Je reviens d'une saucette avec Claudio au Carnaval de Bahia. Sous la pluie chaude. Le Carnaval est sous la pluie et c'est tant mieux pour tous ces corps qui flambent, qui dansent. Le jeune vieux peuple de cette ville s'entasse, marche derrière les scènes mobiles flashantes, impressionnantes et monoxydées en masse, tirées par des dix roues, le peuple bouscule, pisse là où ça ne se peut pas. Bien sûr, il y a de jolies filles qui se font aller le papotin...
Il est presque deux heures du matin. Nous quitterons demain pour Reciffe, un trajet d'une dizaine d'heures. Là aussi, la fête fait rage et serait plus authentique aux dires de plusieurs. Mais pour l'heure, ce que j'ai vu est bien à l'image du peuple de Bahia : traînée de poudre dans la rue, rassemblement grandiose, enjoué, spontané et traditionnel tout à la fois (chacun connaît par coeur les standards, leurs Carnaval, Mardi Gras, Carnaval, multipliés par cent en nombre et en rythme), fête enracinée mais sans gouvernail, fascinante et choquante à la fois.
La danse est bien la reine de Bahia. Le spectacle, il est dans la rue trempée de la sueur de tout un chacun. Et la place minuscule que l'on occupe sur ses deux pieds est sans cesse remise en question. Oubliez la civilité des grandes occasions dégoulinantes de monde du Festival International de Montréal. Ici, c'est au plus fort la poche.
D'ailleurs, comme me le faisait remarquer Claudio, le système de cordes ou de blocs (les gens doivent payer pour faire partie d'un cercle protégé qui occupe presque toute la rue et qui suit le Trio, le gros truck sur lequel on crache un spectacle live, de la pub, des filles qui lancent des colliers, des mouchoirs au peuple...) fait en sorte que les strates sociales brésiliennes se trouvent reproduites en pleine fête. Comme me le soulignait Claudio, il y a ceux qui peuvent payer et qui sont au centre, à eux l'espace pour danser, faire les fous en arborant les couleurs du clan choisi, un stricte cordon de sécurité tient les câbles, puis les autres, confinés, marginalisés dans les couloirs à peine plus larges que les trottoirs, eux-mêmes littéralement occupés par les vendeurs de bières, de maïs, etc. C'est le free for all et les petits garçons plongent pour ramasser l'or des cannettes vides qui roule dans la rue.
Cet esprit-là est difficile à saisir pour l'étranger de passage, en l'occurrence moi. De la sorte, la fête me semble de beaucoup amoindrie, se trouve sous tension à cause de ce système très money money. Les payeurs dans les cercles défraient les spectacles "gratos" mettant en vedette les artistes de Bahia. Le mouvement de la foule, toutefois, s'en trouve scindé. Le tout est placidement encadré par la milice militaire. Les petits évènements comportementaux ne manquent pas!
Claudio qui prend bien soin de moi me faisait tenir à l'ombre de ces soldats. "Parfois, Ça chauffe", dit-il. "Ici, rien n'arrivera. Claudio m'avait fait mémoriser son numéro de cellulaire...
Reste que lorsqu'on peut se retrouver dans la rue parmi des groupes libres (nous en avons trouvé un pour un bout de chemin animé par un band style fanfare jazz 1940 ), c'est assez unique comme expérience.
Sinon, simplement observer les jeunes danser est déjà une aventure que j'oserais qualifier d'ethnographique. Au détour de la spontanéité de la danse qui est l'âme même de Bahia, on retrouve dans le "blender" de la foule tantôt une tresse de l'Afrique toute crue et souriante qui a sauté les générations et les continents, tantôt la fraîcheur d'une forêt inconsciente comme avec une plume agile sous les pas des danseurs ou ailleurs, une espéce d'écho bourru á large biceps venue d'un Moyen-Âge ibérique, toffe, rugueux et fragile à la fois, qui a tout à perdre mais ne le sait pas encore.
Avec ces considérations à coucher dehors, mieux vaut prendre congé! Allez, au pieux le vieux!
Les photos, dont celle de Gilberto Gil, immense artiste, ministre de la culture, enfant de Bahia qui est au rendez-vous du Carnaval, "un des meilleurs ministres de Lula", me dit Claudio, sont tirées du site du carnaval de Bahia et du portail UOL.
Ça ne pourrait pas être une photo originale puisque je me suis fait voler mon appareil (et trois cent photos!) ce midi sur la plage. Monnaie courante ici. Ouais, la poisse.
