Yeah!
Yes, I did, I shot her
You know I caught her messin' round messin' round town
Huh, yes I did I shot her
You know I caught my old lady messin' 'round town
And I gave her the gun
And I shot her 
Alright
Shoot her one more time again baby!
Yeah!
Oh dig it
Oh alright 
Hey Joe, 
Where you gonna run to now where you gonna go 
Hey Joe, I said
Where you gonna run to now where you gonna go 
I'm goin' way down south
Way down to mexico way
Alright
I'm goin' way down South
Way down where I can be free
Ain't no one gonna find me
Ain't no hang-man gonna
He ain't gonna put a rope around me
You better believe it right now
I gotta go now
Hey, Joe
You better run on down
Goodbye everybody
Hey, hey Joe...
- Anonyme (popularisé internationalement par Jimi Hendrix en 1966).

24 avril 2013

La bibliothèque de Raymond Klibansky

Pour réveiller ses étudiants somnolents, Raymond Klibansky aimait attirer l'attention en disant à la blague (via Ferdinand Tönnies qui avait rencontré Engels chez lui) qu'il était à deux poignées de main de Marx. À cause de Georges Leroux qui fut étudiant du Maître et qui fut mon professeur, je prétends donc être à quatre poignées de main de Marx!

Sérieusement, pour un réel bijou de lecture au coeur de la traversée de la philosophie du XXe siècle, je recommande le très riche Raymond Klibansky, Le Philosophe et la Mémoire du siècle, Entretiens avec Georges Leroux, coll. Compact, Boréal, 2000.

(À propos de ces Entretiens, on trouve sur le blogue d'un dénommé Olivier que je ne connais pas un très bon résumé.)

Noticias : Georges Leroux est le commissaire de l'exposition à la BANQ.

22 avril 2013

Flâneurs, télépathie et drogues diverses

beetleinabox:


Man Ray, Waking Dream Séance (image first published on the cover of La revolution surrealiste, 01/12/24). The seated woman is Simone Breton; standing around her (from left to right) are Max Morise, Roger Vitrac, Jacques André-Boiffard, André Breton, Paul Eluard, Pierre Naville, Giorgio de Chirico, Philippe Soupault, Jacques Baron, and Robert Desnos.
Walter Benjamin writes:

Any serious explora­tion of occult, surrealistic, phantasmagoric gifts and phenomena presupposes a dialectical intertwinement to which a romantic turn of mind is impervious. For histrionic or fanatical stress on the mysterious side of the mysterious takes us no further; we penetrate the mystery only to the degree that we recognize it in the everyday world, by virtue of a dialectical optic that perceives the everyday as impenetrable, the impenetrable as everyday. The most passionate investigation of telepathic phenomena, for example, will not teach us half as much about reading (which is an eminently telepathic process), as the profane illumination of reading about telepathic phenomena. And the most passionate investigation of the hashish trance will not teach us half as much about thinking (which is eminently narcotic), as the profane illumination of thinking about the hashish trance. The reader, the thinker, the loiterer, the flâneur, are types of illuminati just as much as the opium eater, the dreamer, the ecstatic. And more profane. Not to mention that most terrible drug—ourselves—which we take in solitude.

Jeunes fous. Selon Wikipédia : photo de Man Ray de 1922 ou 23, prise pendant la période des sommeils, souvent reproduite, montre le groupe surréaliste, penché au-dessus d'une feuille tenue par Robert Desnos, et au milieu de ce groupe, Simone Breton, assise devant une machine à écrire. De gauche à droite, Max MoriseRoger VitracJacques-André BoiffardPaul ÉluardAndré BretonPierre NavillePhilippe SoupaultGiorgio De Chirico et Jacques Baron.  Selon BEETLEINABOX, la photo a été pour la première fois publiée sur la couverture de La révolutin surréaliste le 1er décembre 1924.






