08 juillet 2012

Des poings effroyables, mon cher Jimmy!

Mot pour James.

Salut, j'espère que le retour à l'Anse s'est fait dans la joie. Tu me donneras des échos du passage de John sur la grande scène du FIJM!

Voici, pour rafraîchir notre mémoire aux mèches blanches :

— Le philosophe évoqué au Fibo était Onfray!

— La chanteuse que nous avons vue tous deux à Montréal, il me semble au Café-Campus, mais quand donc? est Colette Magny. C'était à l'époque où l'on voyait beaucoup ce slogan affiché sur les balcons : Touche pas à la loi 101! Colette Magny avait glané cela et en avait tiré une chanson de laquelle je me souviens seulement de cette image inattendue, un lien de la langue française avec la belle couleur des carottes! C'était drôle et veau! Je veux dire : beau!

Et, oh!-surprise, je constate que l'ami Jean-Paul a portraituré Magny parmi ses 101 femmes dans son bouquin récent dont voici un extrait d'une grande sensibilité :
« Colette Magny (France, Paris, 1926-1997, Villefranche du Rouergue, France)
Pas question d'évoquer dans ce livre toutes les chanteuses du monde qui sont parmi nous. Je retiens ton nom suite à un fait simple. En 1980, j'ai conduit jusque chez toi, ma compagne d'alors. J'ai préféré attendre dans la voiture car, par timidité, je ne suis pas d'un naturel à rencontrer les grandes personnalités. Nous étions alors très souvent à Saint-Antonin, en conséquence, il n'était pas compliqué d'aller jusqu'à Verfeuil-sur-Seye, en Tarn-et-Garonne où tu avais élu domicile. Il s'agissait de t'inviter, à titre gratuit, pour venir chanter quelques chansons à Montauban, à l'invitation du PCF, au cours d'uns soirée en l'honneur des femmes.
L'idée de cette initiative féministe, avait fait suite à quelques comportements machos au sein du PCF si bien que ma compagne qui avait tant fait pour cette soirée refusa ensuite d'y participer. De ce soir-là, je ne me souviens que de toi, de ta voix, de ton art.
Par bonheur tu as un jour quitté ton travail à l'OCDE (Organisation de coopréation et de développement économiques) comme secrétaire bilingue et traductrice pour devenir une forme de Bessie Smith, d'Ella Fitzgerald. Donc, en 1963, tu sors un premier 45 tours, deux reprises de Bessie Smith et deux compositions personnelles. Meloctoton devient un tube, le seul de ta carrière : tu passes en lever de rideau à l'Olympia avant le spectacle de Sylvie Vartan et Claude François.
Ensuite tu vivras des hauts et des bas. Avec Maxime Le Forestier et sa compagne Mara, tu te bats pour le Chili en chantant trois chansons de Violetta Parra et Victor Jara. Tu seras de toutes les luttes, de toutes les insoumissions mais en même temps tu indiques :
"Comment se fait-il qu'en 67, par exemple, j'étais au courant de ce qui se passait dans les pays d'Europe de l'Est mais je ne disais rien : pourquoi ? Je me laissais emporter par le mouvement. Je ne veux plus, moins que jamais, me laisser dicter une conduite".
Tu as été corpulente dès ton enfance traversée par un drame. Quelque part tu as dit : "Je n'ai pas de vie privée. Ma vie privée se confond avec mon métier", une réaction fréquente chez les femmes. Cette déclaration est venue après cet aveu : petite fille de huit ans et demie, tu as été violée par ton oncle !
Une autobiographie avec Sylvie Vadureau : Colette Magny Ciitoyenne-Blues, Les Editions Mutine, 1996 :
"Je pense que la vie de tout le monde peut être intéressante, mais ça dépend comment c'est raconté. Or, je ne suis pas bonne juge de ce qui est anecdotique ou pas. Il ne faut pas tomber dans la biographie chiante. Alors, il y aura différents éléments écrits par différentes personnes, dont un passage d'analyse musicale".
Malgré le faible écho de tes cris et de tes écrits, tu as une postérité :
"Je suis un petit pachyderme de sexe féminin" le titre d'un spectacle de 2009 où, Odja Llorca, à la Maison de la poésie, signe de bouleversantes retrouvailles avec les frissons provoqués par tes chants, avec ton scat à fleur de peau, avec ton swing à faire pleurer de jalousie Bernard Lubat. Inclassable chère Bessie Smith, chère enragée engagée. Ce spectacle est une plongée salutaire dans l'intimité de Simone de Beauvoir qui, pour être l'auteure du Deuxième sexe, ouvrage dont on sait combien il a révolutionné le regard sur le féminisme, bousculé les idées reçues et contribué à l'émancipation de la gent féminine, n'en demeure pas moins une femme éperdument amoureuese de l'écrivain américain Nelson Algren. L'idée de croiser les lettres qu'elle lui envoie consciencieusement; des mois durant, avec des extraits du Deuxième sexe est plus que réussie.
Au même moment une chanteuse belge te croise sur Internet et explique comment elle a repris Meloctoton :
"Axelle Red : Je cherchais la Joan Baez française. C'est une chanson que l'on n'entend plus beaucoup. J'ai été surprise de m'apercevoir que personne ne l'avait reprise. J'ai été heureuse de découvrir cette femme avec cette voix de blues incroyable. Elle était quelqu'un d'engagé, du coup, je me suis beaucoup reconnue dans son personnage. C'est en cherchant sur internet que je suis tombée sur Colette Magny. Pour moi, cela a été une découverte formidable."
Mais revenons à toi. Ta musique n'était pas condidérée comme populaire ! Tu n'as pas cédé, tu as gardé la musique populaire des Noirs des USA ! Tu n'as pas cédé, tu as gardé Artaud comme s'il était tonfrère. Tu as un petit texte de présentation que je me permets de reprendre pour mieux te célébrer :
ANTONIN, mon frère, je t'eus connu, je t'eus tue
Momo, môme chiant, je t'ai aimé à première écoute
Je t'aime encore
Tu as craché, vomi, excrémenté pour tous les enfants du monde
Fruit préféré, tu es mon noyau de cerise
La terre, la garce, a tourné autour de toi
Je suis fière de toi, pépère,
Moi, sur le pèse-nerfs, j'ai cassé la bascule
Un demi-siècle passé à doubler de volume
par grands paquets en plus en moins
Je me suis bousculée le tempérament
Au secours, ma douceur, je me démuraille
On court dans le désert, on court dans la steppe
On est toujours au coin de la rue, misérable
D'espace en espace on pédale, toujours dans la semoule
Je t'aime, Momo, parce que tu as osé basculer dans le manque total
Rien de pire, rien de plus beau ne peut me faire exister
J'en meurs.           (CM.)