13 commentaires:
300 photos perdues ?!! Zut. La poisse comme tu dis. Bon. La vie continue.
Garde le sourire pour la route Jack, puisqu'elle est longue.
Comme tu m'as dit l'autre jour, faudra se contenter de boire mes mots.
Oh la vache!
On va effectivement continuer à boire mon Jack.
PS: C'est peut-être les gars du poisson qui se sont venger...qui sait! Dora, dora, dora!
Marc
Hé c'est pas grratisss ces affaires là ! (sourires)
On fait ce qu'on veut de nos malheurs...
Marco, moi aussi j'ai fatalement pensé à Dora! À cause de mon vieux fond catholique. Carol m'avait annoncé un très mauvais horoscope pour le poisson voyageur. C'est donc écrit dans les astres qu'une autre aventure vous serait racontée... Voir la brève du du 16/02/07. Mais malgré les tuiles, merci, Nina, de rappeler la liberté qui imprte pour demain...
je réitère ma demande. Monsieur, des textes ! t-rex on veut pas que ce soit une revue à thème, c'est un élan amoureux, un objet carnavalesque de L'AMOUR. Oui, on veut faire une revue d'amour qui s'intitule l'roi des tyrans. Alors, les textes, tant qu'ils sont précédés par l'amour on les veut. La revue est gratis pis on va la donner au vrai monde. On les aime.
Bon, je fais que de la pub :)
Je reviens lire ce texte après mon travail sur hébert et grandbois...
te envidio, si yo no puedo hablar el idioma de brasil puedo hablo en el otro gran idioma del sur, es como tener el sol en la boca, sobre los labios, yo pienso...
soño de ciudades de oro desde siempre !
ay ay
mi ventana es un jardin de escarcha
jajaja ! Hasta la proxima.
Bon je suis mauvais, j'ai jamais appris.
BAHIA SUR NEIGE
Le texte est toujours précédé par l'amour
Et sa lecture ne dépend que du regard
Amoureux ou pas du lecteur
L'amour appelle l'amour
Braise qui se contemple à travers les miroirs
Reflet muet qui traverse l'encre des mots
Doigt de feu sur clitoris invisible
Il n'est pas de plus grand tyran
Que ce mot qui ne veut rien dire
Mais qui porte sa charge de nitroglycérine
Comme un bourricot supersonique
wow et won:(:)
c'est à la fois exaltant et oppressant comme festival.
J'imagine bien ce que tu décris ici... j'ai l'impression d'être à ta place, dans tes souliers parmi la foule joyeuse et festive. Celle des élus à l'intérieur des cordes ou l'autre, classe exclus? Je me demande où je préférerais me retrouver... Oui, vraiment tout ça est à la fois euphorisant et triste. Du moins, de mon point de vue, de ce que je retire de ta description.
Sébastien et Mathieu ont sûrement trouvé le moyen d'aller danser au milieu...
Sinon, je continue d'être charmée par ta façon de décrire ton vécu, ici ou là-bas à Bahïa...
Dommage pour l'appareil photo:( j'avais aussi lu que le vol est très fréquent...
Bref.
Continu de t'amuser.
en toute amitié
Karoxx
@ Carolinade, merci fidèle alliée de la France. Je n'ai pas vu Séb. J'attendais signe de vie vers le 15. Bahia est est grande ville. Il a dû avoir d'autres samba à fouetter. Puis je suis parti le 17 pour Recife. Nous venons de rentrer. Le Routard dit que l'allure du carnaval de Bahia peut être difficile à supporter pour un non-initié. Vrai. Il faut être diable-sauté soi-même pour carnevaler depuis l'esclavage jusqu´à aujourd'hui. J'ai hâte d'entendre ou de lire la version de Séb.
@T-rex, tu es le meilleur mauvais que je connaisse. De retour à l'ardoise le 2 mars. Ça va peut-être couler. Mon chalumot est prêt. Jajaja!
@gmc, l'amour, ça me fait brailler. Si seulement j'étais troubadour, je pourrais le réinventer sans tambour ni tromperie.
louVe miss you Jack !!
tout le monde est troubadour, beau sire, il n'est question que d'oser...
Miss Louve, je donne des nouvelles plus loin...
Jack...O jack
tu demanderas à sébastien qu'il t'envoie les courriels de son récit une fois de retour au Québec.
pour eux aussi les choses se sont par moments corsés. mais il semble avoir trouvé le carnaval thérapeutique...
même si ça implique se faire pogné le cul par tout le monde, lécher la face etc. dans le chaos délirant de Bahïa carnaval.
bref.
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