On sort la tête de la poupée rustre Via Batarde / via  BEETLEINABO / via TODF (Darren Bauler) / via  Voleur de secrets - Birdonwing ...

Tout ça à cause de Ùsoupauly, Desnos, de Walter Benjamin, de Rrose Sélavy...

Salemi Quondy.

(Source: INDIE-MUSIC-CHOICE)

Walter Benjamin WRITES:
Any serious explora­tion of occult, surrealistic, phantasmagoric gifts and phenomena presupposes a dialectical intertwinement to which a romantic turn of mind is impervious. For histrionic or fanatical stress on the mysterious side of the mysterious takes us no further; we penetrate the mystery only to the degree that we recognize it in the everyday world, by virtue of a dialectical optic that perceives the everyday as impenetrable, the impenetrable as everyday. The most passionate investigation of telepathic phenomena, for example, will not teach us half as much about reading (which is an eminently telepathic process), as the profane illumination of reading about telepathic phenomena. And the most passionate investigation of the hashish trance will not teach us half as much about thinking (which is eminently narcotic), as the profane illumination of thinking about the hashish trance. The reader, the thinker, the loiterer, the flâneur, are types of illuminati just as much as the opium eater, the dreamer, the ecstatic. And more profane. Not to mention that most terrible drug—ourselves—which we take in solitude.
(via TODF)

Et pour trancher, une recension bien faite qui donne idée de l'aventure surréaliste, y compris un mot sur La période des sommeils : BONDI, Jean-Pierre, Lettres, culture : l'aventure surréaliste -Jean-Jacques Brochier, Stock, 325 pages, in Éthiopiques, numéro 10, avril 1975. 

Outre l'écriture automatique, note  Bondi,« Un second générateur de ce mouvement sera le " sommeil "  où culmineront Robert Desnos, René Crevel et Benjamin Péret, cette période des sommeils hypnotiques pendant lesquels les surréalistes se mettront à écrire en donnant des textes fameux comme Rose Sélavy. »

Mais ici, Bondi fait une petite erreur : il manque un r à Rose, puisqu'il s'agit bien de Rrose Sélavy, personnage inventé par Marcel Duchamp, puis rejoué par Desnos en des aphorismes fanfarons.




Walter Benjamin a publié dans une revue en 1929 Le surréalisme. Dernier instantané de l'intelligence européenne (Œuvres II, Gallimard 2000). Il pensait l'art comme un formidable « tourbillon dans le fleuve du devenir » (Ursprung steht im Fluss des Werdens als Strudel ). Voir Annie Bourse in Fabula à propos de la recension du livre Bonheur justice, Walter Benjamin, le détour grec  d'Antonia Birnbaum (2009). On lit notamment à la note en bas de page no 45 une  citation de Benjamin :« Car rien n’y fait, il faut bien se l’avouer : du matérialisme métaphysique de Vogt et de Boukharine on ne passe pas sans dommage (bruchlos) au matérialisme anthropologique dont témoigne l’expérience des surréalistes et, avant eux, d’un Hebel, d’un Georg Büchner, d’un Nietzsche et d’un Rimbaud. Quelque chose se perd (Es bleibt ein Rest). La collectivité aussi est de nature corporelle (leibhaft). Et la phusis qui pour elle s’organise en technique ne peut être produite dans toute sa réalité politique et matérielle qu’au sein de cet espace d’images (Bildraum) avec lequel l’illumination profane nous familiarise. » Walter Benjamin, « Le Surréalisme : Dernier instantané de l’intelligence européenne ».

Avec l'ami Jean-Paul Damaggio, j'ai visité au cimetière de Portbou le mémorial Passage (oeuvre de Dani Karavan) dédié Walter Benhjamin. Martin Greffe, un étudiant en arts, fait un beau compte rendu de sa visite à Portbou avec plusieurs photos de l'oeuvre.  

21 avril 2013

Lowell Blues - « Mon doux, Tit-Jean...»




