12 février 2007

Le petit poète Vinicius De Moraes



Salvador, 12 février 2007

Jour de marche, jour de plage mais sous la prudence bienveillante d'un parasol à la terrasse d'un petit resto-bar car hier,en bateau,j'ai été dardé de soleil.

À la plage, sur l'heure du midi, j'ai dégusté un poisson succulento; j'ai regardé de jeunes ados jouer dans les vagues assez fortes et qui se cassent tout prés de la grève, signe que la mer creuse vite. Claudio m'a indiqué que cet endroit n'était pas le plus indiqué pour la baignade côté salubrité. J'ai bu mes bières, j'en ai écrit une shot pour le futur de mes carnets pelés. Le contentement qui frise le bonheur total.

Il y a des vendeurs ambulant partout, des jeunes, des plus vieux. C'est la débrouille dans la rue. À quelques jours du carnaval, par endroits sur les avenues, il y a un fourmillement de stands de fortune. On commence à vendre les déguisements qui sont fonction des diverses "cordes", espèces de cellules distinctes qui grouillent et forment les grands défilés du carnaval. C'est en tous cas ainsi que je le comprends. ll faut payer jusqu'à 500 re (250$) pour faire partie d'une corde (quatre jours). Les plus fortunés se louent des places dans des estrades (immenses infrastructures) érigées là où le défilé passe. L'une d'elles est jouxtée à un grand hôtel qui offre TOUS les petits à-côté si olé olalala que les grosses bourses peuvent se payer : cocaïne servie sur des plateaux d'argent, boissons, filles, etc. "Les riches peuvent tout avoir ici", dira Claudio. Reste le peuple, hors cordes et hors loges, qui défile en rangs serrés, moins protégé, etc.

Parce qu'ils habitent Salvador depuis toujours, mes amis sont très critiques en regard de la commercialisation galopante du Carnaval de Bahia, originairement expression du peuple.

Mais je digresse. Donc, il y a des ambulants partout. Par exemple, on y offre du fromage salé sur bâtonnet (comme un fudge), grillé au-dessus d'un petit chaudron suspendu à un long fil et où se trouve de la braise sur laquelle souffle le vendeur. On arrose le tout d'un filet de sirop de canne à sucre. Sucré, salé, grillé. J'y ai goûté souvent depuis mon arrivée. Très bon. Mais après un seul, on est bourré.

Un ambulant vendant des verres fumés est passé à la terrasse. Des lunettes bien ordinaires, mais je l'ai encouragé puisque je n'en avais pas. 15 re. Du coup, moi qui n'avait pas pris beaucoup d'argent, je me suis mis en mode survie car je n'avais aucune idée du prix de mon repas. Quand j'ai écrit (oui, écrit) et dit à la serveuse "eu comer", ça l'a bien fait sourire. Mais elle n'est pas venue me présenter le menu. Elle m'a présenté un poisson complet sur un plateau qui avait bon oeil. Elle a dit : O.K? J'ai dit :O.K., en tenant le pouce de la main droite en l'air comme faisait Olivier Guimond dans les annonces de la 50. Ce signe du pouce, c'est un passe-partout ici. Vraiment. Et c'est très communicatif. Alors, oui, je m'inquiétais. Je n'ai pas encore une idée de la valeur des choses de la vie courante. Je me disais : maudites lunettes! Sont même pas belles. Je ne voudrais pas me faire une réputation de malandro au Brésil! Je n'ai pas le cul assez solide pour cela. Surtout, je n'ai pas beaucoup de mots pour expliquer les situations problématiques. La jeune serveuse (environ 14 ans) me montre finalement l'addition sur un minuscule papier écrit manuscrit. Je respire! Il me restait 46 re et des poussières. Ça montait à 45,50 re! J'ai laissé mes poussières à la jeune fille. Parfois le pourboire est inclut, parfois non, c'est selon et c'est trés brésilen. Or, j'étais si anxieux de voir le total que je n'ai pas analysé le détail de la facture! Toujours est-il que mes poussières ont fait plaisir à la petite qui m'a dit, je crois, de revenir.

En après-midi, j'ai gardé un bref moment Pedro, le petit de cinq ans. Il aime jouer avec mes harmonicas. On a joué aussi aux dominos.

Claudio est en voyage à Brasilia pour son travail (consultant en éthique médicale, une denrée très rare au Brésil).

On a beaucoup parlé Rita et moi en marchant dans un grand parc où je retournerai faire du vélo. Nous avons discuté de théâtre antique, des jeux de langage, de l'interprétation. Mais aussi, des inégalités sociales, de la santé où il n'y a pas assez d'investissements pour la prévention, de la famille qui éclate ici comme chez-nous...

En soirée, Rita m'a parlé du "petit poète", l'immense Vinicius de Maraes (1913-1980), "le plus grand de tous nos poètes". J'ai à la maison la trame sonore d'Orfeu (1956, en collaboration avec Jobin) qui est un chef-d'oeuvre. J'ai sous les yeux Nova anthologia poética (2003) dans lequel je vais citer un tout petit extrait, alors que dehors, la pluie vient d'éclater avec fracas, tonnerre et tout. Il y a cinq minutes, les vidangeurs ont passé en chantant. Il est trois heures de la nuit ici!

