Il serait surprenant qu'en choisissant d'intituler son ouvrage Gaston Miron, La vie d'un homme, Pierre Nepveu ait eu en tête, même de très loin, ce classique de la Famille Soucy gravé à l'origine sur un 78 tours cassable en poudre d'ardoise : La vie d'un homme, la connaissez-vous? Cependant, parmi les nombreux paradoxes du « sujet » Miron devenu malgré lui, pourrait-on dire, l'un des plus importants poètes de la francophonie au XXe siècle, se trouve celui d'un homme qui s'est exposé publiquement avec cornes et panache et fracas, mais qui somme toute demeure dans son intimité retenu, secret, difficile à cerner. Pierre Nepveu fait sienne cette belle formule d'Andrée Ferretti qui collabora intensément avec Miron pour le rapaillage et la publication de Les grands textes indépendantistes (l'Hexagone, 1992) : « Je connais tout de Miron, mais je ne sais rien de lui. »
Cette entrée en matière donne à penser la tâche colossale que représentait le projet d'écrire une biographie, l'auteur est un néophyte du genre et il a fait ses classes en marchant au cours de plusieurs années de labeurs, biographie, dis-je, qui ne serait pas l’œuvre admirative d'un ami célébrant la mémoire de Miron, plutôt celle d'un lecteur certes amoureux de l'Homme rapaillé depuis 40 ans, mais qui de façon savante, documentée, viserait à aller au fond des choses, à relier les zones d'ombres les unes par rapport aux autres en suggérant, au-delà des non-dits du personnage, de la limite et du poids des archives, des entre-lignes des nombreux témoignages recueillis, une interprétation plausible, logique, critique.
Mais ce n'est évidemment pas tout dans le cas de Miron, poète national! Comme on peut le lire en quatrième de couverture : « Écrire la biographie de Gaston Miron, c'est faire davantage que retracer la vie d'un homme, c'est raconter le Québec de la Grande Noirceur et des communautés religieuses, la Révolution tranquille, la renaissance du nationalisme et les mouvements de gauche, la Crise d'octobre, les deux référendums, c'est raconter l'histoire de l'édition au Québec et la naissance d'une institution littéraire digne de celles que se sont dotées les autres nations. »
Tous ces grands pans de notre vie collective sont passionnants. Grâce à son écriture libre et de haut calibre, on le suppose aisément, Pierre Nepveu rend un immense service à quiconque veut lire pour élargir la vie.
Autant dire que ce pauvre diable de Miron qui craignait d'être oublié avec le temps, à la fois poète chenille du mal d'amour qui a fini par débusquer en lui-même le poète papillon du mal du pays — il s'agit ici d'un des fils conducteurs que retient Nepveu— , aura réussi par sa carrière, son œuvre et sa vie, ses peines, ses déboires, ses grands espoirs d'avenir dégagé, à toucher le cœur de l'être enraciné, celui qui doit naître après le poème, non, plutôt avec le poème.
J'ai à peine eu le temps de zieuter les photos, de consulter l'Index, d'y repérer le nom parmi des centaines de Michel Garneau (je m'en ennuie terriblement)... Pour prendre les mots de l'auteur, j'ai grande hâte de prendre « ce chemin mironnien, cahoteux, rocheux, mais montant vers la lumière. »
Pierre Nepveu et votre humble serviteur. Photo Jo. |
Cf. la brève recension de Tristan Malavoix dans Voir
3 commentaires:
J'en ai justement commencé la lecture y a 2 jours à peine....
@Gaétan. Ce n'est pas 5000 Km en bicycle, mais c'est quand même tout un parcours. Comment tu trouves ça?
Tout un voyage dans le temps mais bon j'ai à peine 150 pages de lues.
Demain nous partons avec un petit-fils aux pommes à l'Isle-aux-Coudres et j'apporte le livre pour passer les soirées. Près d'un poêle à bois j'espère....
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