07:33, voix de Jack :
« Écris jamais rien que c'est que t'as pas vu toi-même, hein? [...] Écris de ce que t'as faite, de ce que t'as vu.  Mais c'est pas toujours à propos de toi-même. »

15:58 / 21:31, voix de Roger :
« Mon doux, tit-Jean, r'garde la grosse flotte qui va arriver [...]»
«Mon pauvre tit-Jean, si tu savais tout le trouble et toutes les larmes, et puis les pauvres voyages [...] pour la douleur, la grosse douleur impossible de cette vie où on se trouve condamné à la mort. Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? [...] For nothing, my boy, for nothing [...] »

Et tout du long, la Merrimack étincelante au nom sombre, le sax blues de Lee Konitz.

Lowell comme Noël, comme l'ami Brunelle.

***


Lowell Blues remembers the place Jack Kerouac could not forget. By fusing visual history, language and jazz into a 30-minute film poem, Lowell Blues illuminates Kerouac's childhood holy land. Excerpts from Kerouac's novel, Dr. Sax, are read by: Gregory Corso, Johnny Depp, Carolyn Cassady, David Amram, Robert Creeley, and Joyce Johnson. Ferrini paints an illuminated landscape rich in mystery and possibility. Lowell Blues is a canvas in motion. A canvas made even more vivid by a haunting soundtrack by alto saxophonist Lee Konitz, drummer Jim Doherty and Boston's own "godfather of punk" Willie Alexander. The film interprets how place activates the writer's imagination, and how the writer's art reshapes his city with reverence and respect. Between the frames we recollect the life of a young writer exploring his origins - education, the Catholic church, birth and death. Kerouac's text speaks to the 1930s in which he grew up. By using both archival and contemporary footage, Lowell Blues melds modern experiences together with Kerouac's childhood to create a timeless sense of place. Lowell Blues, like Kerouac's writing, swirls word and image, music and movement into ethereal images of America's abundant, ever morphing, character. Lowell Blues remembers the city on the river where "memory and dream are intermixed in this mad universe." Written by Henry Ferrini 

20 avril 2013

Pres & Lady Day



Fine & Melow
My man don't love me
Treats me oh so mean
My man he don't love me
Treats me awfully
Hes the, lowest man
That Ive ever see

He wears high trimmed pan
Stripes are really yellow
He wears high trimmed pan
Stripes are really yellow

But when he starts in to love me
Hes so fine and mellow

Love will make you drink and gamble
Make you stay out all night long repeat
Love will make you drink and gamble
Make you stay out all night long repeat

Love will make you do things
That you know is wrong

But if you treat me right baby
Ill stay home everyday
But if you treat me right baby
Ill stay home everyday

But you're so mean to me baby
I know you're gonna drive me away

Love is just like the faucet
It turns off and on
Love is just like the faucet
It turns off and on

Sometimes when you think it's on baby
It has turned off and gone
- Billie Holliday

19 avril 2013

Suzanne chantée par Nina Smone

Certainement l'une des plus belles versions de Suzanne!



Suzanne
Suzanne Suzanne takes you down to her place near the river
You can hear the boats go by
You can spend the night beside her
And you know that she's half crazy
But that's why you want to be there
And she feeds you tea and oranges
That come all the way from China
And just when you mean to tell her
That you have no love to give her
Then she gets you on her wavelength
And she lets the river answer
That you've always been her lover
And you want to travel with her
And you want to travel blind
And you know that she will trust you
For you've touched her perfect body with your mind.
And Jesus was a sailor
When he walked upon the water
And he spent a long time watching
From his lonely wooden tower
And when he knew for certain
Only drowning men could see him
He said "All men will be sailors then
Until the sea shall free them"
But he himself was broken
Long before the sky would open
Forsaken, almost human
He sank beneath your wisdom like a stone
And you want to travel with him
And you want to travel blind
And you think maybe you'll trust him
For he's touched your perfect body with his mind.
Now Suzanne takes your hand
And she leads you to the river
She is wearing rags and feathers
From Salvation Army counters
And the sun pours down like honey
On our lady of the harbour
And she shows you where to look
Among the garbage and the flowers
There are heroes in the seaweed
There are children in the morning
They are leaning out for love
And they will lean that way forever
While Suzanne holds the mirror
And you want to travel with her
And you want to travel blind
And you know that you can trust her
For she's touched your perfect body with her mind.
 - Leonard Cohen

