14 juin 2013

L'Étoile de mer bleue, la danseur solitaire et M. Merle


" Il faut danser en martelant ses pieds sur cette nuit souveraine et perdue, somnambuler-chanter-exulter-tournoyer, continuer de crier afin de provoquer l'apparition de la lumière, continuer de pousser la parole à jaillir afin que le cri vivant résonne encore dans la langue maternelle ( acquise plusieurs années plus tard ) alors qu'elle est devenue comme consubstantielle au corps tellement abandonné dans le jour qu'il a même oublié le plus souvent qu'il procède tout entier de la vie animale et muette à l'intérieur de l'ombre utérine. "
- Pascal Quignard, L'origine de la danse


Photo© Jacques Desmarais.  Rue étroite en Avignon, juillet 2009 .
René Merle, je suis vraiment aux oiseaux de retrouver sous votre plume la narration de cette rencontre impromptue et lumineuse que m'avait racontée l'Étoile de mer bleue elle-même... L'anecdote est à son côté le plus vif si elle est racontée en marchant, et justement nous marchions par les rues d'Avignon. J'avais adoré cette histoire, car je suis un (humble) lecteur de Quignard. Mais je n'arrivais pas à me souvenir du fin mot.

Voici que j'en recueille à nouveau tout à fait la surprenance et la beauté. Mais plus encore : votre billet donne à lire la suite de la rencontre qui m'avait échappé, là où vous entrez en scène avec esprit et bonté. Merci d'avoir penser à partager ce bref moment intense. Cordialement. jd.
***
Dans cette étroite rue de Grignan, affligeante de souvenirs mercantiles (ah, Madame de Sévigné…), celle qui marchait près de moi portait un tee-shirt blanc frappé d’une étoile de mer bleue…
- Mais c’est Pascal Quignard, me dit-elle, comme frappée d’une apparition…
Je restai un peu en arrière quand elle s’avança et lui dit :
- Vous êtes Pascal Quignard…
- Et vous êtes l’Étoile de mer…
Ainsi parlèrent-ils un instant.
Je m'approchai seulement quand je vis que la conversation se terminait. Pour dire ce qui ne s'imposait sans doute pas, à savoir que, comme le héros de Montalbán, Pepe Carvalho, je détruisais un livre par jour... Mais la phrase resta en suspens car celui dont, grâce à l'Étoile de mer, les ouvrages s'alignent sur toute une étagère, sourit et me dit :
- Alors, les miens aussi ?
- Bien sûr que non, ceux-là sont intouchables.
Et ce n'était pas mondanité.
Cet homme a touché au plus juste ce qu'est l'humaine condition et ce que le sens des mots peut porter. J'y reviendrai peut-être.

René Merle, Très bref échange avec Pascal Quignard, Le blog de René Merle, 14 juin 2013





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