18 juin 2017

Il y avait... il y a un jardin!

Jardiner, c'est le temps présent. À plein. La tête comme une cabane d'oiseau. Que les zen rapportés se le disent le nombril à l'air. Mais en même temps, c'est surtout le kairos, du moins c'est mon opinion, qui ne se réduit pas à la seule flèche rectiligne traversant je ne sais trop quel espace; c'est l'heure opportune, là où sont rendus la Terre et ses secrets bien trop massacrés, dans un univers en expansion, une si minuscule adresse vitale en mouvement parmi des milliards de galaxies et d'innombrables coups de marteau. On ne peut pas jardiner tout le temps. S'en faire accroire. Mes mains deviennent noires à cause du jardin. Je prends une pause. Un thé vert avec une branche de prèle dans la tasse raffinée qui vient d'Anna. Sa douceur et son rire en cascade font partie de ma vie. Le temps présent des êtres que l'on aime ne se mesure pas. Enfant, au temps des foins, encore trop petit pour aider, je vagabondais, on me laissait faire; je fouinais, j'entrais parfois dans sa grande maison couleur biscuit à l'érable, je dérobais un cornet dans le haut de l'armoire. Anna faisait la sieste au second étage et son ronflement incroyable, interminable, en cascade lui aussi, m'intriguait beaucoup. Je termine la lecture de La carte des feux de René Lapierre. Je suis bouleversé. Je garde précieusement pour devoir à finir la ferveur du chiendent. Mais pourquoi donc être si ému!

" Il y a trois cents millions d'années, à la fin du Carbonifère, notre continent franchissait l'Équateur et remontait lentement vers le nord. Ce lourd navire, rêvé en 1912 par Alfred Wegener, les géologues l'ont appelé Laurentia.
Un tout petit siècle s'est écoulé depuis. Notre monde s'est enfoncé dans l'ivresse et la brutalité. Les croyances les plus dépourvues de fondement se sont multipliées. Elles ont supplanté l'expérience, brûlé les livres, brisé la pensée. Chacun a ses morts. Les deuils sont innombrables.
Voici comment cela s'est produit.
Voici comment c'est arrivé. "
- René Lapierre, La carte des feux, Les Herbes rouges, 2015, quatrième de couverture.


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