27 février 2015

L'ensauvagement déterré


Kébec caméléon. Gaspésie. La grande famille des métis

À propos, sur l'ensauvagement, voici le point clé que souligne avec force depuis des lunes l'anthropologue Serge Bouchard :
« Les autorités ecclésiastiques [...] qui sont les auteures de notre histoire nationale, ont volontairement caché le fait que les Canadiens étaient des métis issus d’Amérindiens et de Français. En même temps, les Canadiens sont des descendants de Français robustes, mais qui n’étaient rien en France, qui n’avaient ni terre, ni statut. Et l’on a transporté ici, cette tradition européenne de mépris des manants, des paysans qu’on considérait comme des riens du tout. Pourquoi on les a cachés? Parce qu’on voulait cacher notre ensauvagement. Aujourd’hui, dire que ces riens du tout, ces métis ont fait l’Amérique, c’est une révolution dans la perspective de notre Histoire. »

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Misère à poil

Misère à poil

changer de classe
changer de corde
changer de track
changer de place
changer de talle
changer de branche
changer de nom
changer d’atmosphère
changer de poutine
changer de régime
changer d’huile
changer de char
changer de bar
changer de bière
changer de système
changer de face
changer de pompe
changer son flat
changer de poste
changer de poids
changer de position
changer de prélart
changer d’appart
changer de bras
changer de genoux
changer de ménisque
changer de jarrets
changer de pied
changer d’épaules
changer son fusil d’épaule
changer de pontage
changer de ministre
changer de pays
changer de pilules
changer d’avion
changer de nez
changer d’air
changer de parfum
changer d’idée
changer de ton
changer de parti
changer de camp
changer d’attitude
changer de lampe
changer de dictionnaire
changer d’adresse
changer d’île
changer son poisson d’eau
changer de shampoing
changer de chemise
changer d’époque
changer de souliers
changer de portrait
changer de peau
changer de shop…
mais comment ça se fait
saint-simonac « de débarbouillette
qui pue sur le bord du bain »!
qu’il n’y a pas cinq jours
sur la plage couleur café américa
je faisais le matin jusqu’à 35 push-ups
pis là, sur le prélart de mon appart,
j’ai de la misère à me rendre à 20?
changer de pectoraux
changer de prélart
changer de bras!
changer de main
changer de personnage
changer de couche
changer de décor
changer de saison
changer de patois
changer de poil
changer de mot de passe
changer de rond
changer quatre trente sous pour une piastre
changer de disque
changer le monde
changer de côté… vous vous êtes trompés
pis swigne les mandarins
pis swigne la compagnie
pis tords-y le corps 
pis fais y voir
que t’es pas mort 
« sacrament, y fa pas chaud! »

25 février 2015

La barbarie et le Canada « frileux » et hypocrite!


« Le Canada fait partie des pays de cette communauté internationale qui ne répondent pas adéquatement à cette crise : frileux pour accepter des réfugiés syriens les plus vulnérables, frileux pour signer le traité si essentiel sur le commerce des armes, prompt à adopter à chaud et sans grand débat des mesures pour lutter contre le terrorisme qui peuvent mettre en danger certains de nos droits fondamentaux, expert du double discours (Iran, Corée du Nord, mais silence sur Israël, Arabie saoudite, Mexique, etc.) et critique de l’ONU sans être constructif. Cependant, des solutions existent. Les dirigeants du monde entier doivent agir sans attendre afin d’éviter la crise mondiale qui se profile. »
— Béatrice Vaugrante, Directrice d'Amnistie internationale, section du Canada francophone, Le Devoir, 25 février 2015

23 février 2015

Badawi : maintenir la pression sur Harper!


Bravo Montréal! Après l'Assemblée nationale, la Ville de Montréal adopte ce soir à l'unanimité une motion de soutien à Raïf Badawi.

La réponse figée d'Ottawa depuis des semaines et selon laquelle « on ne peut pas faire grand-chose parce que M. Badawi n'est pas citoyen canadien » doit être de façon urgente remise en question! On peut comprendre que ce n'est pas simple. Mais il se trouve que la famille de Badawi est réfugiée à Sherbrooke. Doit bien y avoir un alinéa quelque part dans les conventions internationales honorées par le Canada pour argumenter et agir! À moins que l'obséquieuse coulisse politique soit au-dessus de la vie humaine en regard d'un pays qui ne devrait même plus être invité à notre table et qu'on devrait boycotter!

