16 mai 2014

Carnets pelés 40 - Ralentir Saint Ciboire!


Photo J. Desmarais, Lune à travers branches dans la nuit à Montréal, 15/05/2014

15 mai 2014

Carnet (1977). Cette chanson de Bertin.  Nous sommes quelques-uns à tenir la lampe allumée.




16 mai 2014

Il y a une touche de la ruche Rousseau pour âmes dévotes lue chez François Péan de la Crouillardière : « C'est une maxime très-affurée dedans la vie spirituelle, que perfonne ne devient tout à coup méchant. »


... Il y a 20 heures

Hoyo Negro, Yucatàn.  Des plongeurs trouvent en 2011 dans une grotte marine de 30 mètres de profondeur les restes de Naia, qui signifie, je poétise, îlot désir. Ils dépistent aussi des restes de tigres à dents de sabre. Retrouvera-t-on un jour une trace de cornaline au creux d'une main d'un bras d'un vieux fleuve enfui sous la mémoire de l'Euphrate? D'Ève, il n'y a plus de traces, personne ne nous en parle, mais le Père Adam? Peut-être trouverons-nous un de ces quatre une dent d'Adam. Celle qui a osé mordre? Assurément une très très vieille dent puisqu'il a vécu en tout 912 ans, quasiment deux fois la vie d'un caroubier! 
Photo Paul Nicklen, National Geographic. Les restes de Naia. 














... 1972

Victor Lévy Beaulieu lâche de sa haute-cour Jack Kerouac, Essai-Poulet. J'ignore pourquoi mon virulent ami, feu Michael Thomas Gurrie, c'est lui qui me fit lire On the road en 1976, fut si déçu de ce livre, mais encore plus d'une rencontre sur la brosse qu'il eût avec VLB.  Mais allons à l'essentielle littérature. La blessure, on la touche encore du doigt entre l'arbre et l'écorce lorsque Kerouac déclare : « Je suis stupide, et même crétin, peut-être simplement canadien-français ». (Michel Lapierre, Le ciel de Kerouac, la terre de VLB, Le Devoir, 21/02/2004) 
Photo J. Desmarais



Photo J.Desmarais.


29 avril 2012

Le Printemps érable est dans les parages du Quartier Latin. Le libraire Bruno Lalonde partage librement sa lecture de VLB, passe par des extraits du Docteur Sax : « Il y avait un je ne sais quoi de pourpre et de mystérieux [...] ». 

 



15 mai 2014


Relecture. 

Le 25 août 2006, je bouquine à la Librairie marché du livre sur De Maisonneuve et je trouve Le Soupçon Le Désert d'Edmond Jabès (Gallimard 1978).  C'est ce bouquin que je lirai en avion lors de mon voyage en France de juin 2009.  S'y trouve insérée une découpure du journal Le Devoir qui date du 3 janvier 1991 signalant la disparition de Jabès à l'âge de 78 ans.  C'est étourdissant les pierres blanches marquant tel ou tel jour au seuil du passage!  

Photo J.Desmarais


Passage. La porte. L'intériorité vue par un autre oeil qui ne s'égare pas au-delà du corps. Jabès est toujours cet accordeur de voix en lui-même.  

Le citer obligerait à doubler les guillemets et certainement à ralentir, à figer s'il vous plaît :
« [...] "La pensée du dehors et la pensée du dedans communiquent entre elles à travers une porte verrouillée.  Elles se reconnaissent à leur voix.  La mort abattra cette porte ", disait-il. 
" La mort est bien la porte, car comment expliquer qu'une pensée soit dehors ou dedans sinon par le fait qu'une frontière sépare la vie de la vie et que celle-ci ne peut être tracée que par la mort? " - lui fut-il répondu. » (pp. 51-52). 



22 février 2005

Courriel à ma collègue Ginette Lavallée.

Chère Ginette,

Repensant à ce que tu m'as dit lors de notre rencontre de ce midi, il me revient cette pensée de Rilke : «Qu'est-ce que le dedans? Sinon un ciel plus intense traversé d'oiseaux et profond de tous les vents du retour.»

La question posée est directe — qu'est-ce que le dedans? — et plus qu'on ne le croit, c'est une question radicalement moderne puisque les Anciens n'avaient aucun concept démarquant le dedans et le dehors chez l'être humain.

Ici, ce sont « les vents du retour » qui sculptent ou peignent l'invisible ciel « plus intense » que celui du dehors.   Cette strophe est digne des grands mathématiciens.   L'image des vents qui s'animent et s'allument sur les battements d'ailes des oiseaux est en tout cas une formule savante d'une grande beauté qui verse d'un coup sec et immensément tout l'écho passé et à venir de nos pas. Ceux que l'on se doit à soi-même.

En creux, nous tenons là, en très peu de mots, l'ambition littéraire de notre culture depuis 200 ans : valoriser et exprimer l'unicité de l'expérience intérieure.  Ô romantisme aimanté!   

