03 octobre 2010

Bori, le chant magnétique












Bori a fait le délinquant l'espace d'une chanson en remettant son masque, celui du temps des ombres, des fantômes et de l'espace secret où le chanteur ne voulut pas que les projecteurs se braquent sur son personnage aux dépens du texte, ces grands bols d'air de chansons pour changer d'air justement, ce réservoir alumirant de poésie signée Bori aux flancs blancs du quotidien pas toujours très drôle, les pâquerettes, les rats...

J'ai adoré jadis le Bori annuel au Gésu, l'audacieux pêcheur de magie qui nous ravissait avec ingéniosité, jazz, cirque et anonymat, avec justement un air de jamais vu dans la chanson québécoise. Mais le Bori aux pieds nus sur scène qui se présente désormais à visage découvert, il est tout simplement magnifique! Il est humain. Il ne liche jamais son public. Il l'entretient.

Le résumé du tour de chant Bonjour Bori sur son site se donne à lire comme suit (accompagné de l'écho de gouttes d'eau, allez ouïr ça!) :
«Un soupçon de théâtralité, une pincée d’élucubrations cirquesques et Tatiesques, quelques projections et effets de lumière mais surtout, le parcours dessiné en toute simplicité et magie des meilleures chansons du répertoire constituant les huit albums parus au cours de ces quinze dernières années. Cyrano, Les choses, Maussade, Vos papiers, Ti-cul, J’ai aimé, L’étoile du Nord, Hisser Haut, Liberté, Gestes de Gestionnaire, et plusieurs autres seront de la partie. Rencontre intime. »

Ses références et préférences vont de Willie Lamothe au Père Gédéon, en passant par Fruitier, Texier, Brel comme Bori, Brassens et Ferré. Ferré je dirais surtout comme une circonférence qui fauche large. Il y a des lelièvres dans sa voix et un trait de Reggiani. Il y a un je ne sais quoi de samba dans ses paysages. Il bouge relax le Bori. Il pourrait exploser comme un Ti-cul. Mais l'art du chanteur s'engage, vous braque sous les yeux ses cambriolages imaginaires, ses peintures de réalité où giclent le loufoque, le rire, les amours, les départs, les larmes. Ce sont les armes de la beauté, la rudesse dans les coins, la franchise du garçon fin qui veut tant dire. Une des plus touchantes chansons interprétées l'autre soir fut À l'arraché inspirée par son vieux père ouvrier en-allé : «Quand tu auras usé tes bottines cousues d'ordinaire (...)»

Voir évoluer Bori est comme recevoir la leçon d'un grand Maître qui reste votre frère sur la scène. Et c'est beaucoup trop court! Ses fabuleux complices ne dérougissent pas une seconde en forgeant que du plaisir communicatif. Le personnel se décline ainsi : il y a l'homme-orchestre Jean-François Groulx (piano, guitare, percussion et voix), Christian Frappier (basse, guitare et voix) et Luc Tremblay (comédien acrobate au balai, à la pompe à air et au monocycle extrême...)

Mais à pitous, pitous égaux, on n'en finit pas de creuser!

Bien sûr, bien sûr, la liberté, c'est autre chose. C'est autre chose, la liberté.





Photo Jacques Desmarais, le masque de Bori au Théâtre du Marais à Val-Morin, P.Q., le 2 oct. 2010.

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