30 novembre 2015

Magyd Cheffi : Carnage


Marie-France, une amie d'Angeville en France, m'a communiqué l'autre jour par courriel ce texte intitulé Carnage, de la main de Magyd Cherfi, poète, chanteur, acteur, membre de l'irrésistible groupe toulousain Zebda qui a passé au Québec à l'été 2015 :
«Il y a des jours comme ça où on aime la France, où on a envie de chanter la Marseillaise, envie d’être tricolore comme un supporter insupportable. Il y a des jours où on se reproche de pas être assez français. Des jours où on voudrait s’appeler Dupont quand on s’appelle Magyd. Suis-je toqué ? Suis-je choqué ? Oui je laisse se répandre la douleur en mon cœur et reposer ma tête percutée de plein fouet.
C’était un carnage et c’est mon jour de baptême, je deviens solennellement français, c’est dit. Je promets devant le fronton des mairies d’aimer la France pour le pire et le meilleur, de la protéger, de la chérir jusqu’au dernier souffle. Suis-je sonné ? Miné ? Je nais.
Il y a des jours comme ça où même anar on porte un drapeau parce que c’est tout ce qui reste à brandir après l’embrasement et il est bleu blanc rouge. Il y a des jours où on aime ce pays même quand il a tort, même quand il se trompe parce qu’il est nous jusque dans les entrailles.
Des jours comme ça où on aime ce pays, ses hameaux, ses villages, ses monuments aux morts. Des jours où on regrette de pas la ménager la vieille dame aux quatre cent fromages.
Des jours où on préfère la justice à sa propre mère, des jours où on est à l’envers. Des jours qui dépassent nos propres idéaux de liberté, d’égalité, de fraternité. Des jours plus forts que la vie et c’est des jours de mort.
C’est vrai, des jours comme ça où on reprocherait à Renaud, Ferré, Brassens d’avoir aimé que la France et pas assez la patrie. Des jours où on voudrait être patriote sans attendre qu’un danger nous guette. Avant le sang, avant le feu.
On devrait avoir envie de sauver la France avant les signaux d’alerte, avant que la mort ne vienne exhaler son odeur dégueulasse. Allez ! Prenons les armes et sauvons ce trésor qui est la république et même la nation. Il y a des jours comme ça où on est de droite, de gauche, de tous les bords tant qu’ils respectent le droit de pas être d’accord. On envie ce pays d’autant tolérer d’avis contraires, d’idées extrêmes et nauséabondes.
Des jours comme ça où on mesure l’état de droit, la liberté, le combat pour la laïcité qu’elle que soit sa maladresse. D’assumer les débats foireux de l’identité nationale, de dire oui à la France quelle qu’elle soit, de tout assumer, Pétain et Jean Moulin, le lâche et le héros, l’orfèvre et le bourrin, l’étroit comme l’iconoclaste ? Des jours où Finkielkraut est un enfant de cœur, où le front national n’est qu’un adversaire de jeu.
Il y a des jours à lire Houellebecq pas pour ce qu’il écrit mais parce qu’il a peur ! Des jours à écouter Zemmour, Morano et Delon et la cohorte des dépités parce qu’ils perdent la boule. Des jours comme ça où on veut s’acheter deux sapins, un pour la tradition, l’autre pour l’effort de porter ce pays qui essaie en trois mots de nous faire une place.
Des jours où on veut manger des crêpes à mardi gras et à Pâques du chocolat.
Des jours où même noir ou même musulman, on veut bien que nos ancêtres soient gaulois.
Des jours comme ça où on s’incline devant la tombe du soldat inconnu, où on rechigne pas à la minute de silence. Des jours de fleurs pour tous les « morts pour la patrie » et qu’ils le soient au front ou à l’arrière salle d’un restaurant. Des jours où on choisit son camp parce qu’il y en a pas d’autres.
Des jours où on applaudit à tout rompre les uniformes, tous les gardiens de la paix, les paras et les flics. Ce jour là on aime les français quels qu’ils soient. Des jours, mais il y en aura d’autres.»

28 novembre 2015

Nouvelle au sujet de Raïf Badawi

Ça, c'est la plus belle nouvelle du jour! L'espoir toujours vif de voir Raïf Badawi enfin libre!



