C'est clair, c'est clair comme de l'eau de Pâques, à l'aube de ses 82 printemps tournés en été, on n’a pas le temps de tataouiner avec les fleurs de l'art pour l'art! Pas plus d'ailleurs à 50 ans, ou à 35 ou à 17. C'est juste qu'à 17 ans, on n'est pas sérieux dirait Tilleul Rimbaud.
C'est juste qu'à 17-20-25 ans, « la société ne laisse pas de place aux jeunes pour qu'ils s'expriment! Il y a beaucoup trop de jeunes qui meurent! » C'est juste que les vieux, on les abandonnent en tas de tout seul dans des parcs à vieux, coupés de la vie, des enfants, de ce qui insuffle le désir de faire quelque chose avec son cœur, ses mains et sa tête. Lui, dret comme un piquet, prêt à vous arracher la face si vous le vargez, même s'il demeure dans un quartier difficile, pas question qu'on l'enferme!
Mais dévions, dévidons, dévalons hardiment de notre sujet... l'art.
Justement, ce qui est magnifique avec Armand que j'ai vu hier soir en conférence à l'Astral, c'est qu'il est comme feu ma vieille Béatrice de mère, il saute allègrement d'un propos à l'autre, d'une époque à l'autre, de sa jeunesse à la ferme au Lac Noir à son capharnaüm montréalais, il va de Madame Rose à Claude Dubois, de ses filles, de ses femmes à Joanne, d'Édouard Lock à Richard Desjardins pour lesquels il a créé des décors de scène, de Julie Payette à Marc Bellemare; il raconte des anecdotes de ses nombreux voyages aux USA où il a visité usines et musées, les communes en Californie, sans jamais dire aux gens qu'il rencontre qu'il est un artiste; il passe du guerrier à l'homme d'un profond amour pour le monde, les enfants, la société, « J'aime tellement le monde, une vraie maladie mentale! », s'exclamera-t-il; il passera 15 minutes à pérorer sur la première diapo (oui, un diaporama sur sa vie de lièvre
et son œuvre massive de peintresculpteurarchitecteingénieurramasseuxtêteuxdemétaldecartondefanions,surtoutetARMANDtout : MILITANT DE GAUCHE d'hier à aujourd'hui — nous était présenté et commenté par cet inénarrable paysan de Montréal couvert de branches et de fruits inventés); il passera un autre 20 minutes sur la deuxième diapositive, puis Joanne viendra l'avertir de parler moins! Alors, il passera les images de ses installations en accéléré! Maudit fou comme un enfant! Un des hommes les plus clairs et des plus inspirants qu'il m'a été donné de rencontrer dans ma vie.« L'engagement social signe mon art. Tout le temps. J'aime mieux avoir fait moins de réalisations, mais avoir éveillé quelques personnes à avancer dans la société. »
Indépendantiste, humaniste, anticapitaliste, père de famille, amant vaillant, puis artiste, curieux, intelligent, un allumé qui aurait souhaité se calmer un peu le pompon pour écrire, qui aimerait construire des villes entières, ouvrir un musée dans une école abandonnée pour réunir œuvres et gens, jeunes et vieux.
Quand il est libre de parler sans la contrainte des médias, sans coup d'éclat à mener comme se mettre tout nu à la télé au programme de Lise Payette, prendre en otage Radio-Canada, se rouler dans un tas de fumier à Mirabel juste avant de se rendre à un coquetel d'honorables venus célébrer l'éléphant blanc volant de l'aéroport, quand on le laisse parler avec ses coqs et ses ânes, c'est instructif et stimulant, c'est drôle et fraternel, c'est grand et c'est québécois en saint s'il vous plaît! C'est la liberté même.
* Exposition jusqu'au 18 septembre à la Galerie Lounge TD, 305, rue Sainte-Catherine, 2e étage.
** Peinture en direct d'Armand Vaillancourt le 8 septembre à l'angle des rues Balmoral et Mayor.
Photos Jacques Desmarais |
2 commentaires:
ça, c'est un vrai titre
au fait, jack, tu serais bien inspiré d'aller découvrir ta compatriote catrine godin; peu de personnes à l'heure actuelle savent écrire de la poésie avec autant de talent.
http://lesconstellationsduchat.wordpress.com/
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