25 décembre 2012

Pascal Quignard : de la nuit à la nativité


Passages.  

En train de lire Sur le jadis. On y trouve presque à chaque page des craques infigurables entre les planches oubliées du sous-venir. La station debout ne permet pas toujours l'immobilité. Ni de passer outre. C'est pourtant cet appel, plus fort que nous, qui siffle au loin comme vent gelé sur la colline. De la poussière de terrier jusque dans le rêve enfoui. 

« La vie est une sortie. »

 Rappel en plein front de la géante excavation de l'imaginaire par le petit bout de la lorgnette, page 222 :

« En février 1921, du château de Berg, Rilke écrit à Baltus : Toujours à minuit il se fait une fente minuscule entre le jour qui finit et celui qui commence. Une personne très adroite qui parviendrait à s'y glisser sortirait du temps et trouverait un royaume indépendant de tous les changements que nous subissons. À cet endroit sont amassées toutes les choses que nous avons perdues. Chat qui s'est enfui, poupées cassées, enfance... »

Rappel en plein cul de la vitalité indomptable, page 221 :

« Point pathogène partout sexuel.
Ce qu'on fait sort de ce qu'on est
Ce qu'on est sort du sexe d'une femme.
Ce qu'on vit sort de l'enfance.
Ce qu'on pense sort de la langue qu'on parle. 
Ce qui désire sort de son vêtement ou de son fourreau.  Toujours un terrier précède; ce qu'on nomme jadis dissimule la bête du présent comme un terrier s'invente dans le ventre des bêtes vivipares pour s'y dissimuler.  La curiosité est conçue comme une sortie.  La vie est une sortie. »

Pascal Quignard, Sur le jadis, Dernier royaume II, éditions Grasset & Fasquelle, Paris, 2002.

19 décembre 2012

Catrine Godin, soudain


« depuis quelque temps déjà, et peut-être plus d’un an, je travaille à ne pas écrire.ne pas écrire m’est devenu urgent. ce n’est pas seulement une question de “vider les mains” comme je l’avais tout d’abord pensé, quoique, quoiqu’il me fallait (et je le croyais) laver les images rémanentes, laisser la chair et les restes d’une écriture advenue réelle se transformer en humus, attendre que deux hivers passent pour que de nouvelles choses vivantes germent ou émergent d’une sorte de sol intime – oui je pensais devoir laisser mourir, je pensais nourrir par un sommeil particulier – mais des questionnements remuaient sans cesse, questionnement autour du beau trop beau à défaire, à défaire aussi une rythmique qui m’est probablement plus que naturelle, défaire des attachements qui n’avaient pas lieux d’être [ je nourrissais des images comme d'autres donnent de la viande à un chien]. mais, l’hiver dernier n’a pas été si blanc que, il n’a rien endormi, au contraire, et tendue vers une re-génerescence je me trouvai exacerbée et un printemps rouge m’a emportée ailleurs, ailleurs que dans mes forêts mes sentiers d’écrire… [...] »
- C. Godin, Trajectoires vers l'incertain, 12/12/12

17 décembre 2012

Saskatchewan, rivière aux courants rapides


La route du retour en ville était longue hier soir à cause d'un hoquet de la tempête, mais j'étions complètement ailleurs sur Les chemins de travers, porté par les ondes par les bons soins de Serge Bouchard jusqu'en Saskatchewan, surtout la socialiste avec Thommy Douglas (d'aussi loin que je me souvienne, lors d'un débat à la télé, ce petit grand homme fut pour l'ado que j'étais mon premier coup de coeur politique), surtout la métisse et la francophone, c'est-à-dire la Saskatchewan gommée par l'histoire officielle. Puis, en partie perdue dans la brume de notre si fière québécitude. Il est loin le temps de la Survivance française de ma lointaine campagne où l'on donnait quelques sous pour nos frères des Prairies... 

Joe Fafard était parmi les invités de Bouchard. Il vient souvent au Québec et se fait dire par des bonnes gens qu'il croise : « Mais, vous parlez bien français! », auxquels il répond : « Vous aussi »! C'est aimablement bien dit! 

À part Victor-Lévy Beaulieu, Bouchard lui-même, Thério Perso Marie-jo, Michel Brault & André Gladu (Le son des Français d'Amérique), jadis Alfred DesRochers, je ne connais hélas pas grand monde parmi les haut-parleurs de nos cités et villes qui sont sensibles à la culture des francophones d'Amérique. C'est pourtant notre talle ébouriffée! En cela, j'ai aussi bien apprécié le papier de Jean-Francois Nadeau dans Le Devoir de samedi dernier rappelant l'exode des Canadiens-français aux States, parmi lesquels se trouvait son aïeul, souffleur de verre à Lowell, afin de nous présenter en toile de fond le livre de Annie Proulx, Bird Cloud. Question de notre horrible errance magnifique.