RAÏF BADAWI

La sentence aurait été suspendue

Le Devoir, 28 novembre 2015 13h45 |Agence France-Presse | Actualités internationales
Raïf Badaoui, 31 ans, arrêté en vertu d’une loi sur la cybercriminalité, a été condamné fin 2014 à dix ans de prison et 1000 coups de fouet. 
Photo: Annik MH De Carufel Archives Le DevoirRaïf Badaoui, 31 ans, arrêté en vertu d’une loi sur la cybercriminalité, a été condamné fin 2014 à dix ans de prison et 1000 coups de fouet. 
Montréal — Ensaf Haidar, l’épouse du blogueur saoudien emprisonné Raïf Badaoui, a exprimé samedi son espoir de voir aboutir favorablement la « procédure de grâce »pour son mari condamné en Arabie saoudite à 10 ans de prison et 1000 coups de fouet.

Plus tôt samedi, le secrétaire d’État suisse aux Affaires étrangères, Yves Rossier a indiqué que la sentence à l’encontre du blogueur de 31 ans « a été suspendue ».
« Une procédure de grâce est maintenant en cours auprès du chef de l’État, donc du roi Salmane ben Abdelaziz al-Saoud », a-t-il ajouté dans l’édition de samedi du quotidien de Fribourg, La Liberté, précisant avoir évoqué cette affaire lors de sa visite officielle à Riyad cette semaine.
 
« J’espère que c’est vrai, mais je fais confiance au gouvernement suisse », a déclaré Ensaf Haidar, l’épouse du blogueur réfugiée avec ses trois enfants au Québec.

« J’ai rencontré la présidente suisse [Simonetta Sommaruga] il y a quelques mois et elle m’a assurée que le gouvernement suisse travaillait très dur sur le cas de Raïf », a-t-elle indiqué dans un message transmis à l’AFP.
 
Animateur du site internet Liberal Saudi Network et lauréat 2014 du prix Reporters sans frontières pour la liberté de la presse, Raïf Badaoui est emprisonné depuis 2012.

Il a été condamné à 10 ans de prison pour « insulte » envers l’islam il y a un an et à 1000 coups de fouet à raison de 50 coups par semaine pendant 20 semaines.
 
Le blogueur a obtenu le 29 octobre le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit décerné par le Parlement européen, qui a alors appelé à sa libération « immédiate ».

Ensaf Haidar avait émis le souhait que Raïf Badaoui puisse aller lui-même chercher le 16 décembre à Strasbourg ce prix décerné par les chefs de file des groupes politiques du Parlement européen et parfois considéré comme l’équivalent européen d’un Prix Nobel.
 
Maintenant, « j’espère simplement que nous pourrons accueillir Raïf à l’aéroport de Montréal », a souligné Ensaf Haidar.

Le gouvernement du Québec avait ouvert en juin un dossier d’immigration auprès des services du gouvernement canadien pour le blogueur.

Pin

À l'orée de la vieille sucrerie, Sa Majesté le grand Pin.


Photo Jacques Desmarais, Béthanie, 25 novembre 2015.



Un vrai coeur blues

J'ai toujours aimé A True Blue Heart, indicatif musical de Ciné-Club à Radio-Canada qui faisait veiller tard les dimanches au soir. J'étais un téléspectateur assidu de ces rendez-vous, et en autant que je me souvienne, j'étais toujours seul dans l'ambiance de la nuit et l'univers du 7e art. Sans pouvoir me souvenir ni des titres, ni des acteurs, ni des auteurs (j'aimerais trop cela), il me reste pêle-mêle après toutes ces années des images qui m'ont profondément marqué.

20 novembre 2015

Mouiller la langue

Sur le papier consumé 
mouiller la langue
avec le bateau 
de tes rêves
pour que verdissent encore dans tes yeux
des forêts grandioses
des puits de lumière
des signes de vie
alors que ce jour de paperasse continue
nous avait radoté ses idées fixes 
de ramonage de sciure calcinée
de petits bouts de bois
en alphabets brisés
à l'ombre des traces de suie
qui prennent le bord
de nos emportements coutumiers
si magnifiques!