Mais je me méfie toujours un peu de l'intériorité à gogo que l'on a par ailleurs psychologisée, montée sur pilotis dans les méandres d'un moi tout seul sur son île, aussi profond que souverain, que l'on atteint par introspection, surtout à coup de pic publicitaire, là où règne une superficie sans fond entre deux frontières incertaines, source d'intuitions où trempe l'âme, le cœur, parfois même le « mind», l'esprit frayant « entre la mer et l'eau douce »...

Nous avons aujourd'hui, justement, l'expérience de la porosité et la friabilité des frontières, comme le dit avec tant de lucidité Madeleine Monette. C'est la vieille question de Socrate dans le « Connais-toi toi-même » : comment le « pauvre petit moi » serait-il au-dessus de la mêlée, tel un arc-en-ciel faisant un clin d'œil à Dieu? Se prenant pour Dieu?

Qu'en serait-il, par ailleurs, de la nuit par rapport au jour?  Des émotions en regard du jugement, ces incontrôlables éclisses d'étoiles du dedans qui transgressent la raison et font rougir, bafouiller, suer, rire ou pleurer?  Et puis s'en vont.  Nulle part.  Collées au détour de notre tempérament. De la température qu'il fait dehors...

Est-ce que tout se joue vraiment sur la scène d'un théâtre personnel, masqué en partie à soi-même, car tout se joue, n'est-ce pas, avant cinq ans?   À quoi sert alors l'écheveau de nos relations sociales? La toile de la culture? La carapace de nos institutions? L'émotion serait-elle, au contraire, pleinement collective comme l'est le langage, demande le philosophe québécois Paul Dumouchel?

Il y a un autre poème, un court extrait que j'adore et qui évoque une nuit, un voyage qui n'est pas un naufrage, un iceberg d'émotions qui ne nous fige pas. Il s'agit d'abord d'un regard que l'on appelle au loin.  Tu as bien parlé, ce midi encore, de ton regard perçant que je reconnais parfois, posé sur moi, simplement.  

« Ralentir Travaux ». J'aime à penser que cela renvoie à une exigence plus fine, car plus heureuse, plus vivante.   « Ralentir Travaux » sonne l'urgence d'aiguiser nos patins. Mais quelle drôle de productivité, ma chère amie, au cœur de l'indéchiffrable nuit! 

Voilà ce que je voulais ajouter, pêle-mêle, à nos propos. 

« Le regard qui jettera sur mes
épaules Le filet
indéchiffrable de la nuit Sera
comme une pluie d'éclipse
Il descendra lentement de son
cadre solaire Mes bras
autour de son cou »
René Char - André Breton / Extrait de Ralentir Travaux

23 octobre 2006

Nuit blanche indéterminée. Cela n'est qu'une étape.

Il y a bien sûr le micro et le macro, la spirale de la galaxie, l'ADN, l'oeil, le mouvement, l'énergie, le champ vibratoire, Akasha, Nada Brahma, la musique des sphères, le plaisir d'être en mouvement et la tentative de comprendre ceci de Jean-François Malherbe alors que nous nous acheminons vers les derniers moments de son cours Religion, éthique, spiritualité à la Chaire d'éthique appliquée de l'université de Sherbrooke. Il nous invite à nous tourner vers le Soleil, à matérialiser l'esprit, à spiritualiser la matière. Il parle de la transfiguration, voire de la « translucidation » de la matière.

À la séance précédente du 6 octobre, il disait encore avec du Spinoza dans l'idée : nous sommes dans nos concrétions éphémères (réalisations concrètes) au travers lesquelles l'univers prend conscience de lui-même. « Savoir que je suis éternel, mais dans l'univers, sans que j'en aie conscience, accepter cela, c'est atteindre à la sagesse, à la béatitude. »

Avec en toile de fond une référence à Wittgenstein et le recours subtil au travail sur le masque (au sens des Grecs au théâtre, symbolisation, « mascarade » qu'il ne faut pas mépriser qui cache, mais révèle...), travail qui se répercute dans les figures du langage, dans nos postures sociales et culturelles. Le travail sur le masque est indispensable, soutient Malherbe : la spiritualité est au fond une mise en scène. Le masque est le point d'entrée dans la communication. Il permet de rendre audible mon message, identifie le rôle que je joue, par exemple : le masque du conjoint, tour à tour et en même temps moi, l'amant, le père des enfants... 

Le masque permet aussi de cacher l'acteur... pour qu’il puisse se révéler. Ce jeu paradoxal est si humain, si complexe! La pure transparence à l’autre est un leurre. Les figures du langage sont des masques. La lumière qui jaillit sur les planches : Diderot ne disait-il pas que l’acteur qui meurt devant nous sur la scène et nous le fait croire, nous arrache des larmes, le plus il ment, le plus il joue vrai! Une fois le rideau fermé, l’acteur rentre chez lui. Il est bien vivant. Quel diable de magicien!

