Le décès de la Dame de Fer a fait remonter
à la surface de la broue des médias en majorité complaisants l’une de ses
déclarations typiquement « libérale » et manifestement pas moutonnière
aux oreilles des timoniers du régime : « Nous sommes arrivés à une
époque, s’exclamait-elle dans un élan d’extrême lucidité, où trop d'enfants et
de gens [...] rejettent leurs problèmes sur la société. Et qui est la société?
Cela n'existe pas! Il n'y a que des individus, hommes et femmes, et des
familles. »
Ici, l’atome « famille » résiste
au fond de l’éprouvette, mais c’est le vide sidéral, c’est beaucoup d’air
soufflé dans la crème glacée molle des mille et une institutions qui émergent
et fleurissent au sein d’une société que l’on croyait, selon les prétentions de
la sociologie, en mouvement, en deçà sans doute de la main invisible puisque,
répétons-le sans arrogance, la société n’existe pas. Partant de cette logique à
tout casser qui dépasse de plusieurs têtes une autre phrase célèbre de John F.
Kennedey, on ne voit pas comment ces superfétatoires institutions pourraient
avoir le début de l’ombre de l’appétit à vouloir transformer les humains vivant
dans un si paisible paysage néolibéral.
La famille? Elle n’habite qu'accessoirement
un quartier, une ville, un rang, un hameau, une région, tout cela étant
grenaille insignifiante. Les enfants, ces trop nombreux chialeurs, vont à
l’école, mais ne réalisent-ils pas qu’ils sont des clients en herbe? Les
parents ne bossent pas en tant que producteurs associés dans un bureau, une
manufacture ou sur une terre agricole. Chacun est « libre libre libre»,
seul sur son île dorée. L’île Chez Maxime. L’Île Paradis. Personne ne se parle
au-delà d’une langue familiale. La culture est privée et pas encore assez
privatisée. Tant de vieilles chicanes traînent dans la mémoire que l’on disait
à tort collective. Vu le tas de droits individuels, personne n’a à rouspéter.
Tous les « je » ont le devoir moral et naturel de tirer leur épingle
du jeu. Tel serait le stade actuel incarné de « notre »
évolution!
Mais de quel jeu s’agit-il? Dans ce
lexique, ne confondons pas « société » et « État ». Ne
cherchons surtout pas ce gros mot de « communauté », puis ce petit
mot long de « communication » qui en découle, qui rebondit
parfois, misère, jusque dans la marge des livres qui osent mettre en commun le
communautaire…
Communauté? Sur son blogue, le philosophe français
Denis Collin suggère la définition suivante : « Terme déprécié
en même temps que le “communautarisme”. Mais terme déprécié à tort : la
république est une communauté politique. Le libéralisme est anti-communautaire
puisqu'il ne considère que les individus isolés menant des existences séparées.
Mais Aristote, Spinoza ou Marx nous conduisent au contraire à retenir la
définition de l'homme comme zoon politikon, animal politique. Et par
conséquent existant véritablement à travers des communautés politiques. »
En conclusion? Comment dire comme dirait le
poète Roland Giguère? Comme tout s'écroule. Que la main du bourreau finit
toujours par pourrir.
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