Les francophones de la Saskatchewan | Les chemins de travers | Radio-Canada.cawww.radio-canada.caLes francophones de la Saskatchewan








13 décembre 2012

C'est seulement l'amour




Some say a heart is just like a wheel 
When you bend it, you can't mend it 
And my love for you is like a sinking ship 
And my heart is like that ship out in mid ocean 

They say that death is a tragedy 
It comes once and it's over 
But my only wish is for that deep dark abyss 
'Cause what's the use of living with no true lover 

And it's only love, and it's only love 
That can wreck a human being and turn him inside out 
That can wreck a human being and turn him inside out 

When harm is done no love can be won 
I know this happens frequently 
What I can't understand 
Oh please God hold my hand 
Is why it should have happened to me 

And it's only love and it's only love 
And it's only love and it's only love 
Only love, only love 
Only love, only love
- Kate & Anna McGarrigle

Isabelle Miron à l'ambassade Juan Garcia

J'ai feuilleté. Dans Poésie de perdition, poésie salvatrice (Éditions Nota bene, 2012), essai comparé des parcours dans les poèmes de Michel Beaulieu et Juan Garcia sur le thème du corps, Isabelle Miron (études littéraires, UQAM) tient comme une quête de sens le flambeau au-dessus des abîmes d'un poète québécois méconnu, Juan Garcia, justement. L'auteur veut mettre en pratique une « critique d'accompagnement » (p. 25).  Dans la présentation en dos de couverture, on voudrait prendre en délibéré comme un écureuil se fait des cachettes, entre autres approches disciplinaires, ce couple intriguant : l'alchimie sotériologique...
(Sotériologie : σωτηρία, sôtêria « salut ». Étude du salut de l’âme.)

Cela apparaîtrait possiblement au premier abord confondant ou ambiance de solde de new age s'il n'y avait pas aussi la tentative de soulever l'expérience du regard du poète posé sur l'absolu du réel, plus que le surréel selon la préférence de Garcia.  Ce qui ouvre les portes battantes et lointaines de l'astrophysique aux humbles porteurs de poussières d'étoiles.  Et là, par là, on s'en va vers une talle des plus vibrantes, celle des atomes de silence et la chance des fruits mûrs. Voyez : l'azur.

«Pour que l'oiseau dans ton regard
 file plus haut, fende le noir
en des levants plus loin que la terre » (p. 138)    

Mais par ailleurs, pour le temps présent dans la peinturlure du futur intérieur, voici un beau billot de douze pieds de Garcia.  Que ce soit novembre ou décembre.


ODE A LA BLANCHEUR

Je ne veux pas mourir comme on meurt en novembre
avec ce rien de nuit qui nous remplit les yeux
et cette fin du monde au bout de nos regards
quand le souffle pesant qui trahit notre pose
une dernière fois nous déçoit de silence
et qu'il faut vérifier le visage des hommes
pour voir si la douleur les touche de profil
et s'aveugler enfin dans son âme à jamais

Or je ne veux point vivre en amont de ma vie
ni prier le soleil d'un surcroit de lumière
tel ce mime de moi cassé dans ses genoux
qui demeure la proie d'un pays de passage
où tout est périmé hormis le temps qui passe

Je ne veux que finir dans un coin de la nuit
sans un arrêt de cœur en guise de contrat
et comme chaque mot me change le décor
à même le sommeil qui me tient clandestin
je veux tomber d'un cri si je meurs en novembre

- Juan Garcia





08 décembre 2012

06 décembre 2012

Qui-vive deux


« Nous naissons avec ce frisque cœur lièvre,
Ce sexe truite de désir, grandissons avec cette fièvre... »
— Michel Garneau

« De Pernambouc au Potomac... »
— Yves Sauvageau, Wouf Wouf.


Tout cela tire vers soi une ligne suave qui glisse sur la peau.

Pénombre.

De la véranda, Miles Davis coule à flot en douce déteinte engageante. 

Un canot imaginaire traverse en bleu l'atmosphère.

Le déclin du jour taillé au canif nous fait dériver vers l'amour.

***

Señorita, c'est moi, Papa l'Ours!
(Elle dit que j'ai les mains douces).

