25 janvier 2017

Jour sale aux États, sale Président!

N'en rajoutez plus, la cour est pleine. Mais la semaine n'est pas terminée! Encore 1445 jours à venir!

Elioy Hannon, Today was the Worst Day yet, Slate, 25 janvier 2017.

Aussi, malgré l'écoeurantite aiguë, Francine Pelletier dans son billet au Devoir a raison d'affirmer qu'il nous faut suivre la « joute », le « bras de fer », la régression, l'ostie de mur!


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Francine Pelletier, Trump, encore lui, Le Devoir, 25 janvier 2017.  

« Plus capables, je sais. J’en connais même qui veulent se désabonner de Facebook simplement pour ne plus être bombardés par les mimiques grotesques du nouveau président. D’autres n’ont jamais compris pourquoi nous, les médias, nous nous épanchons sur le phénomène avec autant de minutie. Ce n’est pas le même pays, après tout.

Mis à part la fascination avec le vaudeville qu’est Donald Trump, il est impossible, quand même, de se désintéresser de lui. C’est immense ce qui se passe actuellement aux États-Unis. On a beau se dire qu’on ne verrait jamais un vulgaire gérant d’estrade accéder au pouvoir ici, le phénomène Donald Trump, ce qu’il représente en dehors de ses travers à lui, nous concerne tous. La grogne de l’homme blanc vieillissant devant l’establishment (bonjour, Rambo Gauthier), le ressentiment devant les « étranges », le sentiment d’être désemparé devant un monde trop vaste, trop virtuel, trop changeant… est l’affaire de tout le monde. Trump nous force à reconsidérer ce qui paraissait à ce jour marginal, ou alors l’affaire des Européens — le populisme de droite.

Je crois, en fait, que Trump pourrait s’avérer un cadeau inespéré pour la gauche, une autre raison pour s’y intéresser. Mieux encore que Bernie Sanders, l’homme à l’incomparable toupet est un formidable antidote au manque d’inspiration et de direction qui gruge les forces progressistes depuis 30 ans. Nous en avons eu un aperçu le week-end dernier, lorsque près de trois millions de personnes ont pris la rue partout sur la planète. Aucune manifestation jusqu’ici ne pouvait se vanter d’une telle étendue, d’une telle diversité. Un phénomène de mondialisation qui, pour une fois, était au service de l’homme et de la femme de la rue.

Mais, bon, ne nous emballons pas trop vite. Encore faut-il que ce ras-le-bol (« Take your tiny hands off my rights ») reliant la lutte des femmes à celle des Noirs, à celle pour l’environnement et la liberté de presse, cette « intersectionnalité » sur six continents, donne quelque chose qui dure. Tout comme pour le mouvement Occupy, Black Lives Matter et le soulèvement étudiant de 2012, la démonstration n’a pas encore été faite que ce genre de protestations peut changer la donne.

Pendant ce temps, Trump poursuit (pour reprendre son expression) son « carnage ».On renégocie les traités de libre-échange, on sabre les fonds destinés à l’avortement à l’étranger, on revient en arrière. Mais au-delà des applications spécifiques du nouveau credo américain, America First, il y a un nouveau monde qui se dessine à l’horizon, la meilleure raison, à mon avis, pour s’intéresser à Donald Trump.

Le nationalisme frileux du 45e président représente aussi la rupture avec l’ordre international en place depuis la Deuxième Guerre mondiale. Comme le dit le dernier rapport du National Intelligence Council, il faut se préparer « non seulement à la fin des États-Unis comme maître du monde, mais aussi à la fin des fondements de beaucoup de son pouvoir : une économie internationale ouverte, des alliances américaines en Europe et en Asie, des règles protégeant les droits de la personne et des institutions comme l’Organisation mondiale du commerce qui influencent la façon dont les nations se comportent et résolvent leurs conflits ».

Il ne s’agit pas seulement d’un mauvais moment à passer, d’un divertissement de bas étage, en d’autres mots. Trump signifie aussi une remise en question de ce qui nous a permis de tourner la page sur près d’un demi-siècle de véritables carnages, de réelles atrocités. L’idée que nous devions non seulement rebâtir ce qui avait été détruit, mais nous donner collectivement la main, protéger ce qui dorénavant serait universellement reconnu comme les « droits humains », constitue un grand moment dans l’histoire de l’humanité. Ce parcours n’a pas été sans embûches ni sans graves omissions, de la part des États-Unis notamment, mais il s’agit néanmoins d’une plage de lumière qui jure aujourd’hui avec la noirceur qui nous hante.

Privé de l’attitude bienveillante des années d’après-guerre, de quoi le monde aurait-il l’air en 2020?, se demandent les auteurs du rapport cité plus haut. Nous serons de plus en plus morcelés, de plus en plus aux prises avec des conflits régionaux, des sociétés civiles perturbées toujours davantage par le racisme, le terrorisme et les attaques informatiques. Nous nous dirigeons, en d’autres mots, vers une période de chaos — ce que Donald Trump, en rupture non seulement avec l’ordre international, mais avec la moitié de son électorat et avec son propre parti, incarne mieux que quiconque.

Le garder à l’oeil est le moins qu’on puisse faire. »

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