C'est congé et ça paraît sur le tympan!!!
Ça fait une «différance» sur le petit marteau et l'enclume.
***
Heureusement que Blasté n'est pas Anéanti. Jean Marc Dalpé ne s'est pas brûlé la langue avec les punk anglais en traduisant direct to the point Sarah Kane. Remarquable traduction. Mais c'est atroce cette pièce d'instinct et de mots barbelés, sucés longtemps, trempés dans le sperme des fachos ordinaires.
Le théâtre et son triple, si cela existe.
À un moment donné, le décor se pulvérise. La secousse fracasse la chambre d'hôtel, seul lieu de la pièce, qui était jusqu'alors elle-même champ de bataille de l'intime où passaient à hue et à dia la lancinante dérive du désespoir (Ian) avec quelques filets de compassion (Cate), mais pas l'amour, oh! christi! Non!
Ian hait les nègres et les fifs. Il a perdu un poumon, quémande toujours au bout de sa corde, boit comme un trou, fume, crache des morceaux de tolle, paranoïe. Il est journaliste impliqué dans quelque gamick, témoin des chiens écrasés et des viols quand c'est «human interest».
À ses côtés, Cate est jeune, douce mais spontanée, fragile, marginale, tombe dans les bleus dès que ça chauffe, rit comme une débile, nourrit des projets personnels...
Retondit subrepticement dans la chambre un soldat égaré, comme une balle perdue. Absurde insertion. Il racontera la guerre qui a les couleurs de toutes les inhumanités. Le boy est armé jusqu'aux dents. Il mord, il encule. Ian le perdu se fera littéralement manger les yeux.
Qu'en est-il de nos yeux à nous jetés indifféremment parmi les slictueux de la morgue présente? Aujourd'hui même le compte est : 4000 soldats américains morts raides en Irak. Combien de civils? 200 000? Combien de personnes là comme ailleurs en ce monde n'ont plus aucune distance entre les murs de leur chambre privée et la boucherie, la déshumanisation, l'enfer sur terre?
Déjà, en 1991, à la Nuit de la poésie, Marie-Claire Blais déclarait d'une voix blanche : «Cela se passe dans la chambre d'à-côté».
Je ne connais rien au théâtre. Au sortir de l'Usine C, nous croisons Andrée, une connaissance qui est comédienne. Elle a une boule dans la gorge. Nous discutons un bon quart d'heure de la pièce. On ne peut pas aimer cette pièce lente, longue, mauve foncée, par moment infernale... En parlant, sans qu'elle le sache, Andrée m'aidera à comprendre quelques aspects des personnages qui m'ont complètement échappé.
Mais nous savons cependant que les acteurs puissants de cette pièce - Roy Dupuis, Céline Bonnier et Paul Ahmarani -, nous ont eu. Ils ont broyé la représentation avec les mots, les postures, la réalité, même si l'on sait que la réalité n'est jamais que construite, que ce petit mixe de cigarettes, de peau, de sexe, d'amour éperdu, d'alcool, de dérision, de grotesque, d'absurde, de fusil, ce jeu de l'horreur mis en scène par Brigitte Haentjens, nous savons que cette ambiance va torturer notre amnésie inconnue au-delà du beau, du bien et du vrai.
L'enfer sur la terre. Dans le programme, on peut lire cette phrase de Sarah Kane : « Nous devons parfois descendre en enfer par l'imagination pour éviter d'y aller dans la réalité».
On retrouve ici le même filon «démonstratif» qui mena Pasolini à tourner ce que pourrait être l'enfer sur la terre avec Sado et les 120 jours de sodome (1975); sur un autre registre moins cru, on pense aussi à 1900 (1976) de Bertolucci. On retrouve dans ces oeuvres le croisement de la poésie et du politique, ce champ de bataille à priori bien excitant, niveau secondaire IV à la Michael Fortier. Haentjens écrit :
«Sarah Kane parle de la guerre, certes, de la guerre que l'on regarde à la télévision, à l'abri du réel. Mais Blasté n'évoque pas tant les conflits de Bosnie, Rwanda, d'Irak ou du Liban, mais la guerre ici, là dans l'esprit et le corps, dans le théâtre où nous sommes (...) Elle installe le champ de bataille dans l'intimité alors que toute notre société tend à faire disparaître la notion même d'ennemi fait de chair et de sang - pour nous permettre de consommer de façon compulsive images et objets, informations et fictions.»
Le théâtre et son trip.
Le lendemain, j'ai sans doute visionné autrement que je ne l'aurais fait le film Les Guerriers de Micheline Lanctôt à partir du succulent texte de Michel Garneau.
Puis, je n'ai pas été étonné de recevoir une demande d'abonnement sur You Tube accompagné d'un clip insupportable de Naked Slide.
Note : Je viens de lire cet entretien dans le Devoir,très bon.
Le théâtre et son triple, si cela existe.
À un moment donné, le décor se pulvérise. La secousse fracasse la chambre d'hôtel, seul lieu de la pièce, qui était jusqu'alors elle-même champ de bataille de l'intime où passaient à hue et à dia la lancinante dérive du désespoir (Ian) avec quelques filets de compassion (Cate), mais pas l'amour, oh! christi! Non!
