J’ai beaucoup de souvenirs de la Crise d’octobre 70 qui fut déterminante pour la génération qui est la mienne, je pense tout au moins à ma tribu de laquelle plusieurs de ses sorciers sont toujours là, amis de feu, chacun un cadeau précieux de la vie, tribu forgée au fil des études secondaires et qui entrera au Cégep de plain-pieds en 1971. Avec les filles!
Le coup, l’effet d’octobre? C’est pour ainsi dire dans l’après-coup que ça se passe, caractérisé par un bouillonnement de tous les diables, aurait pu dire notre professeur José A. Prades, au cœur le plus tendre de notre jeunesse en ma tribu fougueuse. En effet, les jeunots cégépiens verront arriver en classe pour le cours d’introduction à la sociologie M. Prades, docteur en sociologie, spécialiste de Max Weber et d’Émile Durkheim (cf. http://www.religiologiques.uqam.ca/no9/prade.pdf ) avec sous le bras la revue Socialisme québécois, coiffée du titre « Québec 70 la réaction tranquille », nos 21-22, avril 1971. À propos, avec le recul il est fascinant de lire la reconstruction de ce courant de la gauche québécoise, sévèrement critiquée Ici dans cet article de Globe qu’on trouve via Érudit : Angelot, M. & Gagné Tremblay, T., (2011). De Socialisme 64 à Socialisme québécois ou l’invention du marxisme au Québec. Globe, 14 (1), 139-157. https://www.erudit.org/fr/revues/globe/2011-v14-n1-globe1819725/1005990ar.pdf
Ce cours nous transforma pour la vie. Mais pour l’heure, je suis jusqu’en 1973 un jeune militant du PQ émergeant d’alors (fondé en 1968; les nouvelles parleront demain du PQ actuel, marginalisé, et de son nouveau chef). Je participe à deux congrès nationaux à titre de délégué élu de la circonscription de Shefford, aujourd’hui Granby et une partie, dont ma cambrousse, de l’actuel comté de Johnson.
L’après octobre 70 déboule. Nous lirons les manifestes publiés coup sur coup par les grandes centrales syndicales : L’État rouage de notre exploitation (FTQ, https://m-editeur.info/letat-rouage-de-notre-exploitation/ ), Ne comptons que sur nos propres moyens (CSN, http://classiques.uqac.ca/contemporains/gill_louis/Ne_comptons_que_sur_nos_propres_moyens/ne_comptons.html), L’école au service de la classe dirigeante de la CEQ. (https://www.ababord.org/Trois-manifestes-syndicaux-CSN-FTQ ). Le prof de philo Laurent Valiquette nous fait lire le Manifeste du Parti communiste et des articles du Club de Rome. Émile Roberge, prof. et écrivain, présente dans son cours de poésie le film sur la Nuit de la poésie au Gesù en 70 (https://www.onf.ca/film/nuit_de_la_poesie_27_mars_1970/ ). Madeleine Monette, qui deviendra romancière et poète, nous introduit à De Saussure, nous fait lire La reproduction de Bourdieu (http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Reproduction-1952-1-1-0-1.html), Langage et société d’Henri Lefebvre. Paul-André Fortier qui abandonnera l’enseignement pour devenir danseur étoile, monte des spectacles avec les étudiants dans son cours de théâtre. Nous sommes dans un petit campus de 400 étudiants! Tellement chanceux d’avoir eu ces professeurs!
Au printemps 1973 éclatera la grève du front commun intersyndical, l’emprisonnement des Chefs syndicaux, le goût de tomber en amour et de sacrer son camp.
Entre temps, je suis de près le Procès des Cinq, je lis Point de mire dirigé par Bourgault, et religieusement Québec-Presse les dimanches; j’assiste à Sherbrooke au spectacle bénéfice pour les prisonniers politiques de Poèmes et Chants de la Résistance; je découvre avidement Pierre Vadeboncoeur : j’avale en une nuit son Indépendance(s). J’ajoute enfin cette autre lecture importante qui donna sens au Québec meurtri de ma jeunesse : La vigile du Québec de Fernand Dumont. https://www.erudit.org/fr/revues/rs/1972-v13-n1-rs1530/055564ar.pdf
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