03 février 2011

Rigoles dans le chiffre de nuit


Je suis gardien de nuit intérimaire, tranquille comme un ange, à la place Wouf! Wouf!

Ça fait deux mois déjà.

Seul, tout fin seul, long de temps, affublé d’une chienne pour mécanicien Big Bill bleu marin, je flotte, je siffle, je me fais des accroires, je délire un peu, je jongle à mes affaires, mais c’est particulièrement plate à soir.

La grosse lune se mire sur la glace de la patinoire Hochelaga qui se trouve juste en face du plan. Je fais ma ronde. En dedans. Puis, dehors. L’air est humide. C’est vide.

M’arrivent par la gorge du froid des cris et des crissements. Le tumulte des joueurs hétéroclites sur la glace. Certains se prennent pour des comètes, n’ont pas de tuque sur la tête. Sont malades! Ça ne se passerait pas de même en Russie!

Je suis le gardien sans couteaux de la nuit en rodage à l’affût des intrus ou des dérèglements. Au cas où. Il y a mille patentes à gosses à surveiller autour. Pas si tant pire.

J’attends patiemment. Je veille et je vieillis. Ce n’est pas la même chose, je le sais bien, trop bien.

Le matériel est huilé ketchup. Les cadrans des bouilloires sont tiguidou. Pas de saignées dans les tuyaux. La routine. La routine, mon Réal V. Benoît. Je commence à être sûr de moi.

L’ennui? Bah! Ce n’est pas forger l’effroi. Mais...

À cause des murs hyperbétonnés, je pogne un seul poste sur l’antique minitransistor japonais laissé sur la table de mon coqueron par le gardien parti en maladie pour un temps indéterminé. C’est une radio communautaire de jeunes qui a une antenne à un jet de pierre d’ici. Il y a de la bonne musique. C’est varié. C’est rare. C'est dans le bizarre des fois. Ce que j’aime, c’est qu’ils parlent comme moi pis toi.

Il y a eu une chanson tout à l’heure qui m’a frappé. Je ne me souviens plus des mots au juste. Ça disait quelque chose dans le style : « Reprochez-moi donc d'être embourbé dans l'espérance! ».

Une autre a suivi collée du même chanteur à la voix haute. Un Français que je ne replace pas. Il psalmodiait quasiment, avec une telle insistance, comme une urgence : « Nous sommes quelques-uns. Nous tenons le fanal allumé.»

Où ça, donc? que je me suis dit.

Là, c’est du jazz un peu fucké qui passe. C’est pas pire. Je m’habitue au free. Je m’habitue tranquillement. Je ne le mets pas trop fort. Vigilance, mes frères!

Comme dirait mon chum Bellay : « Ça désaigri le souci.»

Mais je ne suis pas à plaindre! Surtout pas. Je me fabrique des ruisselets dans la tête. Avec des truites. Jusqu'à l'aube. Et puis tout se démonte tout seul. Comme une ombre de rêve au réveil. Sauf que moi, je m'en vais dormir. C'est drôle pareil...

3 commentaires:

gaétan a dit...

..."Chienne, accroires, plan, patentes à gosse, pas si tant pire, cocron"... j'y suis.

Quand je travaillais de 4 à minuit j'aimais bien le calme de la shop vers 9-10 heures: inspirant oui pour se faire des accroires des réelles et d'autres qui n'aboutissent jamais.

Héhé j'ai ressorti moi aussi la big bill et la boîte à lunch y a 1 semaine. Un peu de cube et surtout cariste. Mais j'aime mieux chauffeur de lift....

Bon dodo
nom de code: etind comme etind les lumières. :-)

Cécile Thérèse Delalandre a dit...

Oui, "tenir le fanal allumé"! Belle et singulière poésie que cette confidence en catimini d'un intérimaire de la nuit!
Bravo Jack! *_*herin

Anonyme a dit...

Allô Jack - Y fa trop beau!