18 avril 2015

Maspero, Grass, Galeano sous le signe abracadabrant

Le département des Lettres est un triple deuil cette semaine. François Maspéro, Günter Grass et Eduardo Galeano se sont comme donné le mot pour sortir de l'horizon ensemble le 13 avril 2015.

Le mot horizon pour Galeano serait sans doute rivé à la marche réelle, aux humbles pas de la multitude, aux histoires du monde qu'on se raconte et qui tissent la persistance, l'Utopie toujours devant soi, celle fondamentalement de bâtir une maison pour tout le monde. La solidarité au jour le jour est un exercice d'humilité, dit-il. Voilà, mine de rien, le grand tapage dans les veines ouvertes de l'histoire des peuples.

C'est en quelque sorte le mot abracadabrant qui nous faudrait peut-être scander comme un tambour qui éprouve le réel et jure au milieu de la parade officielle. Image narquoise inoubliable de Günter Grass dans Le tambour justement, question de faire entrer la politique dans la littérature. 

C'est que j'aime ce mot, autant que le mot galimatias, et presque autant que le mot salmigondis.  J'ai surtout aimé glaner l'abracadabrant dans l'Homme rapaillé de Miron, le grand carillonneur.  Or, il faut rappeler que c'est François Maspero en ses qualités de bricoleur, comme il aime à le dire de lui-même, animé par cette idée, ce ferment d'introduire du poétique à la politique, c'est lui qui publia en France  par amitié et admiration L'Homme rapaillé. Voir Jean Royer, François Maspero : une édition de combat, Le Devoir, 23 janvier 1981.

Mais plus encore. En soulignant le décès de Galeamo, le journal Le Monde dans son édition du 13 avril cite quelques mots d'un entretient que le maître a donné à un journaliste espagnol en 2012.  Voici ce qu'on peut lire : 

 « Je crois, disait Galeano, que les mots ont un pouvoir, comme Serenus Sammonicus, qui, en 208, pour éviter la fièvre tierce, conseillait de se mettre sur la poitrine un mot et de se protéger grâce à lui nuit et jour : c’était “abracadabra” qui signifie en hébreu ancien “envoie ta foudre jusqu’au bout”… Je choisirais également cette phrase. »







Note : Lux éditeur a publié quelques oeuvres de Galeano en français.
cf. la recension de Lisa-Marie Gervais dans Le Devoir en avril 2013.

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