8/01/08 - 20/11/15


19 novembre 2015

Rendre le pré tendre

L’autre semaine au Cheval blanc lors du lancement du recueil de Christine Germain, joyeuse rencontre avec José Acquelin et le jeune Sébastien B Gagnon. « Pas si jeune que ça », réplique Sébastien lorsqu’il me parle de ses activités professionnelles qui ressemblent par certains aspects à celles que j'ai menées durant plus de 33 ans… D’autant que ce sera son anniversaire dans quelques jours! En prenant la photo des deux lascars, Sébastien a lancé que j’étais un archiviste de la poésie. « Un anarchiviste? », a demandé José? Ça, j’aime bien! J’ai mentionné à José Acquelin que j’avais reçu en cadeau de ma blonde son recueil Anarchie de la lumière, prix du GG en 2014. « Plus je vieillis, plus j’écris. », a-t-il confié, ajoutant qu’il écrit pour passer à autre chose, pour donner au suivant, ne sachant jamais trop trop d’où l’on vient. « Mais tout bon paysan pourra toujours vous montrer là où finissent ses terres, et reconnaître qu’au-delà de ses clôtures, ce ne sont pas ses cultures qui vont changer sa nature, le labour de ses jours, la semence de ses espoirs et la récolte de sa réalité. Car du début à la fin, l’art du passage n’est pas tant d’exiger mais juste de rendre le pré tendre. » (Anarchie de la lumière, les éditions du passage, 2014, p. 48). Quant à Sébastien, fils de Rimouski avec son franc regard marin, chercheur de troubles en vrac (http://www.revueliberte.ca/content/sebastien-b-gagnon), il publiera sous peu Mèche à L’Oie de Cravan. Rien de moins!



Photo JD. José Acquelin et Sébastien B Gagnon, Cheval blanc, 10 novembre 2015.



18 novembre 2015

Denis Collin : aller au fond des choses pour agir

Le terme « radicalisation » a pris en ces temps malheureux le sens d'endoctrinement aveugle mobilisant surtout de jeunes esprits carencés en quête de modèles extrêmes, les faisant passer à l'acte par l'internalisation des « valeurs » de la pure folie idéologique.

Être radical en philosophie a pourtant un tout autre sens dans la tradition occidentale. Cela renvoie en certains exemples à la documentation critique et rigoureuse de la pensée. Le plus souvent à la pensée qui s'oppose et révolutionne notre compréhension des êtres en devenir. Dans ce registre, je me souviens avoir lu chez Marx dans mes années d'étude en philosophie : être radical, c'est aller à la racine des choses. Plus précisément: « Être radical, c'est prendre les choses par la racine. Or, pour l'homme, la racine, c'est l'homme lui-même. » (Contribution à la critique de la Philosophie du droit de Hegel). 

Au lendemain du carnage bouleversant du 13 novembre qui a endeuillé Paris, aller au fond des choses est précisément ce qui motive le philosophe français Denis Collin dans texte publié sur le site de La Sociale.

Merci à René Merle d'avoir fait connaître sur son blogue Lectures et réflexions cette analyse éclairante.

Denis Collin, Le sommeil de la raison engendre des monstres 

17 novembre 2015

Urgence pour les réfugiés syriens!