When the Red Red Robin Comes de Steve Goodman (1975)




When the red, red robin comes bob, bob bobbin' along, along,
There'll be no more sobbing when he starts throbbing
His own sweet song.
Wake up, wake up, you sleepy head,
Get up, get up, get out of bed,
Cheer up, cheer up the sun is red,
Live, love, laugh and be happy.
What if I've been blue,
Now I'm walking through fields of flowers,
Rain may glisten, but I still listen for hours and hours.
I'm just a kid again, doing what I did again, singing a song,
When the red, red robin comes bob, bob bobbin' along.

14 avril 2013

Ce Pellerin, Fred, dit : Il y a du sang dans les lilas


De mille en mille, ce conteur placoteux de grand chemin, cet échevelé du bout de sa lorgnette du conte où le diable se cache dans les détails, cet ardent lampion du monologue québécois avec les deux mains volantes dans la pâte épicée de Sol néologique et d'effluves cinglants à la Yvon Deschamps, ce très profond et solide petit bonhomme rural, là-bas, là-bas sur la montagne où il y avait des moutons blancs, avec du spontané dans la bouche, du littéraire mordant à la Jacques Ferron au coin de la dent, et surtout de l'espoir (viens-t'en donc belle rose du printemps), ce mécanicien-magicien-boulanger-coiffeur bourlinguant réussit toujours à me toucher. Les artisans sont mélomanes, dit-il.  Dans l'extrait qui suit, Fred est en France en mai 2012 où il déballe avec bonheur son plus récent spectacle : De peigne et de misère.



 

12 avril 2013

12 bovril 2013

Le temps qu'il fait... par ma fenêtre en moment.

 « Le temps qu'il fait sur mon pays
Je veux le dire. Me faut le dire
Le temps qu'il fait sur mon pays
Il faut le dire à mes amis. »
 - Gilles Vigneault, Le temps qu'il fait sur mon pays


Photo © Jacques Desmarais, Montréal, 12 avril 2013, en après-midi.

11 avril 2013

Le Reel du Moulin rouge

Le Reel du Moulin rouge (Apex, 1952) enregistré par l'orchestre en grande partie familial de mon oncle Adrien Beauregard (Granby).  Parmi les photos de la vidéo produite et mise en ligne par mon cousin Claude Beauregard (le beau jeune homme au piano), on notera la présence du grand Oscar Thifault (Warwick). L'auteur du Rapide blanc (awigna han) débuta en effet avec mon oncle qui l'encouragea à faire carrière. Ce fait biographique est intéressant et semble peu connu.  Je n'ai pas vu le document de l'ONF consacré à Thiffault,  Ah! Ouigne in in in! réalisé en 1988 par Serge Giguère. Selon Claude, on n'en fait pas mention. 

10 avril 2013

Le diable à sa patte

Sur le vif. En face de chez moi, il y a une garderie. Pis là, en ce moment même, il y a une fête à l'extérieur, des enfants, des poussettes, des parents, il y a un jeune violonneux qui aimante le tout, ça grouille, y lâche pas; bon en s'il vous plaît! Vient de jouer le reel des sucres!


Photos Jacques Desmarais.

Pour se mettre dans l'ambiance du temps des sucres, j'ai cherché un extrait du Reel des sucres (d'origine américaine, je crois), mais aucun ne m'a satisfait. Alors, pour compenser, un petit tour à la cabane à sucre de M. Pierre Dépôt au lac Boker dans les Cantons-de-l'Est, juste un tantinet didactique.


