05 octobre 2007

Carnets pelés 13 - Vieux courriel pour Carolinade



15 mars 2004



C'était mercredi dernier, jour de paye.

J'avais donc quelques piastres de lousse dans les poches. J'ai fait une promenade sur l'heure du dîner jusqu'au Spectrum, puis là, je me suis offert un billet pour le spectacle de Desjardins qui aura lieu en mai.

J'ignorais qu'à la même heure, l'ami Desjardins était intronisé Docteur honorifique
par l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue,

et qu'il était sur le point de prononcer un discours devant un parterre distingué.

À la fin de ce discours, c'est absolument remarquable,

Desjardins cite un poète espagnol, Antonio Machado :

« Caminante, no hay camino, se hace camino al andar.
Chemineur, il n'y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant. »

J'aime énormément ce vers et je ne savais pas qu'il exista,

simple, direct, moi qui ai si souvent pensé dans la brume

que c'est à peu près ainsi, dans ce pas et dans ce souffle

que la vie bat la semelle.

Il vaut certes la peine de citer plus longuement le poème de

Machado qui fut un opposant à Franco :

Tout passe
et tout demeure
Mais notre affaire est de passer
De passer en traçant
Des chemins
Des chemins sur la mer
Voyageur, le chemin
C'est les traces
de tes pas
C'est tout; voyageur,
il n'y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant
Le chemin se fait en marchant
Et quand tu regardes en arrière
Tu vois le sentier
Que jamais
Tu ne dois à nouveau fouler
Voyageur! Il n'y a pas de chemins
Rien que des sillages sur la mer

Desjardins préfère le « chemineur » au « voyageur »,
car il traduit en toute logique la parenté du mot caminante avec camino.

C'est parfait, c'est mieux à mon sens. C'est un peu cheminot.

Puis ça se conjugue bien avec le gars de l'Abitibi

qui en sait un bout aussi sur les mineurs...

C'est donc ainsi que les jours s'enfilent et s'effilochent

se rallument et nous font parfois sauter une coche.

Le lendemain, le jeudi, on nous arracherait les larmes
et nous verrions la dignité du peuple espagnol.*

Dans quelques semaines, je retournerai au Spectrum plein à craquer. Je le sais, car il ne restait presque plus de places.


Nous serons à l'ombre avec le poète boréal qui est si responsable. Peut-être saisirai-je mieux, une fois déployé sur scène, son dernier ouvrage, Kanasuta?

Ce n'est pas facile à saisir l'urgence.

L'urgence!

Mais j'aime à répéter qu'en pareilles circonstances,

nos pas projettent toujours un peu sur les murs des passerelles polyglottes.

Que nous ne sommes pas dans un char allégorique.

«Que la main du bourreau finit toujours par pourrir» (Rolland Giguère).

De toute manière, si « notre affaire est de passer »,

il ne s'agit pas pour autant de fuir.



On n'est pas sorti de la caverne, M. Platon!


Fallait-il vraiment prétendre en sortir?


On est pas sorti du bois non plus!


« Caminante, son tus huellas
el camino y nada más;
caminante, no hay camino,
se hace camino al andar.»

* Référence à l'attentat du 11 mars 2004 dans les cercanías à Madrid qui a tué 191 personnes.

Photo de Richard Desjardins en Docteur : Magazine de l'Université du Québec, Printemps 2005.




3 commentaires:

Karo Lego a dit...

:):):):) moult sourires ;)

Tommy a dit...

salut!
je vis à Montréal! ça vous tente tu d'aller prendre une bière la semaine prochaine ou une autre au griffintown café, c'est full le fun pis y'a un band qui joue du blues. On est là tout les vendredi et samedi haha (on est voisin d'la place).

En tout cas, j'ai pas lu le billet, je voulais juste laisser l'invitation. Je vais le lire là, pis Richard Desjardins je l'aime bin, je l'ai vu en show à Longueuil, c'tait bon.

Fak c'est ça, comme le gars dit.

Jack a dit...

C'est trippant ça, Saoul. Je dirais même que c'est triplant. Je ne suis jamais allé dans ce nique historique irlandais. J'irai avec plaisir même si je suis gêné au coton! Rue Notre-Dame, c'est ça? Faudra juste vérifier mes allées et se le confirmer. Tks!