06 mai 2015

L'ineffable ministre de l'Éducation ou le philosophe-roi au pouvoir

À mon humble avis, très bon texte de Guy Rocher dans Le Devoir du 6 mai. Premièrement, il est un des rares à faire entendre que les revendications étudiantes de ce printemps 2015 sont justes et nécessaires au débat politique en regard du bulldozage méprisant (« Nous, on prend des décisions, vous nous jugerez quand ça sera le temps... ») et des coupures dévastatrices en éducation du gouvernement Couillard. La revendication d'un investissement massif en éducation est pourtant la clef de l'avenir du Québec. Mais surtout, le professeur émérite qui a déjà défini l'éthique et le droit en terme de régulation des comportements, vise avec justesse le philosophe-ministre Blais qui de toute évidence n'a pas eu connaissance en philosophie du tournant linguistique qui a transformé le sens du langage dans les relations humaines harmonieuses, et pas davantage la révolution culturelle qui depuis l'après-guerre fait en sorte que les ordres de commandement ne fonctionnent plus de haut en bas comme lettre à la poste! Bien sûr, si on y met juges et policiers qui vargent... Le ministre Blais incarne effectivement une conception de l'autorité dépassée qui ne marche pas, à mille lieues d'un dialogue réel, ouvert, comme fleuve de racines pour faire jaillir plus grand que soi. C’est un philosophe Jos Connaissant qui déçoit. Ni la jeunesse, ni les professeurs, ni le vieux Québec auquel j'appartiens à présent ne méritent une nouvelle tête de Turc au ministère de l'Éducation. Bravo à Guy Rocher de prendre la plume!

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Quelle philosophie inspire le ministre Blais?

6 mai 2015 | Guy Rocher - Professeur émérite de sociologie à l'Université de Montréal | Québec
Une culture de l’autoritarisme bureaucratique s’est installée au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur — comme au ministère de la Santé.
Photo: Jacques Nadeau Le DevoirUne culture de l’autoritarisme bureaucratique s’est installée au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur — comme au ministère de la Santé.
Le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur François Blais se plaît à s’adresser aux médias. Il aime « professer » devant eux.
 
Abordant le thème des grèves étudiantes (et celles des professeurs) dans Le Devoir du vendredi 1er mai (Journée des travailleurs), il se porte à la défense des « étudiants les plus faibles », qui sont à ses yeux les victimes des grèves. Cela lui vaut le titre de champion du droit à l’éducation. Pourtant, le ministre ignore ou feint d’ignorer une autre réalité : les contestations de toute forme ont aussi pour objectif d’aider les « étudiants les plus faibles ». Pas uniquement ceux d’aujourd’hui, mais également tous ceux de demain et d’après demain, donc les générations à venir. Ce sont là les nombreuses victimes à venir des politiques d’austérité d’aujourd’hui, dont on sait déjà qu’elles accroîtront les inégalités au lieu de les réduire. La perspective temporelle des contestataires est largement plus étendue, et plus réaliste, que celle adoptée par le ministre.
 
Dans un gouvernement, le ministre de l’Éducation doit avoir une vision à long terme. Plus que tout autre, il porte la responsabilité de l’avenir. Le ministre Blais devrait à cet égard s’inspirer des contestataires.
 
Je constate plutôt que l’attitude hautaine et négative dont il fait preuve à l’endroit des actions du mouvement étudiant, et de la démocratie étudiante, lui obstrue la vue sur le message qu’elles portent. Le ministre (et le gouvernement Couillard) se situe dans la droite ligne du même aveuglement qui a caractérisé le gouvernement Charest dans ses relations avec les jeunes qui entraîna, comme on le sait, sa perte.
 
C’est ainsi que le ministre s’inquiète de ce qu’il appelle le « dérapage démocratique »du mouvement étudiant et de ses nombreuses « apories ». Mais le ministre ne semble pas conscient de ses propres contradictions. D’un côté, il se porte à la défense des étudiants plus faibles victimes des grèves, mais de l’autre il endosse sans état d’âme les politiques d’austérité du gouvernement, dont on constate déjà qu’elles touchent et toucheront les plus faibles, que ce soit en augmentant le nombre d’élèves par classe, en coupant dans les services, en réduisant les budgets des cégeps et des universités. Et comble d’incongruité, ces politiques d’austérité, ici comme ailleurs où on a instauré une politique d’austérité, défavorisent les femmes sur le marché du travail. La longue et lente marche des femmes vers l’égalité fait en ce moment des pas à reculons.
 
Et puis, autre « aporie » du ministre. Il appuie joyeusement, et utilise lui-même, les recours répétés aux tribunaux, à l’encontre de décisions collectives prises démocratiquement. S’il y a quelque part un « dérapage démocratique », c’est bien celui-là. Ces recours aux tribunaux menacent gravement l’avenir de la démocratie étudiante.
 
Le ministre Blais est un philosophe, professeur de philosophie. Au fil de ses déclarations et de ses comportements, sa philosophie politique se révèle. Elle est essentiellement inspirée par une conception autoritariste et punitive du pouvoir politique. On voit bien qu’il conçoit l’autorité à la manière ancienne, descendant du haut — où règne la vérité — vers le bas — où doit se trouver l’obéissance—, et en exigeant des échelons intermédiaires du pouvoir (recteurs, directeurs de cégep, commissions scolaires) le même autoritarisme. Une culture de l’autoritarisme bureaucratique s’est installée au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur — comme au ministère de la Santé. Et l’esprit qui anime cette culture est vivement punitif : « exclure deux ou trois étudiants par jour », punir les étudiants grévistes, punir les professeurs grévistes, punir les commissions scolaires.
 
Il faut prendre acte du fait que c’est cette philosophie politique qui sévit au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, avec laquelle il faudra vivre et si possible négocier, et dont il faudra subir les conséquences.

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