Michel Ouellet : Dans mon dodge Journey

Comme un cowboy avec sa monture
rêvant de liberté

Ça coule encore en ce printemps, je l'espère


De si bons mots de Merle, le René
qui reprend aujourd'hui sur son blogue
La coulée des Angevins,
un texte de printemps fou
des Poèmes cannibales
que m'a lu avec sa tuque rouge
un jour de Noël passé
sur You tube
l'ami Gaétan.

Je souligne
que la brève citation insérée 
à la fin du poème
« comme une fleur
au bec d'une hirondelle »
est une trace de paraphrase
de Gilbert Langevin
dans Le vol imaginaire,
que cela est chanté
et m'est parvenu
par la voie des airs
c'est-à-dire par les bons soins
de mon compatriote 
des Cantons-de-l'Est
Jean Custeau
qui est justement
en train de travailler
à une nouvelle version
de cette chanson














Épormyables sont mes dettes.

Nous vaincrons!




Le Saint-Esprit de Madame Thatcher

Le décès de la Dame de Fer a fait remonter à la surface de la broue des médias en majorité complaisants l’une de ses déclarations typiquement « libérale » et manifestement pas moutonnière aux oreilles des timoniers du régime : « Nous sommes arrivés à une époque, s’exclamait-elle dans un élan d’extrême lucidité, où trop d'enfants et de gens [...] rejettent leurs problèmes sur la société. Et qui est la société? Cela n'existe pas! Il n'y a que des individus, hommes et femmes, et des familles. » 

Ici, l’atome « famille » résiste au fond de l’éprouvette, mais c’est le vide sidéral, c’est beaucoup d’air soufflé dans la crème glacée molle des mille et une institutions qui émergent et fleurissent au sein d’une société que l’on croyait, selon les prétentions de la sociologie, en mouvement, en deçà sans doute de la main invisible puisque, répétons-le sans arrogance, la société n’existe pas. Partant de cette logique à tout casser qui dépasse de plusieurs têtes une autre phrase célèbre de John F. Kennedey, on ne voit pas comment ces superfétatoires institutions pourraient avoir le début de l’ombre de l’appétit à vouloir transformer les humains vivant dans un si paisible paysage néolibéral. 

La famille? Elle n’habite qu'accessoirement un quartier, une ville, un rang, un hameau, une région, tout cela étant grenaille insignifiante. Les enfants, ces trop nombreux chialeurs, vont à l’école, mais ne réalisent-ils pas qu’ils sont des clients en herbe? Les parents ne bossent pas en tant que producteurs associés dans un bureau, une manufacture ou sur une terre agricole. Chacun est « libre libre libre», seul sur son île dorée. L’île Chez Maxime. L’Île Paradis. Personne ne se parle au-delà d’une langue familiale. La culture est privée et pas encore assez privatisée. Tant de vieilles chicanes traînent dans la mémoire que l’on disait à tort collective. Vu le tas de droits individuels, personne n’a à rouspéter. Tous les « je » ont le devoir moral et naturel de tirer leur épingle du jeu. Tel serait le stade actuel incarné de « notre » évolution!  

Mais de quel jeu s’agit-il? Dans ce lexique, ne confondons pas « société » et « État ». Ne cherchons surtout pas ce gros mot de « communauté », puis ce petit mot long de « communication » qui en découle, qui rebondit parfois, misère, jusque dans la marge des livres qui osent mettre en commun le communautaire… 

Communauté? Sur son blogue, le philosophe français Denis Collin suggère la définition suivante : « Terme déprécié en même temps que le “communautarisme”. Mais terme déprécié à tort : la république est une communauté politique. Le libéralisme est anti-communautaire puisqu'il ne considère que les individus isolés menant des existences séparées. Mais Aristote, Spinoza ou Marx nous conduisent au contraire à retenir la définition de l'homme comme zoon politikon, animal politique. Et par conséquent existant véritablement à travers des communautés politiques. » 

En conclusion? Comment dire comme dirait le poète Roland Giguère? Comme tout s'écroule. Que la main du bourreau finit toujours par pourrir.