Tu étais consciente que le chemin est loin. Tu avais noté que dans ton village du Sud-Ouest, une soirée antinucléaire c'était deux cent cinquante personnes et le moto-cross : quelque mille personnes. "Tant que cette proportion ne sera pas inversée, c'est comme ça qu'ils auront (ou qu'ils se préparent à accepter) la guerre nucléaire".
Un mot pour finir, sur le féminisme. Aussi inclassable que d'habitude. "Il n'y a plus actuellement qu'une catégorie de personnes pour venir m'engueler, ce sont les féministes. elles sont curieuses ; ce sont des féministes qui n'aiment pas les femmes." Pourtant tu es bien sûr une féministe et tu te réjouis des victoires sur l'avortement, la contraception, et tu célèbres leur courage.
Axelle Red se dit également féministe :
"Quand on se promène dans le monde, on s'aperçoit que l'on n'a toujours pas les mêmes droits. Même dans notre culture, quand on voit le nombre de femmes qui subissent la violence dans leur couple. Il y a encore du travail !"  »

Extraits du livre de Jean-Paul Damaggio Portraits de 101 femmes du monde, aux Editions La Brochure", pages 147-150.


Ciao vieux frère et merci encore pour votre présence ensoleillée et la super soirée-bouffe! La prochaine fois, je vous amènerai dire les grâces au St-Urbain.

Pépère Jack
XXX

En supplément, la belle voix blues de Colette Magny sur Les Tuileries, un texte de Victor, pas RCA, Hugo!


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