03 octobre 2016

La libération de Homa Hoodfar


On ne peut pas savoir tout ce qui s'échange, se trame, grouille et grenouille entre les pays, surtout lorsque les relations diplomatiques sont rompues comme c'est le cas entre l'Iran et le Canada. Il est néanmoins instructif de constater à la lecture de ce texte paru dans La Presse + que la pression du public et des médias sur le gouvernement canadien a joué un rôle de premier plan dans la campagne victorieuse en faveur de la libération de Homa Hoodfar.  


LA CAMPAGNE POUR LA LIBÉRATION DE HOMA HOODFAR
Caroline Rodgers, La Presse+

Le 6 juin 2016, l’anthropologue canado-iranienne Homa Hoodfar, professeure émérite à l’Université Concordia, était injustement emprisonnée par les autorités iraniennes. Grâce à un mouvement de solidarité internationale lancé par son entourage, elle était libérée le 26 septembre, près de quatre mois plus tard. Nous soulignons la victoire de ceux qui ont participé à cette campagne pour libérer Mme Hoodfar en les nommant personnalités de la semaine.

Comme anthropologue sociale, Homa Hoodfar s’est notamment intéressée, dans ses recherches, au rôle
des femmes dans la vie publique des pays musulmans, ainsi qu’au port du voile. Elle séjour-
nait en Iran pour visiter sa famille et effectuer des recherches lorsqu’elle a été arrêtée. L’intérêt 
qu’elle porte aux conditions de vie des femmes musulmanes semble avoir contrarié le gouver-
nement iranien, qui l’a arrêtée, incarcérée et mise en isolement à la prison d’Evin, à Téhéran. 
Ses proches craignaient de plus en plus pour sa santé, puisqu’elle souffre d’une maladie 
neurologique, la myasthénie grave, et a subi un AVC l’an dernier.
Des centaines de personnes ont contribué à la faire libérer en multipliant les initiatives afin 
que son histoire demeure présente dans les médias et que le public soit alerté, en particulier 
dans le cadre de la campagne #freehoma. Elles ont ainsi maintenu la pression sur le gouver-
nement canadien pour que des efforts diplomatiques soient entrepris en vue de sa libération.
Parmi cette coalition ad hoc, on pouvait compter l’avocate Amanda Ghahremani, nièce de
Homa Hoodfar, sa famille, ses collègues de l’Association des professeurs de l’Université
Concordia, ses amis, ses anciens étudiants, mais aussi de parfaits inconnus de partout
dans le monde ainsi que des organismes comme Amnistie internationale Canada.
Au départ, le noyau montréalais de la campagne, formé des proches de Homa Hoodfar, a
notamment mis sur pied le site et la page Facebook #freehoma, écrit des lettres aux
 journaux, organisé des manifestations et sollicité le soutien d’autres organisations. Une
pétition pour réclamer sa libération a récolté 50 000 signatures. Ces efforts ont été multipliés
 et portés par tous ceux qui se sentaient touchés par son histoire jusque sur la scène interna-
tionale. La Presse a rencontré Amanda Ghahremani ainsi que quatre collègues et amis
de Homa Hoodfar (notre photo), et contacté par téléphone une de ses anciennes étudiantes.
« Même s’ils ne la connaissaient pas personnellement, beaucoup ont relevé le défi de se
battre pour sa liberté et contre cette injustice. »
— Kimberley Manning, directrice de l’Institut Simone de Beauvoir et collègue de Homa
Hoodfar
« Il est très important de reconnaître que les efforts diplomatiques du gouvernement
canadien ont porté leurs fruits, dit Amanda Ghahremani, nièce de Homa Hoodfar et
directrice de l’Institut Philippe Kirsch. C’était un bon exemple du fait que le dialogue entre
pays est important et ne devrait jamais être tenu pour acquis. En même temps, il faut
réaliser qu’énormément de gens, à différents niveaux, ont contribué à sa libération. »
UN GRAND RAYONNEMENT INTELLECTUEL
Un point fait l’unanimité au sein du petit groupe de personnes rencontrées par La Presse:
le rayonnement intellectuel du travail de Homa Hoodfar, le respect qui lui est voué dans le
monde universitaire et sa personnalité généreuse ont joué un rôle important dans la vaste
mobilisation mise en branle pour la libérer.
« Ses travaux comme anthropologue sont pertinents et importants, dit Amanda Ghahremani.
Elle est connue dans le monde. Parmi les gens qui ont participé à la campagne, plusieurs ne
la connaissaient pas, mais connaissaient son travail, ses écrits. »
« Je n’ai rencontré Homa qu’à quelques reprises – c’est elle qui m’a accueillie à Concordia –,
mais en tant que féministe qui s’intéresse, comme elle, à la question du voile, j’utilise certains
de ses écrits dans mes cours, ajoute Geneviève Rail, professeure à l’Institut Simone de
Beauvoir. À cause de cela, je me suis sentie très interpellée par ce qui lui est arrivé. Quand j’ai
appris qu’elle était en prison, je me suis dit : non, pas elle ! Elle est trop gentille pour qu’une
chose pareille lui arrive. » 
« Le type de personne qu’elle est, sa bonté, sa générosité ont fait en sorte qu’on avait envie
de l’aider. Elle a touché des milliers d’étudiants et des dizaines aux cycles supérieurs,
qui enseignent, aujourd’hui, partout dans le monde. »
— Geneviève Rail, professeure à l'Institut Simone de Beauvoir
L’une de ses anciennes étudiantes, l’Américaine Mona Tajali, s’est exilée à Montréal pen-
dant sept ans pour pouvoir faire son doctorat sous la supervision de Homa Hoodfar.
Elle est aujourd’hui professeure à l’Agnes Scott College, à Atlanta, et elle a participé
activement à la campagne.
« Je peux dire que je dois tout ce que j’ai à Homa, dit-elle. Elle a joué un rôle-clé dans ma
vie. Elle a fait plus que superviser mon doctorat. Elle est devenue mon mentor, ma sour-
ce d’inspiration et presque ma deuxième mère. Quand j’ai appris ce qui lui était arrivé, j’é-
tais atterrée. Avec plusieurs de ses anciens étudiants, nous avons fait tout ce que nous pou-
vions pour qu’elle ne soit pas oubliée par les médias. Cela démontre à quel point, pour
nous, elle a été une professeure importante et inspirante. »

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