21 novembre 2009

La Frenière




La sonnerie du téléphone m'a tiré du lit à 9 h. Je filais non stop vers la grâce m'étant canté la couleuvre à 4 heures du matin!

Mais je ne pouvais pas faire l'absent. La Frenière était au bout du fil, présent sur l'Île, une rareté, à cause du Salon du livre où il répand son quatrième recueil intitulé Un feu me hante, aux éditions d'art Le Sabord.

Nous avons lunché ensemble rue St-Paul et parlementé une bonne secousse. Jean-Marc est une encyclopédie vivante de la poésie au Québec. Il connait aussi bien les œuvres que les artisans barbouilleurs de vie. C'est à grandes enjambées que l'on marche à ses côtés.

Le nouveau recueil est exceptionnel. Peu importe où vous glanez en ces pages de papier glacé, c'est vif et beau. Poèmes en prose détachée, aphorismes en ribambelle, illustrations de Lino. Quelques blessures au sujet de l'Homme. De l'indignation. De L'étonnement surtout. De la rosée du matin jusqu'à l'âge des pierres dans la nuit. Du bois autour de ses mots, le cri des bêtes dans les phrases, le crissement des insectes au bout du crayon, un chevreuil qui écoute derrière la page, un flocon de neige éternel. Et toujours un prolongement à la marge grouilleuse. Et beaucoup, beaucoup d'amour.

« Pour le poète, apprendre à vivre, c'est apprendre à écrire. J'écris avec l'odeur des objets pauvres. Je suis fait de racine, de sable, de nuages. Mon sang porte la terre. La vie porte la mer. Les brocanteurs de rêves n'ont plus rien à brader. Ils brodent des cicatrices sur le cuir du cœur. » (Une syllabe d'or, p. 38).

« J'ai tous les âges à la fois, même mon âge à venir. (...) J'ai l'âge des cailloux, du mica, du carbone. J'ai l'âge des oiseaux qui naissent chaque jour. J'ai l'âge de mes enfants et de mes petits-enfants. J'ai l'âge des chevaux échappés du manège. » (Le temps qui passe, p. 25).

Lorsque nous nous sommes laissés rue University, Jean-Marc regagnait le bloc de béton de la vaste Place Bonaventure en souhaitant retrouver au Salon, plutôt dans la cuisine underground des mots, son ami Patrice Desbiens.

(Photo : Jacques Desmarais)

2 commentaires:

Le Seuil a dit...

« Lorsque la pluie se couche dans le lit des semences toutes les tiges se dressent. »

Sur le chemin du retour des bienheureux, cette phrase surgie au hasard du FEU QUI HANTE, un peu comme une suite logique à cette soirée amironnante, remplie des instants précieux du Mémorable.

La pluie, comme la poésie, au rendez-vous du rapaillement de nos émotions, bienvenue et salvatrice. La poésie, ses traces indélébiles sur les cœurs en VOIX d’apparitions.

La poésie tout contre la pluie, sur les vitres embuées d’un bus rempli de chaleur humaine, de sang froid et de virus, sa contagion via les mots des autres, au service des plus forts comme des plus faibles, son élégance, sa franchise.

Et la terre, qui danse dans ta tête mille fois moins qu’une tête d’une épingle, avec celle en dormance pour l’hiver, emprisonnée dans son petit pot de verre…

Jack a dit...

Regard éclair filtre blues

Quand la pluie bafouille aux vitres
qu'il fait nuit noire
comme en ce moment
la poésie qui nous habite
aussi bien dire la danse
qui se déclenche,
trace dans la brouille
des rigoles de diamants
qui s'infiltrent
du dehors au dedans

C'est comme une joie
qui pleure en silence.