05 avril 2007

Malemer comme eau retenue





J'ai loupé encore une fois. En ce moment même, à la Grande Bibliothèque, se déploie un hommage à feu Risna Lasnier et Jean-Guy Pilon. Je n'ai rien à dire sinon que la vie est carottée et nous fait rentrer bien trop tard. Alors, je vais prendre un coup de pâmasses à la maison. Je vais déplier mon journal du soir et me saouler l'dedans de vers apprivoisés.

«Je descendrai jusque sous la malemer où la nuit jouxte la nuit jusqu'au creuset où la mer forme elle-même son malheur... sous cette amnésique nuit de la mer qui ne se souvient plus de l'étreinte de la terre... toute salive refoulée de silence je regoûterai aux eaux condamnées de ma naissance... maternité mystérieuse de la chair asile ouvert aux portes du premier cri, et la mort plus maternelle encore» -Rina Laslier, La malemer. Mémoire sans jours, 1960.
«Tendres, doux et pleins, tous les mots pour elle, Mon ardente inquiétude. Chaque jour, figure renouvelée, corps plus beau que la veille. Je dis beau. J’aime cette ville, j’aime cette femme. Toute saison embellit la maison de nos amours. Neige ou soleil, printemps insaisissable, automne de paresse. Je ne saurai jamais assez son corps, je n’aimerai jamais assez son cœur. J’enlève chaque jour ses vêtements magnifiques pour m’allonger près d’elle dans le délire. - Jean-Guy Pilon, Montréal, Comme eau retenue, Typo, 1985
«Je suis d'un pays qui est comme une tache sous le pôle, comme un fait divers, comme un film sans images. Comment réussir à dompter les espaces et les saisons, la forêt et le froid ? Comment y reconnaître mon visage ?
Ce pays n'a pas de maîtresse : il s'est improvisé. Tout pourrait y naître ; tout peut y mourir.»
Jean-Guy Pilon, Le recours au pays, Hexagone, 1961

«Laisse le nénuphar au lac, laisse le poète à sa solitude;
le nénuphar n'a pas dédaigné le pré ou le jardin, le poète n'a pas choisi de chanter; même s'ils baignent dans l'eau pure de la beauté, ils restent mêlés à la boue de la terre par toutes leurs racines.»
Rina, Beauté.

3 commentaires:

Anonyme a dit...

COMME UN DEVERGONDAGE

Boue de terre bout de lumière
Qui incendie de mâle douceur
Cet océan de femmes
Ensorcelées par leurs manières

Bout de terre boue de lumière
Pulpe à l'écorce de gentiane
Désexcisée permanente et sereine
Pour castrats joyeux et gourmands

Gourmands d'abstinence et d'ascèse
Ces malandrins du sensoriel

Anonyme a dit...

gmc, comme toujours, tes carrés de sable font travailler mon aveugle d'un pôle à l'autre. Ton mixe de dévergondage et de malandrins sur la semelle des littéralement et dans tous les sens, réussit à couler ensemble castrats et faiseurs d'amour, de boue, de lumière. J'aime particulièrement ce qui appartient au sauvage comme la gentiane. La gentiane des marais à la trompette mauve sur le Mont Lozère, dis-moi, est-ce plus beau encore que le mot?

Anonyme a dit...

UN BRIN DE BUEE SYLVESTRE

Loin en amont des mots
A portée d'haleine
Sous les cils de la beauté
Luit le regard du printemps
Fond des nuages d'encre figée
La contemplation en guenilles
Réverbère l'écho
Des charmes du grand froid
Un café chaud Nord des routes
Pour les voyages du rêve obsidien