Ian hait les nègres et les fifs. Il a perdu un poumon, quémande toujours au bout de sa corde, boit comme un trou, fume, crache des morceaux de tolle, paranoïe. Il est journaliste impliqué dans quelque gamick, témoin des chiens écrasés et des viols quand c'est «human interest».
À ses côtés, Cate est jeune, douce mais spontanée, fragile, marginale, tombe dans les bleus dès que ça chauffe, rit comme une débile, nourrit des projets personnels...
Retondit subrepticement dans la chambre un soldat égaré, comme une balle perdue. Absurde insertion. Il racontera la guerre qui a les couleurs de toutes les inhumanités. Le boy est armé jusqu'aux dents. Il mord, il encule. Ian le perdu se fera littéralement manger les yeux.
Qu'en est-il de nos yeux à nous jetés indifféremment parmi les slictueux de la morgue présente? Aujourd'hui même le compte est : 4000 soldats américains morts raides en Irak. Combien de civils? 200 000? Combien de personnes là comme ailleurs en ce monde n'ont plus aucune distance entre les murs de leur chambre privée et la boucherie, la déshumanisation, l'enfer sur terre?
Déjà, en 1991, à la Nuit de la poésie, Marie-Claire Blais déclarait d'une voix blanche : «Cela se passe dans la chambre d'à-côté».
Je ne connais rien au théâtre. Au sortir de l'Usine C, nous croisons Andrée, une connaissance qui est comédienne. Elle a une boule dans la gorge. Nous discutons un bon quart d'heure de la pièce. On ne peut pas aimer cette pièce lente, longue, mauve foncée, par moment infernale... En parlant, sans qu'elle le sache, Andrée m'aidera à comprendre quelques aspects des personnages qui m'ont complètement échappé.
Mais nous savons cependant que les acteurs puissants de cette pièce - Roy Dupuis, Céline Bonnier et Paul Ahmarani -, nous ont eu. Ils ont broyé la représentation avec les mots, les postures, la réalité, même si l'on sait que la réalité n'est jamais que construite, que ce petit mixe de cigarettes, de peau, de sexe, d'amour éperdu, d'alcool, de dérision, de grotesque, d'absurde, de fusil, ce jeu de l'horreur mis en scène par Brigitte Haentjens, nous savons que cette ambiance va torturer notre amnésie inconnue au-delà du beau, du bien et du vrai.
L'enfer sur la terre. Dans le programme, on peut lire cette phrase de Sarah Kane : « Nous devons parfois descendre en enfer par l'imagination pour éviter d'y aller dans la réalité».
On retrouve ici le même filon «démonstratif» qui mena Pasolini à tourner ce que pourrait être l'enfer sur la terre avec Sado et les 120 jours de sodome (1975); sur un autre registre moins cru, on pense aussi à 1900 (1976) de Bertolucci. On retrouve dans ces oeuvres le croisement de la poésie et du politique, ce champ de bataille à priori bien excitant, niveau secondaire IV à la Michael Fortier. Haentjens écrit :
«Sarah Kane parle de la guerre, certes, de la guerre que l'on regarde à la télévision, à l'abri du réel. Mais Blasté n'évoque pas tant les conflits de Bosnie, Rwanda, d'Irak ou du Liban, mais la guerre ici, là dans l'esprit et le corps, dans le théâtre où nous sommes (...) Elle installe le champ de bataille dans l'intimité alors que toute notre société tend à faire disparaître la notion même d'ennemi fait de chair et de sang - pour nous permettre de consommer de façon compulsive images et objets, informations et fictions.»
Le théâtre et son trip.
Le lendemain, j'ai sans doute visionné autrement que je ne l'aurais fait le film Les Guerriers de Micheline Lanctôt à partir du succulent texte de Michel Garneau.
Puis, je n'ai pas été étonné de recevoir une demande d'abonnement sur You Tube accompagné d'un clip insupportable de Naked Slide.
Note : Je viens de lire cet entretien dans le Devoir,très bon.
1 commentaire:
c'est drôle je parlais justement à Bourbon de Sarah Kane, que j'étais en train de lire (c'est merveilleux Amazon) et il m'a annoncé qu'il allait voir Blasted. je ne lui ai pas parlé depuis. il est peut-être mort avec Ian, après avoir mangé un enfant.
le soldat qui arrive pas rapport, c'est la conséquence du viol de Cate. c'est à mots couverts mais c'est quand même le tremblement intérieure de cette femme un peu trop bonne, trop conne diront d'autres, ou simplement trop simplette, qui se fait abuser malgré elle, alors qu'elle est dans l'autre monde, par ce Ian finit jusqu'à la corde.
le soldat, c'est la représentation de la violence. pour moi ce n'est pas vraiment une pensée critique face à la guerre qu'on voit à la télé et que l'on trouve plate pcq ça se passe toujours dans les mêmes pays qui règlent jamais leurs conflits (sic!), c'est surtout une représentation de la violence intérieure, psychologique, que l'on subit et fait subir tous les jours.
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