13 décembre 2008

Le Clézio et sa fumée d'un trait










À lire et méditer le discours d'acceptation du Prix Nobel de littérature de J.M.G. Le Clézio intitulé Dans la forêt des paradoxes et prononcé le 7 décembre 2008.

À elles seules, les deux dernières pages offrent un riche itinéraire littéraire très personnel, un hommage aux écrivains de par le monde.

De par ici, on y retrouvera cités les noms de Rita Mestokosho, Nelligan et Réjean Ducharme.

Mais avant d'en venir aux mots, il y a d'abord les zones de solitude et de surprenance qui traversent et enveloppent tous ces pluviers siffleurs de hasard et de nécessité...

« La solitude est aimante aux écrivains, c'est dans sa compagnie qu'ils trouvent l'essence du bonheur. C'est un bonheur contradictoire, mélange de douleur et de délectation, un triomphe dérisoire (...) Il voulait parler pour tous, pour tous les temps : le voilà, la voici dans sa chambre, devant le miroir trop blanc de la page vide, sous l'abat-jour qui distille une lumière secrète. Devant l'écran trop vif de son ordinateur, à écouter le bruit de ses doigts qui clic-claquent sur les touches. C'est cela sa forêt. (...) Si parfois quelque chose s'en échappe, comme un oiseau levé par un chien à l'aube, c'est sous son regard éberlué - c'était au hasard, c'était malgré lui, malgré
elle. »

Photo : tirée du site de l'Association des lecteurs de Le Clézio.

4 commentaires:

Edouard.k a dit...

Je me souviens qu'à cette époque, j'avais 23 ans, j'avais lu cet hors-série de Libération où l'on posait à 400 écrivains la question : pourquoi écrivez-vous ? Je me souviens que sa réponse m'avait profondément marqué, sans doute en raison du narcissisme propre à cet âge de la vie qui nous fait rechercher dans l'art un écho de nos propres préoccupations. En tout cas, je m'étais précipité acheter "le procès-verbal". Juste pour se souvenir, c'est ici.

http://www.liberation.fr/culture/0101123345-j-imaginais-une-autre-vie-que-la-mienne

Jack a dit...

Salut Rimailleur,

J'ai lu au même âge Le Procès verbal, à la suite de Cayrol, Butor, Robe-Grillet, le D'amour P.Q. de Jacques Godbout et le Sollers de H. Je ne me souviens plus de l'argument autour de Adam Pollo, mais ce livre venu peut-être des brumes de l'Étranger, écrit par un jeune écrivain apeuré par la guerre, était marquant, en effet, pour un jeune lecteur.

Le Clézio pour Le Point, cité par Pascale Arguedas (http://pagesperso-orange.fr/calounet/resumes_livres/leclezio_resume/leclezio_procesverbal.htm) :
« C'était une drôle d'époque. J'ai commencé à écrire ce livre alors que la guerre d'Algérie n'était pas finie, et que planait sur les garçons la menace d'être envoyés dans le contingent. Un de mes camarades, un garçon très artiste, très rebelle, nommé Vincent, du fait de ses mauvaises notes est parti à la fin de l'année 1960, et il a été aussitôt tué dans une embuscade. Un autre convoyait des fonds pour le FLN. Un autre était revenu en permission, le cerveau lessivé, ne parlant que de bazookas et de « bidons spéciaux » (comme on nommait pudiquement le napalm). Certains de mes camarades pour échapper au Moloch se tiraient une balle dans le pied, ou s'injectaient de la caféine pour feindre une tachycardie, ou construisaient une folie qui au cours des semaines de traitement à l'hôpital militaire devenait réelle. L'état d'esprit, c'était un mélange d'agressivité et de dérision, duquel le mot « absurde » ne rendait qu'un faible écho. En même temps régnait en France un racisme anti-arabe des plus répugnants, dont je ne peux m'empêcher de ressentir la résurgence aujourd'hui.

Alors j'écrivais « Le procès-verbal » par bribes, dans le fond d'un café, en y mêlant des morceaux de conversation entendus, des images, des découpes de journal. »

Le 17 octobre dernier, quelques jours après l'annonce du prix Nobel, il s'est adonné que « le nomade enraciné » participe à un colloque à Montréal intitulé « Les littératures de langue française à l'heure de la mondialisation », organisé par l'Académie des Lettres du Québec.

Le Clézio a déjà enseigné au Québec.

Plutôt que de la francophonie, Le Clézio « préfère parler de l'amour de la langue française (...) mais aussi amour de ceux qui la parlent, et ce n'est pas une oeuvre charitable, mais une absolue nécessité. » (Damaggio, Durand, Voyage aux Amériques du Nord, éd. confidentielle, déc. 2008, p. 34).

Anonyme a dit...

Malgré toute l'usure des conventions et des compromis,

le crayon de charpentier
est passé de l'autre côté du langage,
dans le cercle des loups

La forêt,
un monde sans repères.

Les mots des autres, peut-être pas toujours les plus beaux, mais ceux-ci...

Merci et bon trajet demain.

Anonyme a dit...

Oh, oui, j'y tiens à ce trajet.
Merci!