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Source Radio-Canada :


Les élus de Montréal veulent adopter une motion pour qu'Ottawa intervienne auprès de l'Arabie saoudite afin d'obtenir la libération du blogueur Raïf Badawi.Les élus de Montréal veulent adopter une motion pour qu'Ottawa intervienne auprès de l'Arabie saoudite afin d'obtenir la libération du blogueur Raïf Badawi.  Photo :  Radio-Canada
Les élus de Montréal adopteront lundi une motion demandant à Ottawa d'intervenir auprès de l'Arabie saoudite pour obtenir la libération du blogueur Raïf Badawi.
Selon le maire Denis Coderre, même si cette motion aura peu d'impact réel, elle permet de maintenir les projecteurs sur la cause du blogueur.
« Je pense que dans cette foulée d'appuis pour la liberté d'expression, quand vous avez un blogueur qui donne son point de vue et qu'on condamne à 10 ans de prison et à 1000 coups de fouet, très clairement, c'est inacceptable. »— Denis Coderre
La motion a été proposée par Benoît Dorais, maire de l'arrondissement du Sud-Ouest et chef de Coalition Montréal, mais tous les partis politiques à l'Hôtel de Ville ont décidé de s'y rallier.
Raïf Badawi avait été arrêté en juin 2012 après avoir critiqué le régime saoudien et s'être exprimé sur l'islam dans son blogue. Il a été inculpé de cybercrime, d'apostasie et de désobéissance à son père, ce qui constitue un crime dans le royaume. Il a été condamné à 10 ans de prison et à recevoir 1000 coups de fouet. Une fois la peine de prison purgée, il lui sera interdit de voyager pendant 10 ans.
Des moments difficiles pour la famille
L'épouse de Raïf Badawi, Ensaf Haidar.L'épouse de Raïf Badawi, Ensaf Haidar.  Photo :  Radio-Canada
L'épouse de Raïf Badawi, Ensaf Haidar, qui s'est réfugiée avec ses enfants à Sherbrooke en 2013, était présente à l'hôtel de ville lundi.
Après avoir remercié les élus, elle a indiqué que les temps sont difficiles pour sa famille.
Elle a expliqué qu'elle avait la possibilité de parler à son mari seulement quatre à cinq minutes par semaine. Par ailleurs, tous les vendredis, l'angoisse est grande pour elle et ses trois enfants, qui chaque fois attendent de voir si la séance de 50 coups de fouet qu'il doit recevoir chaque semaine sera encore une fois reportée.
Le père de famille de 32 ans a reçu les 50 premiers coups de fouet de sa peine le 9 janvier dernier, mais il en a ensuite été exempté chaque semaine des autres séances de flagellation.
Raïf Badawi et ses enfantsRaïf Badawi et ses enfants  Photo :  Radio-Canada

22 février 2015

Tocqueville : « la vieille France est au Canada »


Alexis de Tocqueville fit un petit saut de crapaud au Bas-Canada en août et septembre 1831. Dans une lettre du 7 septembre 1831, il note (déjà à cette époque) son dépaysement au sujet de la langue de la « Vieille France », le moé pis toé au temps d'un vieux Louis : « Il n'y a pas six mois, je croyais, comme tout le monde, que le Canada était devenu complètement anglais [...] Nous nous sentions comme chez nous, et partout on nous recevait comme des compatriotes, enfants de la vieille France, comme ils l'appellent. À mon avis, l'épithète est mal choisie : la vieille France est au Canada; la nouvelle est chez nous. »

Dans une autre lettre datée le 26 novembre 1831, la domination de l'establishment anglophone lui saute aux yeux : « Je viens de voir dans le Canada un million de Français braves, intelligents, faits pour former un jour une grande nation française en Amérique, qui vivent en quelque sorte en étrangers dans leur pays. Le peuple conquérant tient le commerce, les emplois, la richesse, le pouvoir. Il forme les hautes classes et domine la société entière. Le peuple conquis, partout où il n'a pas l'immense supériorité numérique, perd peu à peu ses mœurs, sa langue et son caractère national. »


Source : Jacques Leclerc, L'aménagement linguistique dans le monde, Histoire du français au Québec, Section 3 (1840-1960), 2.4 et 2.5.
http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HISTfrQC_s3_Union.htm, 
cité le 22 février 2015.