Je n'ai pas sommeil. J'ai fait une longue sieste en fin d'après midi et j'en suis toujours à l'heure du Québec (deux heures en moins).


O DIA DA CRIAÇÃO


Hoje é sábada, amanhã é domingo
A vida vem ondas, coma o mar

(...)

Neste momento há um casamento
Porque hoje é sábado.
Há um divórci e um violamento
Porque hoje é sábado.

Há um homen rico que se mata
Porque hoje é sábado

(...)
(traduction plus que libre)

Aujour'hui c'est samedi, demain c'est dimanche
La vie s'écoule par vagues comme à la mer

En ce moment il y a un mariage
Pourquoi aujourd'hui c'est samedi
Il y a un divorce et là, un viol
Pourquoi aujourd'hui c'est samedi?

Un homme riche vient de se suicider
Pourquoi aujourd'hui c'est samedi?
(...)

Site officiel de Vinicius (en portuguais)
Photo haut de page (Bethania, 11/02/07) : Rita et Pedro

9 commentaires:

Onassis a dit...

Je me réveille à des heures pas possibles. Comme d'habitude. Et je tombe sur tes délicieux récits qui donnent envie d'être ailleurs.

Merci, c'est très plaisant à lire mon cher Jack...

Nina louVe a dit...

Je me suis réveillée avant Onassis..mais j'ai bu un café avant de passer. (sourires x 2)

On veut un cliché de ces lunettes !!!

Anonyme a dit...

oui tu donnes le gpût de voyager!!!

Jack a dit...

Onassis, Nina, vous êtes matinals vrai! Moi aussi. Mais c'est l'heure à laquelle je me couche!

Jean-Luc, comment-va? Le goût de voyager? Ben, tant mieux. Le Train de nuit est là pour tripper.

Anonyme a dit...

Aujourd'hui on attend 30 cm de neige...

Je suis en train d'apprendre, sans y mettre vraiment le temps, une très belle chanson de Vinicius: Eu sei que vou te amar

Ciao

Jl

Anonyme a dit...

Jack!

Ton histoire de resto m'a accroché un sourire immense!

Je trouve merveilleux de suivre ton aventure à travers tes mots.

C'est clairement du bonheur à l'état pur ça mon homme!

Continue de nous raconter en détails ce que tu vois.

Marc

Anonyme a dit...

Merci Maro. Comme tu sais, toi-même étant Brésilien de coeur, ce qu'on peut raconter n'est que ke pâle reflet de cette vida verde muilto toutt.

Unknown a dit...

Merci beaucoup pour montrer au monde francophone un peu de la poesie de "Vinicius", à mon avis le plus important poète brésilien.
Je vous conseille son poéme sur les amis, en traduisant l'importance de l'amitié dans la vie.

Obrigado,
Lino

Amizade - Vinícius de Moraes

Amizade - Vinícius de Moraes

Tenho amigos que não sabem o quanto são meus amigos. Não percebem o amor que lhes devoto e a absoluta necessidade que tenho deles.

A amizade é um sentimento mais nobre do que o amor, eis que permite que o objeto dela se divida em outros afetos, enquanto o amor tem intrínseco o ciúme, que não admite a rivalidade.

E eu poderia suportar, embora não sem dor, que tivessem morrido todos os meus amores, mas enlouqueceria se morressem todos os meus amigos!

Até mesmo aqueles que não percebem o quanto são meus amigos e o quanto minha vida depende de suas existências…

A alguns deles não procuro, basta-me saber que eles existem.

Esta mera condição me encoraja a seguir em frente pela vida.

Mas, porque não os procuro com assiduidade, não posso lhes dizer o quanto gosto deles. Eles não iriam acreditar.

Muitos deles estão lendo esta crônica e não sabem que estão incluídos na sagrada relação de meus amigos.

Mas é delicioso que eu saiba e sinta que os adoro, embora não declare e não os procure.

E às vezes, quando os procuro, noto que eles não tem noção de como me são necessários, de como são indispensáveis ao meu equilíbrio vital, porque eles fazem parte do mundo que eu, tremulamente, construí e se tornaram alicerces do meu encanto pela vida.

Se um deles morrer, eu ficarei torto para um lado. Se todos eles morrerem, eu desabo!

Por isso é que, sem que eles saibam, eu rezo pela vida deles. E me envergonho, porque essa minha prece é, em síntese, dirigida ao meu bem estar. Ela é, talvez, fruto do meu egoísmo.

Por vezes, mergulho em pensamentos sobre alguns deles.

Quando viajo e fico diante de lugares maravilhosos, cai-me alguma lágrima por não estarem junto de mim, compartilhando daquele prazer…

Se alguma coisa me consome e me envelhece é que a roda furiosa da vida não me permite ter sempre ao meu lado, morando comigo, andando comigo, falando comigo, vivendo comigo, todos os meus amigos, e, principalmente os que só desconfiam ou talvez nunca vão saber que são meus amigos!

Anonyme a dit...

Obrigado, limo.
jd