Ci-après, Ianik Marcil. C'est à lire. Pour démonter et détendre par la raison le sac d'arguments pas très fondés, sinon sur la peur et les préjugés qui découragent et rapetissent notre humanité en ces temps tragiques où il faudrait, au contraire, beaucoup aimer la vie et les vivants, s'ouvrir aux plus mal pris d'entre nous, à commencer par les enfants. Nous sommes capables de faire beaucoup ici! Il y a urgence pour les réfugiés syriens. Comme je l'ai déjà entendu dire par Marie-Claire Blais lors d’une soirée de poésie, elle si sensible à cette guerre commencée en 1990, « cela se passe dans la chambre d'à côté ».
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Sur l’accueil des réfugiés syriens et l’urgence d’agir, quelques modestes remarques.
- On dit qu’il ne faudrait pas précipiter les choses. Pendant ce temps, des enfants, des femmes et des hommes qui tentent de fuir la violence, l’indigence et le déni d’humanité feront quoi? Attendre patiemment dans un radeau au milieu de la Méditerranée?
- On dit qu’il ne faudrait pas précipiter les choses. Parce qu’il est nécessaire de procéder à toutes les vérifications possibles pour assurer notre sécurité. Merci au gouvernement Harper qui a fait du Canada un des pays les plus paranoïaques du monde – nous avons une armée d’officiers de la GRC et d’agents de douanes et d’immigration pour faire cette job.
- On dit qu’il ne faudrait pas précipiter les choses. Parce qu’accueillir 25 000 personnes, ce serait énorme. De mémoire, Montréal en accueillerait 5700 d’entre eux. La région métropolitaine compte 4 millions de personnes. Ces 5700 personnes représentent donc 0,14% de la population de la métropole. Ou l’équivalent d'un quadrilatère. Grosse invasion.
- On dit qu’il ne faudrait pas précipiter les choses. Parce que la logistique nécessaire à leur accueil est complexe. Sans doute que ça ne s’improvise pas. Mais en vertu de quelle logique ne posséderions-nous pas les compétences pour le faire? Alors que la Sécurité civile et l’Armée ont su gérer la crise du verglas? Que nous avons été en mesure d’accueillir les réfugiés du Kosovo ou du Vietnam?
- On dit qu’il ne faudrait pas précipiter les choses. Transitent uniquement par l’aéroport de Montréal près de 15 MILLIONS de passagers par année – près du double de la population totale du Québec –, sans compter les autres aéroports internationaux de la province. Pourtant, dans l’histoire récente et lointaine du Québec, nulle preuve qui y soient entrés de méchants terroristes à la tonne, bien au contraire. (Source: rapport annuel de Aéroports de Montréal – http://www.admtl.com/sites/default/files/RA2014-F.pdf.)
- On dit qu’il ne faudrait pas précipiter les choses. Mais il y a urgence. Vous vous rappelez cette photo toujours aussi troublante d’un gamin mort sur une plage, largement diffusée début septembre? Ce jour où nous avons compris que nos frères et sœurs en humanité fuyaient l’indicible horreur? Ce sont elles et eux dont il est question. Incidemment, je vous invite à visionner ces photos troublantes, en parallèle:http://darbarnensover.aftonbladet.se/chapt…/english-version/
- On dit qu’il ne faudrait pas précipiter les choses. Oui il y a lieu de le faire. Avec rigueur et professionnalisme tout autant qu’avec humanité et empathie. Car l’heure est grave. Ces enfants, ces femmes, ces hommes et ces familles fuient l’horreur la plus absolue, celle qui a frappé autant Paris, Beyrouth, la frontière turco-syrienne que le Congo et bien d’autres endroits dans le monde où le terrorisme cherche à tuer la vie et la solidarité humaine.
- On dit qu’il ne faudrait pas précipiter les choses. Noël s’en vient. Si l’on désire mettre en valeur ce qui nous rassemble et ce qui nous ressemble, il me paraît particulièrement justifié d’accueillir à bras ouverts nos sœurs et nos frères humains et de leur offrir un peu de chaleur qui est particulièrement caractéristique de la réalité québécoise. Le général Roméo Dallaire avait dit, un jour, que ce qui lui avait manqué du Québec lorsqu’il était en mission au Rwanda était la chaleur de l’hiver. Cette maison, cet appartement, qui accueille les amis ou les parents par grand froid mais qui est chaude de son petit plat qui cuit doucement sur la cuisinière, de ces rires gras, de ces gamins qui courent partout dans les corridors et de cette vie, en somme, qui a l’immense privilège de sa richesse malgré les rigueurs du monde extérieur et de la vie quotidienne. Je crois bien sincèrement que nous sommes tous et toutes en mesure d’offrir cette humanité et cette beauté à nos amis Syriens.

14 novembre 2015

Le digne fils de l'amour

Olivier Kemeid dans le Journal Métro (14/11/15) partage un texte très touchant intitulé Suis-je le fils du terrorisme?

Blues pas à peu près


Pour traverser ce temps de guerre
dans les rues, le métro, dans nos têtes
Pour traverser l’effroi 
et la rareté de la mémoire,
une seule vie comme un as
ça suffira entre tous les feux,
mais
 tant de fatigue, de miettes,
de maille à partir, de noeuds
de morceaux cassés, de bêtises, 

d'insomnies, de mensonges, de pilules,
de poudre aux yeux,
surtout tant de morts successives
laissées 
sur le bord du chemin...

mon coeur, mon amour

les mains vides,
sometimes I am totally blues.

Solidarité avec le peuple français

C'est triste en maudit et je n'ai que de pauvres mots à partager. Mes pensées les plus attristées, les plus fraternelles sont pour les parents et amis des victimes innocentes de ce carnage inhumain qui va blesser à jamais la ville de Paris et la France tout entière. Je souhaite courage et énergie à tout le personnel hospitalier qui tente en ce moment de sauver la vie des blessés.