21 février 2015

Accueillir les enfants du monde

De mémoire :
« [...] la chambre d'ami sera telle
qu'on viendra de toutes les saisons
pour se bâtir à côté d'elle. »
— Gilles Vigneault, Mon pays

C'est à Sherbrooke au Québec que s'est réfugiée la compagne de Raif Badawi avec ses enfants. C'est de cette ville des Cantons-de-l'Est, notamment par le journal La Tribune auquel était abonné mon père, que nous sont parvenus ici les premiers échos de protestation exigeant la libération du blogueur saoudien dont le nom est désormais inscrit sur la liste des nominés au prix Nobel de la paix. Une motion unanime de soutient a par ailleurs été votée à l'Assemblée Nationale du Québec le 11 février dernier.

Même si cela n'est pas immédiatement lié, c'est également à Sherbrooke que fut mijoté et réalisé un projet pédagogique d'apprentissage de l'écriture digne de mention visant à intégrer à l'école, et donc à la culture française, les enfants des familles d'immigrants. Travail de fond bien pensé qui met à contribution les milieux communautaires, à mille lieues du ressentiment malsain que provoque parfois les échecs d'intégration à la société québécoise. Intégrer signifie d'abord ici faire aimer l'école aux enfants. Si cela advient, il me semble qu'après, la culture, c'est trippant.  

« Cent ans sans se plaindre! » - Robert Charlebois

À un jet de pierre de chez moi, cet univers de cent ans de soliloque qui est nôtre. Finitude. Solitude. Je retiens de ce fort texte de Josée Blanchette le mot caresse.


L’hiver sera long

Surtout vers la fin

La paix qui vous effleure du bout de l’aile pour Robert Fortier au Centre d’hébergement Notre-Dame-de-la-Merci.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir. La paix qui vous effleure du bout de l’aile pour Robert Fortier au Centre d’hébergement Notre-Dame-de-la-Merci.
Un bavoir autour du cou, une Colombienne au visage raviné soliloque en espagnol au bénéfice de la tablée. On se croirait dans un roman de García Márquez. Ne manque qu’un perroquet bavard, mais j’ai vu passer une colombe blanche. La préposée créole qui nourrit un de ses patients à la cuillère sourit même si, parfois, on lui crache au visage et qu’elle est moins payée que votre femme de ménage.

Monsieur Chartrand plonge sur sa poire en conserve nappée de chocolat refroidi : « Je suis un gars qui ne lâche pas ! Ça va trrrrrrrrrrès bien ! Mes “ r ” sont toutes là ! » À côté de lui, une résidente (on ne dit plus « malade ») ronfle la bouche grande ouverte. Son dentier s’est enfui quelque part en chemin. À la radio, en sourdine, on annonce encore de la neige. L’hiver sera long. Mais encore plus long pour ceux qui flirtent avec la dernière saison.

Ici, dans cette aile un peu à l’écart, on a rassemblé les démences, l’alzheimer et tous ses camaïeux. Sur les mille patients du Centre d’hébergement Notre-Dame-de-la-Merci de Cartierville, on en compte presque 400 comme eux, en soins de longue durée. Ils habiteront ici jusqu’à leur mort, parfois pendant des années.

La moyenne d’âge est de 82 ans, mais la démence peut vous frapper en plein lobe frontal à 50 ans. C’est une roulette russe. Certaines unités accueillent les sourds et les aveugles, les ventilo-assistés, les cas psychiatriques, chacune sa spécialité. Nous sommes au carrefour entre les soins hospitaliers et la résidence de personnes âgées avec son salon de coiffure, un fumoir et de la « liqueur » à la cafétéria.

La Dre Andrée Robillard, chef du service de longue durée et du département régional de médecine générale, me fait faire le tour du propriétaire. Après 15 ans au CHSLD, cette omnipraticienne qui a dédié son coeur à la gériatrie en connaît tous les recoins, tous les travers et tous les miracles au quotidien. Cette femme dynamique à l’humour salvateur, une rebelle rémunérée à salaire (par choix), fait avec les moyens du bord. Ses patients sont dépeignés ? Ils ne sont pas couchés dans le bon lit (ça n’a aucune importance, pourvu qu’ils aient le bon dentier…) ? Ils ne prennent qu’un bain par semaine ? Elle n’en fait pas une jaunisse. C’était souvent pire lorsqu’ils étaient à la maison, seuls.