Tant de masques sont mâchés d’avance par la culture quand nous arrivons au monde. Le travail sur le masque, c’est être capable d'identifier son masque du moment. On aborde alors la liberté, ajoute l'habile théologien.

Figure du masque au sens d'une déprise. Car on reste en philosophie! L'éthique, savoir ésotérique au sens ancien du mot, ne peut s’appliquer que dans la transformation du sujet, de soi. Or ce que pointe Malherbe, si je ne le trahis pas trop, c'est précisément notre être mis à contribution avec ses limites et ses blessures. Connaissez-vous un seul être qui ne soit pas blessé, lance-t-il? 

Quelqu'un glisse son doigt, ses mots dans l'interstice du masque : « Tu es comme ça toi? » Ouf! « Mais je t'aime tout de même ». 

Le véritable rapport qu'on peut nouer avec quelqu'un d'autre, c'est épouser sa liberté. Devenir témoin, bienveillant.

L'éthique : l'art de devenir sujet ensemble.

Alors, une relation peut s'amarrer, puis on peut se comprendre sans se parler, on peut s'aimer à distance. Aimer ses enfants, ses amis sans condition. Blanchot parle ainsi de l'amitié et bouleverse les clichés sur la proximité et la ressemblance.    

Quand on est capable d'identifier le masque que l'on porte, on entre dans la liberté de la relation.

Or,  nous n'existerions pas sans les jeux de langage qui nous relient les uns aux autres. Nous n'existons pas en soi. L'animal politique et social d'Aristote : on existe en rapport  
avec les autres. 

On est soi-même comme un autre. Je, tu...

C'est parce que les autres nous parlent qu'on prend conscience de soi. Cela est radical!

Wittgenstein nous enseigne l'harmonie, le dialogue, ce mot si précieux en éthique. Nous ne sommes pas obligés de nous arracher les cheveux en nous apercevant qu'il y a plusieurs masques, plusieurs mises en scène possibles. Mais tout ne se vaut pas! Privilégier une mise en scène, c'est affirmer que cela me fait vivre, que cela permet de vivre un geste d'auto fécondation, auto-poëtique.  Deviens ce que tu es...

On peut être tolérant, bienveillant, sans se dissoudre dans l'indifférence.  

Aimer quelqu'un, dira enfin Jean-François Malherbe, auteur du Nomade polyglotte, c'est épouser ses morts successives, soit la mort de mes idées ou de l'image que je me fais de cette personne, c'est-à-dire encore, aimer sa liberté, la très haute probabilité que l'autre ne soit plus la même personne.

Malherbe : « Ce qui m'intéresse, c'est l'humain. Il est artificiel de charcuter les savoirs. Vivre ensemble nécessite un concept de justice fondé sur le devenir soi. On entre ici dans la politique. La démocratie, c'est la prise en charge du devenir commun par l'intégralité de la communauté qui la porte. C'est donc le meilleur lieu possible pour favoriser le devenir soi. D'où le lien démocratie/spiritualité. » 

On entre dans la politique! Nous sommes dans une société malade qui crache dans son eau et se suicide. Nous sommes dans une société libérale capitaliste « avancée » hyper normée, braquée sur « l'individu libre, affairé, souverain! », en pure perte de la subjectivité. 

Nous sommes toujours, rappelle Wittgenstein, en un lieu singulier en tension sur l'universel.
Ce qui pose ici ce que Jacques Bouveresse appelle les sortilèges du langage que j'interpréterais comme l'imposition d’un masque unique qui se dissimule.

La culture massive de la société actuelle imposée et contrôlée par une oligarchie restreinte, mais puissante, qui tire les ficelles par l'ensorcellement, c'est-à-dire par un dogmatisme puissant qui broie la culture et brouille le sujet, l’humain. Ici, dans l’histoire officielle, la mise en scène n'existe pas. Tout est conforme!   

Il s'agit donc de se défaire des fausses images, de se défaire d'une humanité aliénée, comme le voyait bien Marx à la suite de toute une famille de philosophes délinquants, avec dans son cas le souci de percer « le secret » et ses mains invisibles, l'omniprésent « marché ».  

S'il n'y a jamais la possibilité de n'en porter aucun, la liberté ce serait être capable de porter plusieurs masques.  Être soi-même, c'est « la surprenance » de porter tous les masques, de changer de costumes, d'en abandonner, d'en porter des  nouveaux. 

Cette simple pensée nous renvoie au slow motion chez Épicure : plus un être vit en harmonie avec lui-même, la nature en lui, avec les autres, le plus il reçoit la récompense, mais oui, la récompense du plaisir.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

j'ai apprécié
Séléné veillant sur Montréal
vos carnets
celui de Bertin et extraits des "Pelés"
je ne savais
submergée
c'est tardif
voilà ce que je viens de découvrir
ce bonhomme à quelque chose
pour moi
il y a résonance encore
dans ces propositions
à vous de juger
peut être le connaissez vous déjà

http://youtu.be/UQ8AWtA5N0s

Anneaux Nîmes