La France de la res plublica qui a choisi historiquement d'agrandir les libertés et d'assumer la laïcité représente encore de nos jours une exception politique dans le concert des nations. Quand la barbarie s'en prend à elle, à ses jeunes, à son peuple, elle attaque, j'en suis persuadé, ce qui est le plus haut et le plus cher pour des millions de personnes sur la Terre.  

Une marche de solidarité aura lieu demain le 15 novembre dans les rues de Montréal. 

Courage et sympathie à tous mes amis français que j'aime profondément.

11 novembre 2015

Saint-Ours









Espèce de criquet barbelé 

aux prunelles d'avoine

avec l'impossible silence


marcher sur la tête 

barbouiller

torse nu

sang 
plus loin 
que l'étourdi 
et le chambranle

l'écuelle choquante
l'homme égrené, 

sa chair
sous la pluie, 
salive, 
sa vie
gravée

caverne 
hurlante


Photo : oeuvre de Mentor Chico, Éjaculation, 1995.


09 novembre 2015

Les mots d'adieu de l'écrivaine Paule Doyon

Voici le dernier texte de Paule Doyon publié sur sa page FB quelques semaines avant de nous quitter le 2 novembre 2015. 

La finitude partagée qui nous habite le temps d'un permis temporaire de séjour... La solitude aussi. L'incertitude. Tout y est dit en mots simples et touchants de notre viscérale humanité.


« Je pars…
Tous mes arrangements sont prêts
j’ai même acheté une urne
pour y laisser ce que je ne puis apporter
je pars seule avec moi-même
et un billet pour l’aller seulement
aucun retour possible
Ma destination m’est inconnue
j’apprécie ce côté flou du voyage
je pars nue comme je suis arrivée
vous abandonnant tout ce que je possède
ou croyais posséder
je largue tous les regrets les rancunes et les guerres
je me veux légère pour voyager
J’ignore l’heure de mon départ
mais on vous avisera dès que je serai partie
je ne sais pas ce qui m’attend
au-delà de l’embarquement
si j’y rencontrerai déjà des gens
des gens déjà connus
à mon point d’arrivée
Je pars sans carte
la mort comme sherpa pour me guider
dans ces régions où tout s’ignore
à l’aventure comme ces fous de l’Everest
qui tronque leur vie pour un brin de gloire
je pars raccrocher ma mémoire
à la porte du temps
sans savoir où je vais
sans savoir qui m’appelle
du sommet de quelque chose
ou bien du néant »
- Paule Doyon, 9 septembre 2015

08 novembre 2015

Lire

Ex-citation. Comment lire. J'avertis, ça va être bon! Suffixation sur le duire, ce n’est pas une inflammation, ni une maladie honteuse! Même s'il y a enduire! (Comme disait un prof. d'université : « je ne voudrais pas vous enduire en erreur! »). Ce que je veux duire, je n'ai trouvé que très peu sur la signification du duire ici et là, sinon pour ce qui semble être l'essentiel, on donne « dūco » au sens de tirer, mener, conduire. Il y a une ribambelle de duire : séduire, introduire, induire, déduire, reproduire, mais surtout pour mon réel propos, il y a donc conduire, puis traduire (de l'ancien français translater, du lat. traducere, tradūcĕre, « conduire au delà, faire passer, traverser; faire passer d'un point à un autre ») et retraduire. Et ici, ça luit dans la nuit du tréfonds de la pensée. Traduire n'est pas une mince affaire. Traduire un texte de sa langue dans sa propre langue, ce n'est pas simple non plus! Il y a de grandes plumes comme celle, ici, de Marie-José Thériault qui s'y consacrent. Ça doit sacrer parfois! En même temps, dans la même cuisine collective, il y a la grande noirceur comme celle éprouvée par le grand-père de Miron qui était analphabète. Lire simplement, un rêve qui transforme le monde. Bon, là, pour le moment je n'ai qu'à peine feuilleté Et me voici soudain en train de refaire le monde de Nicole Brossard (Mémoire d'Encrier, 2015). Aux pages 31 et 32, on peut lire plein feu, tout doucement, comme la jachère de toute cette locomotive de la pensée vive, et je cite : « Tout texte nous dit de manière subliminale comment il veut être lu, car il produit des effets certains que nous ne pouvons pas toujours identifier rationnellement, mais dont la partie est réelle. Un texte dit s'il veut être utilisé pour le plaisir, pour la réflexion, pour l'émotion. Il dit je suis doux, je suis violent, apprenez à me connaître. Soyez libres de me transformer. Soyez virtuoses à votre tour.» 

