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Un collectif de Québécois issus des milieux culturels, environnementaux, économiques, universitaires et politiques lance aujourd’hui un mouvement d’objecteurs de conscience déterminés à s’opposer à l’invasion pétrolière de notre territoire et à la destruction du climat au bénéfice de quelques-uns. Appuyés par plus de 200 citoyens de partout, y compris des représentants des Premières Nations, de tous les milieux et de toutes les générations, ils inscrivent leur dissidence devant un développement énergétique et économique non viable, injuste et antidémocratique et appellent à l’incontournable transition écologique.
Une noirceur nouvelle se répand sur le Québec. Elle a franchi les portes de notre pays. La pensée unique revient en force et s’empare de notre démocratie, elle impose une vision du monde qui colonise notre espérance. Nous nous dressons devant elle. Nous refusons.
La science est muselée chaque jour davantage. Le dogme de l’argent, de la croissance à tout prix et de ses impératifs s’empare de la raison. La parole citoyenne ploie trop souvent sous le poids de la propagande d’intérêts puissants qui s’approprient le bien commun.
La croissance infinie est impossible dans une biosphère dont les ressources sont limitées et en déclin. Celles et ceux qui prétendent le contraire prônent la pensée magique. La lucidité scientifique impose notre réveil. Elle en appelle à une grande transition écologique de notre économie.
Les signaux d’alarme se multiplient. La survie même de notre espèce est mise en cause. Les populations d’espèces sauvages de notre planète ont diminué de moitié en 40 ans. Les océans s’acidifient. Les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ont atteint un seuil qui nous rapproche de l’irréversible. La science est claire : pour éviter un dérèglement irréversible de notre climat, l’essentiel des réserves de combustibles fossiles doivent demeurer enfouies dans le sol. Extraire le pétrole à notre tour devient carrément immoral dans ces circonstances.
Quel est ce monde où la création de richesses s’appuie sur l’éradication de la vie ? Nous sommes les dernières générations à pouvoir empêcher l’irréparable. Nous ne serons pas complices de l’implacable destruction de notre avenir. À ce stade de notre histoire, notre inaction est devenue le symptôme de notre échec moral.
Rien de ceci ne se fait, ne se fera en notre nom.
Dissidence
Devant l’urgence, nous inscrivons notre dissidence. Nous nous déclarons objectrices et objecteurs de conscience. Nous retirons notre confiance aux gouvernements qui endossent le pillage du bien commun au profit de l’enrichissement de quelques-uns.
Nous avons le devoir de résister à l’invasion systématique de notre territoire par les pétrolières et par de puissants intérêts financiers. Le Québec a fondé sa modernité sur des valeurs fondamentales, dont l’énergie propre et le partage des richesses. C’est ce que nous sommes. C’est ce que nous voulons être. Nous exigeons le respect de cette identité.
De chaque côté du Saint-Laurent, soyons celles et ceux qui éclairent le chemin et agissons.
En conséquence :
Nous exigeons la fin des projets d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures en sol québécois.
Nous refusons tout passage de pétrole à des fins d’exportation sur notre territoire, que ce soit par train, oléoduc ou navire-citerne.
Nous exigeons l’adoption par le gouvernement du Québec d’un plan crédible pour réduire notre consommation de pétrole de 50 % d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone pour 2050.
Nous exigeons que la Caisse de dépôt et placement du Québec désinvestisse le secteur des combustibles fossiles. Nous demandons aux autres gestionnaires de fonds d’investissement dont les capitaux proviennent de citoyennes et citoyens d’en faire autant. Nous agirons aussi individuellement. L’argent de nos retraites ne doit pas appauvrir nos enfants. Il doit servir à assurer leur avenir.
Nous avons la chance de vivre sur un territoire qui regorge de sources d’énergie renouvelables. Certaines ont déjà été harnachées en inondant la taïga, en déplaçant des nations autochtones, en détournant des rivières et en noyant épinettes, lichens et caribous. Il est de notre responsabilité de cesser de gaspiller cette énergie et de la faire travailler pour créer ici un modèle de transition écologique auquel d’autres emboîteront le pas.
Nous nous engageons à consommer moins, à produire mieux et à contribuer à la construction d’une économie qui permettra l’amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale tout en protégeant l’environnement.
Nous avons tout ce qu’il faut pour écologiser et humaniser notre économie. Pour entamer la transition, mobilisons talents et ressources pour la préservation de la planète et l’épanouissement des humains qui l’habitent. Créons ensemble un autre modèle en misant sur l’avenir.
Nous sommes de plus en plus nombreux à porter la voix du changement. Restons solidaires, au-delà de toutes frontières. Participons à l’éveil démocratique, à ce nouvel élan bâtisseur et créateur qui se porte à la défense du bien commun, de l’intérêt général, et qui milite sous de multiples formes avec courage pour la suite de notre monde.
Nous ne sommes pas des colonnes de chiffres. Nous sommes l’avenir. Notre engagement et notre mobilisation portent l’espoir d’une prospérité qui ne se calcule pas qu’en dollars.
Les solutions existent. Nous avons les moyens technologiques et humains qui permettent de lancer un vaste chantier de développement véritablement durable, viable, juste et équitable. Nous avons le devoir de devenir les leaders de ce nouvel élan global qui marquera le XXIe siècle.
Le Québec a fait maintes fois la preuve de sa capacité à mener de grands changements, avec audace, sérieux et ingéniosité. Nos révolutions sont tranquilles, mais ce sont de vraies révolutions. Elles peuvent inspirer le monde entier.
Que celles et ceux prêts à s’engager dans cette aventure se joignent à nous : de Chisasibi à Port-Menier, de Salluit à Montréal, en passant par Québec, Chicoutimi, Gaspé, Ristigouche, Cacouna, Trois-Rivières et Sorel. Dans chaque ville et chaque village, avançons la tête haute. Comme dans la chanson de Vigneault, roulons comme baril de poudre, passons comme glace en débâcle. Ensemble, semons l’espoir.
Rallumons les feux le long de ce fleuve qui nous traverse et sur tout le territoire. Éclairons-nous les uns les autres, animés de l’amour de nos enfants, de notre pays et de notre planète.
Déferlons par milliers. Lançons la lutte pour le respect de la science, de la vie, de la démocratie.
L’eau du fleuve coule dans nos veines. Ne laissons pas la cupidité porter atteinte ni à la vie des bélugas ni à la nôtre.
Honorons la mémoire de nos frères et de nos soeurs disparus lors de la tragédie de Lac-Mégantic.
Apportons notre soutien aux Premières Nations dans leurs luttes pour protéger leurs territoires.
Protégeons nos enfants, nos petits-enfants et ceux et celles qui suivront.
Aujourd’hui, nous proclamons notre droit de vivre dans un environnement sain et sécuritaire.
Nous nous interposerons par tous les moyens de résistance pacifique dont nous disposons.
Nous ne nous battons pas pour la nature. Nous sommes la nature.
Nous sommes la nature qui reprend ses droits.
Rien n’arrêtera notre élan.
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