Quand on est pluvieux comme la pluie, on ne craint plus les jeux de mots fugaces qui fonderont au soleil comme du chocolat. 

Nous allons pour rire!

Je renchausse son dos. Je chavire. Je sais. 

Je ne sais pas où tu commences.

La glace est mince et les caresses archaïques. C'est si bon!

On n'est pas fait en bois!
***

Je suis pourtant devenu Apache le temps de traverser les yeux mordorés de mon chat Patch, qui n'est plus.

Sophocle et Agakuk en grandes voiles décousues dans le vent du fond de l’air de l'époque. Il en sort de la viande crue. Du jute.

De la mémoire gelée dans la chair du temps.

« De la mousse dessus le sang » dit le chat Félix.

« Va, cède au mort, ne cherche plus à atteindre ce qui n'est plus. », clame Tisérias.

C’est bien assez pour désaccorder le lecteur. Ça parle d’éclipses dans la maison. Peut-être l’inverse. 

La maison des éclipses!

***

Moi aussi j'aime le lecteur. J’aime traîner dans ses mûriers. Il est je. Mouche à feu. Fanal. Abîme.

Je ne fais pas exprès pour le faire rire. Lui faire cracher des pépites de pierres mauves, des scratches de souvenirs.

Je ne le traque pas et j'étire sur le chemin la languor entre nous. Pour le surprendre. Le ravir. Le saisir.

Pour l'entendre respirer au fond du puits où le silence reverdit, décharge ses conquêtes.

Ma maison s'éclaire soudainement grâce à lui.

Pourquoi ne pas plutôt dire grâce à elle? Puisqu’il y a surtout des lectrices.

***

Il y a de l'eau puisée à mains nues. Il y aura tantôt du vin et des éclisses de joie, des copeaux d'ivresse. Il y aura du flamant sous de grosses lunes angoras. Un dimanche. Puis rien.

Il y a de quoi craindre qu'une seule goutte de vie manque à l'appel.

Tous ces gens sur nos épaules depuis des siècles qui ont eu soif.

Mais mon chat qui meurt à l'instant entre mes bras!

***

C’était par un vendredi soir à Waterloo, ville slaque brothers de champignons entre les rangs de paillis humide et le fumier en traînées de brindilles éparses jusque dans les revers des overall des ouvriers, sur le prélart de la maison de chambres de la rue Young, dans les commerces, partout.

Ça puait à l'entrée de la ville. 

Dans le temps.

Jadis. 

C'est oublié.

Je suis jeune. C'est l'été. Je fauche à longueur de semaine le bord des fossés sur des routes de gravelle perdues, brûle les branchages dans le bout de South Stukely avec Bob Laliberté et le père Arès. On a du fun en masse! On arrête au domaine de Jean Rafa où il y a une fête en plein jour!

Wouf!  Wouf!

Vendredi soir, donc. Sur le trottoir magique, je déambule avec Bachand, Cécile, Castor, un paquet de bougalous. Nous ouvrons les cornets de la nuit, nous criaillons, nous irons danser au grill de l'hôtel comme des chevreuils en cage, comme des fous.

L'amitié. Un peu de rage. De la musique qui nous enterre.

Toujours le mot pour rire!  

Ça nous enchâsse. 

Entre deux joints, on pourrait ne rien faire.

« Waterloo! morne plaine! » disait Hugo.

Soudain, en plein sur la slide guitare une triste confidence de Hébert tombe raide dans face. C'est bien lui, son propre frère, qui me le confia : le Sauvageau légendaire de la place s'est résolu à 24 ans et des poussières. 

Crise d'octobre.

Après, la troupe de La Lanterne de la petite bourgade grise a pris son trou.

Après, on a parlé en anglais. Waterloo. Now he swings where the little birdie sings.

On a dit comme Moustaki : tu ne sais pas où je finis.

On a dit : c’est la vie qui éclate.

Oui! 

De Pernambouc au Potomac.


03 décembre 2012

Her Name was Rachel Corrie


@ Najat,

J'ai y mis le temps, mais voici donc, à ta demande...
Jack

Rachel Corrie

Hallo Jack!

Je me permets de t'écrire parce que je consulte régulièrement ton blog et je viens de mettre en ligne un court documentaire sur Rachel Corrie que j’espère publiciser un peu [...] Je cherche donc une plume comme la tienne si tu veux bien y jeter un coup d’œil, voici le lien:

Merci d'avance pour ton temps et au plaisir de te lire.

Najat Jellab