20 décembre 2008

Que cela advienne!



Que cela advienne!

Suivant les pistes de ce pays de nos bras,
il est des zéphyrs rafraîchissants
dans nos rêves de panache & de liberté
où nous porterons des nez lits gants,
mon cher Amir, pour rire et pleurer,
pour nos amis qui viennent de toutes les saisons,
au bord des vitres, jardins de givre & de lys
soleils de vielle éblouissants comme des épées de carnaval
qu'il vienne l'été, qu'il chante dans les villes, bonyenne!
Pour aussi long de temps
que l'on s'en souvienne...
Oui! Nous l'aurons
dans la mémoire longtemps
ce goût de franc bois
du pays d'en haut.

***

T'en souviens-tu?

T'en souviens-tu, Godin
astheure que t'es député
t'en souviens-tu
de l'homme qui frissonne
qui attend l'autobus du petit matin
après son chiffre de nuit
t'en souviens-tu des mal pris
qui sont sul'bien-être
de celui qui couche dans la neige
des trop vieux pour travailler
qui sont trop jeunes pour la pension
des mille métiers mille misères
l'amiantosé le cotonisé
le byssinosé le silicosé
celui qui tousse sa journée
celui qui crache sa vie
celui qui s'arrache les poumons celui qui râle dans sa cuisine
celui qui se plogue sur sa bonbonne d'oxygène
il n'attend rien d'autre
que l'bon dieu vienne le chercher
t'en souviens-tu
des pousseurs de moppes
des ramasseurs d'urine
dans les hôpitaux
ceux qui ont deux jobbes
une pour la nuitte
une pour le jour
pour arriver à se bûcher
une paie comme du monde
t'en souviens-tu, Godin
qu'il faut rêver aujourd'hui pour savoir ce qu'on fera demain?

Gérald GODIN, Les botterlots, Montréal, L'Hexagone, 1993, 80 p.


2 commentaires:

Jack a dit...

Jean-Paul Sartre, Ernest, Lénine... Mais qu'est-ce que tu faisais, Godin, avec une 22 sur ta dactylo?

Anonyme a dit...

Un beau "duyo ", comme dirait notre Clémence nationale, ces mots de Godin sous la photo de Szilasi. (Merci pour le lien, je n'avais pas exploré plus loin à son " sujet", un vrai capteur...de rêves)

Le noir et blanc des mains sur les dactylos, les mots advenant de leurs cous tendus, les yeux mi-clos debout sur les feuilles de papier de la tombée, mais combien de paire de souliers les anciens veilleurs de révolution ont-ils lancé sur la face imprimée d'un président made in USA ?

Amir Khadir-Gérald Godin: à peu de gestes près, le même combat qu'il y a quelques 40 ans, mais vaut mieux tard que jamais.

Il y aura encore des mots, des comme ceux venus de ces pays d'en haut, des comme les siens, des comme les tiens, des comme les miens, des comme les leurs et surtout des comme les vôtres.

L.