***


cf. Lévesque, Claude,  Margaret Thatcher 1925-2013 - Le néolibéralisme incarné, Le Devoir, 9/04/2013 

08 avril 2013

Hé toi, Benoît Leblanc!

Résonance de l'intime et de personne à tout le monde, peu importe le mode :

[...]
C'est curieux comme l'avenir
Est composé de souvenirs


Qu'on a tenté d'effacer
Qu"on avoulu oublier

- Benoît LeBlanc, La voie des sources



07 avril 2013

La question de départ de Michel Chartrand : l'énergie que l'on a, on fait quoi?

Pour Anneau Nîme : Michel Chartrand (1916-2010), syndicaliste, tout un homme.

« Le pont qui doit unir, là, oh! faut que tout le monde puisse passer sur le pont. Faut que le pont franchisse la misère! »


06 avril 2013

Posture pour tordre la beauté

Où est-ce que j'ai entendu cette semaine, dans quelle chanson, commentaire, vidéo que « la vie n'est pas un spectacle »? Ce qui tout de go nous rappelle que la résistance au plus quotidien des pâquerettes est quelque chose comme un réveil dans l'immensité du collectif. En ce sens, tous les petits chocs de sources diverses sont les bienvenus. À titre d'exemple vécu plus jeune, comme j'ai apprécié entendre en personne à quelques reprises les harangues-poèmes d'un Michel Chartrand! J'en revenais toujours grandi, mais à la fois un peu honteux de faire si peu, d'être ignorant et si dépourvu dans la capacité à faire des liens entre les faits les plus bruts du monde. Le retour à soi face à ce monde n'est jamais terminé et il faut bien accepter notre solitude et notre finitude, comme le dit Jean-François Malherbe, que j'ai eu la chance d'avoir comme professeur, dans Le nomade polyglotte (Bellarmin, 2000). Ce philosophe propose une définition utile, éclairante de l'éthique, car c'est de cela qu'il s'agit : l'éthique  serait « ce travail que je consens à faire avec d'autres sur le terrain pour réduire autant que faire se peut l'inévitable écart entre mes valeurs affichées et mes pratiques. » (Notes de cours, Religion, éthique, spiritualité, Chaire d'éthique appliquée, Univ. de Sherbrooke, 11/09/06).

De plus loin encore, Malherbe parle de la matière qu'il faut tellement imbiber de notre esprit (de nos corps, de nos vies de parents, de notre métier...) pour qu'elle devienne lumineuse, et du devenir soi ensemble, ce qui exige une assomption de la lumière, une transfiguration de qui je suis. La Lune porte la lumière, on peut l'admirer, mais elle n'est pas le Soleil. En d'autres mots, l'éthique serait l'art de transmuter les forces négatives (le diabolique, ce qui détruit, l'illusion luciférienne) en forces qui construisent, qui sont enclines à favoriser le devenir soi (le symbolique).  Ce qui nous amène sur le terrain politique. Est-ce que tel acte contribue à construire notre identité dans la convivialité, au-delà de la convention, surtout celle qui nous est « donnée » comme naturelle et éternelle? 

Bref, c'est ce que m'a donné à repenser la lecture de la chronique de David Desjardins dans Le Devoir de ce matin. J'aime à tout coup ce chroniqueur surprenant qui partage aujourd'hui l'une de ses obsessions : « [...]Je cherche sans cesse l’endroit duquel on peut critiquer violemment sans foutre le feu, où l’on peut crier son dégoût sans tout détruire. » 


Très bon texte.