15 avril 2012

La Plusse-Va-lue-pieds


Théâtre, Réjean Ducharme, Ines Pérée et Inat Tendu, Leméac 1976, page 68, presque au début du
 « Deuxième Make », dans la cellule de Sœur Saint-New-York-des-Ronds-d'Eau, c'est New-York elle-même qui explique la Plusse Va-lue-pieds :

« [...] Les mouches s'offrent à tous. Prendre une mouche, ce n'est pas la voler, c'est l'accepter.  Ce n'est pas comme prendre un œuf, puis un bœuf.  Excusez encore : l’œuf et le bœuf sont du même règne.  Quand on prend un bœuf, on enlève au bœuf sa liberté, on enlève rien à personne, ce n'est donc pas un vol.  Je vais prendre un meilleur exemple : les balles de tennis et les balles de ping-pong.  Elles ne se font pas toutes seules, elles, par miracle ou par ovulation... non!  Ce sont des gens qui les font et elles leur appartiennent jusqu'à ce que d'autres gens les leur achètent.  Mais ce n'est pas juste non plus comme comparaison.  Car, traditionnellement, ce n'est pas aux gens qui fabriquent les balles que les balles appartiennent, mais à ceux qui les font travailler : les propriétaires de la fabrique.  C'est-à-dire la bâtisse.  Qui a été bâtie avec des cailloux et du bois.  Or les roches appartiennent aux plages et à ceux qui s'étendent au bord de l'eau l'été, à moitié nus, pour prendre à moitié le soleil, cette autre grâce, cette autre générosité.  Et le bois appartient aux forêts et les forêts ne sont pas faites pour ceux qui défont les arbres... non!  Elles sont faites pour pousser, pour donner de plus en plus d'ombre aux amoureux, ils ont si chaud, et pour que les oiseaux qui ont peur puissent rebâtir leur nid plus haut. »

  

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