On appelle ça avoir de l’oreille en titi!

07 novembre 2015

Ciel cambrousse

Il y avait un ciel du côté du pacage! Avec un éléphant, une grosse grenouille, des oiseaux angoras, un pinceau volant, une espèce de fin du monde pastel-fauve.


Photo Jacques Desmarais, Béthanie, 6 novembre 2015.

Photo Jacques Desmarais, Béthanie, 6 novembre 2015.

Photo Jacques Desmarais, Béthanie, 6 novembre 2015.

Photo Jacques Desmarais, Béthanie, 6 novembre 2015.

Photo Jacques Desmarais, Béthanie, 6 novembre 2015.

03 novembre 2015

L'atmosphère, l'atmosphère!


L'atmosphère coupée en poteaux

« La nuit est une main pour qui suit la nuit »
— Edmond Jabès

« [...] il fait nuit tout autour : ici surgit alors une tête ensanglantée, là une figure blanche et elles disparaissent tout aussi brusquement. C'est cette nuit qu'on aperçoit lorsque l'on regarde un homme dans les yeux, on plonge alors dans une nuit qui devient terrible; c'est la nuit du monde qui se trouve alors face à nous. »
— Hegel


la charbonneuse innocente
rôdait à sa guise
avec ses petits oiseaux à tisser,
à boire debout 
tout le long de l'ardoise

pendant que le jour sidéral
tombe sur la cambrousse
avec ses enfants natifs,
ses framboisiers 
rougis par la saison

la glotte des anoures animés
est un oeil crevé 
brûlant

sous les portes closes,
l'océane de jais 
vient se glisser 
dans son moïse  
pour copuler
encore une fois

sous le fard de la lune

chemin faisant on entend
le moulin de l'endormissement 
qui supplie en sourdine 
entre les rets de l'occupation
sur l'île des Apostrophes
regarde bon Dieu,
les rideaux sont mal tirés

ombres défaites
égarées çà et là
dans les plis 
de la poussière 
des siècles
et des siècles,

croix d'entretoises démesurées
qui s'échappent en fourches volantes
sur les murs qui s'annulent de partout 

comme
en amont,
lambrissés, 
tant de corps 
bombardés,
pieds noirs  
pris aux pièges 
par intervalles
réguliers
sur les corniches 
du crime

la houle 
 
avec ses rivières qui ioulent
s'en vient sans chaperon
s'immisce en boule
comme une chatte diamantée

sur le revers de la fortune 

les étoiles déconcrissent 
les souris grelottent
les grenouilles trémulent
les pépins de pommes
les grimoires
les patins métis
les dorés picotés gris 
les huîtres roulent
au fond du lac
Massawippi

les quenouilles
mal attriquées
au bord des fossés
se dévissent la tête  
au vent cru et solitaire 

se figure en rêve
d'Arabica
une odeur
qui flotte!
semblant de nénuphar 
tout le monde pourtant
ô! sainte semelle encornée 
personne sur l'autel des croûtes 
pour expier le soleil itinérant,
de mauvais drap,
qui barbouilla de cruauté 
le jour d'avant le naufrage 

la côte était vraiment dure à remonter 

Seigneur de la vie,
toi, mon coeur,
rince!
ne parle pas 
ne parle pas
de l'effacement 
ne parle pas 
de l'atmosphère 
NORMALE!



De Pasolini à Paolo Di Paolo

Dans le cahier littéraire du Devoir du 31 octobre 2015, on trouve d'intéressantes recensions suggérées par Christian Desmeules à propos des lettres italiennes.

Rappelant la triste fin de Pasolini assassiné il y a 40 ans, le chroniqueur signale tout d'abord un essai récent de la journaliste Simona Zecchi, intitulé Pasolini, massacro di un poeta (Ponte alle Grazie), qui accréditerait la thèse de l'assassinat politique.

Desmeules cite par ailleurs L'Inédit de New York (1969) dans lequel Pasolini exprime avec force sa croyance en la poésie : « On peut lire des milliers de fois le même livre de poésie, on ne le consomme pas. Le livre peut devenir un produit de consommation, l’édition aussi ; la poésie, non. »