Prendre soin plutôt que guérir

Ce qui importe le plus à la Dre Robillard, c’est que ses protégés soient en sécurité, choyés, qu’on soit attentifs à leurs besoins, à leur état mental et physique, tout en jetant du lest et en respectant leur liberté. Sauf rares exceptions, on ne pratique plus la contention dans son service. À défaut de tomber, certains retombent même en amour entre eux, ayant oublié qu’ils sont encore mariés dans la « vraie vie ». D’autres partent avec leur voiturette électrique sur la piste cyclable le long de la rivière des Prairies durant l’été, avec un téléphone et une bouteille d’eau. La prison, c’est en face, de l’autre côté du boulevard Gouin ; elle s’appelle Bordeaux…

La Dre Robillard pratique le care (prendre soin) davantage que le cure (guérir). Ici, on applique la méthode Carpe Diem — un besoin à la fois — même si le ministre de la Santé préconise la méthode Toyota, à la chaîne et à l’acte. « Notre taux de réponse aux besoins des résidents est de 80-85 %. Mais selon le Ministère, c’est encore trop haut. On voudrait un taux de réponse provincial de 70-75 % », relate la docteure.

Ça sentira encore davantage le vieux pipi et les dents ne seront pas brossées tous les jours, c’est moi qui vous le dis. De toute façon, un vieux, ça pue, non ? De toutes les réformes auxquelles la Dre Robillard a assisté en 26 ans de carrière, celle-ci s’avère la plus costaude : « La clientèle est de plus en plus lourde et nous avons de moins en moins de bras. Ce qui allume le plus nos patients, c’est le lien avec l’autre. Nous sommes grégaires, les humains… »

La Dre Care — je l’ai surnommée ainsi — se débat comme une démone ; ces vieillards ne sont pas que des corps malades dans un stationnement. Ils ont eu une vie et cette étape-ci est aussi importante que les autres, n’en déplaise aux gestionnaires de comptoir à légumes. Évidemment, il est plus facile de couper des médecins et des préposés dans les CHSLD et de prescrire davantage de médicaments ; la clientèle n’a plus ce qu’il faut pour protester. Et ce ne sont pas les compagnies pharmaceutiques qui s’en plaindront…

« C’est fou ce que nos patients nous apprennent, constate la Dre Care. Ils se contentent de peu, contrairement à nous ; chaque petit geste devient héroïque. Ils ne vivent pas au même rythme, sont contents de voir le soleil, de pouvoir enfiler leurs bas sans aide, de recevoir une caresse. » Une caresse. Je l’ai vue faire deux fois avec un patient de 89 ans qu’elle suit depuis des années et avec une dame atteinte d’alzheimer, l’air hagard et inquiet. Une simple caresse. Ça, ce n’est comptabilisé nulle part dans la réforme du Dr Barrette.

« La » famille

Heureusement, ils ont des familles, me direz-vous. Le problème, me souligne André Baril, 81 ans, directeur du Comité des résidents, c’est que « la » famille se fait rare. 10 %, peut-être, s’occupent de leurs vieux. « Mais ceux-là s’en occupent beaucoup ! », dit-il, comme pour excuser les autres.

Les couches risquent de ne pas être changées fréquemment s’il faut compter sur les liens du sang. « À Noël et au jour de l’An, c’est un classique, mentionne la Dre Care-Robillard, notre pagette vibre beaucoup. 400 familles débarquent et veulent parler au docteur parce qu’elles n’ont pas vu leurs parents depuis un an et qu’elles trouvent qu’ils ne vont pas mieux… » Elle le dit sans appuyer, même pas agacée, à peine ironique. « Elles veulent avoir l’heure et le jour de la mort pour pouvoir l’inscrire à leur agenda… On n’a plus le droit d’arrêter pour la mort. »

Cela demeure un immense paradoxe ; et malgré l’aide à mourir, ce programme reste encore théorique. Peu de familles s’occupent de leurs vieux. On laisse ça aux préposés immigrants qui en ont beaucoup à nous apprendre sur le respect des aînés. Mais lorsque vient le temps de laisser papi ou mamie « partir », certaines familles s’acharnent et exigent l’impossible, le gavage, la réanimation, les interventions lourdes et le reste.

« Il y a une réflexion sociale à faire sur le vieillir et le “ partir ” qui nous dépasse, nous, les médecins », rappelle celle qui fait le ménage dans les piluliers et déplore qu’on se dirige vers la surmédication faute de personnel adéquat.

Davantage de personnes seules qui vivent plus longtemps et ont moins d’enfants dans une société individualiste, cela s’appelle un désastre annoncé. Derrière tout cela, il y a notre refus collectif de s’en mêler, notre couardise devant une déchéance qui nous effraie et qu’on laisse à d’autres le soin de gérer et de torcher.

En fin de compte, il y a ceux qui oublient, et nous, qui préférons les oublier. Et ça, ça pue encore plus qu’un vieux.