24 juin 2007

«Vive le Québec ! Vive le Québec libre!»


Il y a 40 ans, une émotion particulière traversait le Québec profond. Avant ce discours final à l'Hôtel de Ville de Montréal, il y eut le Chemin du Roy. Je savais que Noël et Clémence, nos voisins, s'étaient endimanchés, avaient quittés tôt leur ferme pour rejoindre dans le bout de Sorel, j'imagine, ces milliers de gens massés le long du parcours du Général.

Nous sommes un an avant mai 68 et c'est une autre paire de manches qui se jouera en France. Mais il ne fait aucun doute que cette visite INOUÏE de De Gaulle en juin 1967 a transformé notre estime de soi, nous qui sommes à la fois si sensibles à la parure et si blessés, comme un million de gens, «des hommes pareils en dedans».

Dans ma tête d'ados, je ne comprenais pas pourquoi le 24 juin, fête nationale des Canadiens-Français, n'était pas férié. Je festoyais en silence avec mon petit drapeau dans les poches, j'étais triste de voir les gens travailler dans les commerces, partout. Faudra attendre René Lévesque en 1976 pour officialiser ce jour... Quelques jours libres, significatifs, pour le peuple, il en faut! Il en faudrait!

De Gaulle parle de modernité et de progrès dans son discours grandiloquent. Le «thème» de la St-Jean de cette année souligne les grandes percées québécoises sur le plan international. C'est bien. C'est excellent. Beaucoup d'acharnement derrière les coups de génie. De superbes bretelles... Mais comme le disais le docteur Marquis l'autre semaine en conférence, le trèfle à quatre feuilles, c'est beau et rare, Céline Dion, le Cirque du Soleil, Bombardier, SNC-Lavallin... Mais les institutions dans leur vie de tous les jours restent vivantes à cause des gestes de qualité posés par des milliers de personnes ordinaires, des trèfles à trois feuilles à perte de vue.

Il reste aussi que politiquement parlant, compte tenu de nos dispositions et de notre situation géographique, l'immense talent de ce peuple n'arrive pas à peser sur la scène internationale, à jouer franc-jeu. Notamment sur les questions éthiques, la paix dans le monde, le partage des ressources vitales comme l'eau... Sur bien des points encore, nous sommes traduits, pâles reflets de notre vivacité.

Je suis tanné que nous soyons traduits hors contexte.

Côté cour-arrière, sur le plan de la solidarité et des libertés collectives, malgré ce vieux fond de bi (corvée), catholique, socialiste, coopératif, missionnaire, que de croûtes à manger parfois! Que de gaspillages et de fausses richesses. L'illusion d'être «l'individu» bardé de droits et libertés, seul à bord de son île.

J'entends parler à tous les jours par ma compagne de ce que vivent les enfants montréalais. Cela révèle tout le peuple, toute la catalogne tricotée serrée. Je ne suis pas inquiet, mais je suis peiné que si peu de moyens convergent vers l'essentiel, soit les enfants et ceux qui en prennent soin, les élèvent, les rendent autonomes, fiers, instruits, cheminant en beauté vers eux-mêmes. Combien de «gestionnaires patentés dorés» avec compte de dépenses et pistonnage pour gravir et se gaver des échelons? Combien de directeurs d'écoles brûlés à 60 heures semaines... Combien de prof.? De travailleurs en garderie à 30 000 $ par an?
Les « fonctionnaires » ordinaires comme ceux qui prennent soin de nos parents dans les hospices sont comme la prunelle de nos yeux, disait un jour Michel Chartrand.


La liberté n'arrive pas au bout d'un discours par un soir de Grand soir. C'est une longue marche. Des milliers de pas quotidiens et ordinaires. Tous sont conviés à la table. Tous devraient l'être.

Tous les marcheurs sont égaux. Les petits comme les grands peuples sont égaux.


Comment le Québec pourrait-il vivre autrement que libre?

Vive le Québec libre!

2 commentaires:

Nina louVe a dit...

Oui ! ViVe le Québec LIBRE !!!!!

Anonyme a dit...

Reçu cette réponse de René. Qu'il ne m'en veuille pas si je le reprends ici intégralement. L'intérêt de le partager est d'autant plus vif suite à des échanges ahurissants sur le bogue de Nina alors que la Bella avait simplement colorié en très bleu sa journée de la St-Jean. À la lumière de l'expérience québécoise, dire que le nationalisme a pu et peut encore être porteur d'humanité plus libre et se faire traiter de facho, il y de quoi se poser des questions sur la capacité de certains interlocuteurs, fussent-ils jeunes, talentueux et iconoclastes, à pouvoir adapter leur lexique à la réalité de l'autre. Dit autrement,
simplement : comment rendre le dialogue possible.

La réponse de René Merle par contre invite à creuser davantage : la notion de nation ethnique vue d'un point de vue historique, par exemple, en regard des débats actuels comme la thèse de Michel Seymour autour de la nation civique.

Malgré le petit tiroir du commentaire à la suite d'un texte publié il y a une semaine et où l'on se trouvera à l'étroit, j'estime utile donc à plusieurs égards de partager intégralement les propos qui suivent.
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Salut et merci pour ce beau texte où la transcendance
patriotique n'exclut en rien la lucidité, et ça fait le bon cocktail
(sorry pour l'anglicisme).
Je n'ai rien à dire à la place du Québécois Jacques Desmarais et des
Québécois en général. Mais je peux ajouter ceci : la France a mis des
siècles de fer, de sang, de ruses, de mariages princiers, d'annexions
sordides et de rattachements populaires, pour se constituer en L'État
hexagonal à peu près définitif que nous donnaient à voir nos grandes
cartes murales de l'école primaire, état qui avait digéré en douceur,
en humiliations ou en contraintes majeures des populations de
langues, de mœurs, voire de consciences nationalitaires, bien
différentes... La France de la Monarchie constitutionnelle et de la
Première République a mis si peu d'années, dix ans (1789-1799), pour
cristalliser en citoyens des sujets de cet état si centralisé, et qui
allait encore plus le demeurer dans les deux siècles à venir...
Et depuis, vaille que vaille, ça marche. Parce que, à la différence
des Catalans par exemple, pas heureux et pas fiers de leur état
espagnol rétrograde, les Français si divers et bariolés ont trouvé
bon d'être Français dans un État qui leur assurait (mais il a fallu
sérieusement pousser à la roue, y compris avec quelques fusillades)
instruction gratuite et de qualité, promotion sociale, sécurité de la
santé et des vieux jours, avec en contre partie, la nécessité d'aller
se faire trouer la peau pour défendre la Mère Patrie. Mais me diras-
tu, quel rapport ton cours d'histoire française avec notre Québéc
(libre). J'y arrive.
Si la France est une Nation constituée de bric et de broc, un
patchwork (encore sorry, putain cet anglais nous colle au clavier) et
patiemment mijotée (comme les bonnes soupes) par quelques siècles
d'intégration, donc une Nation citoyenne (plus ou moins contrainte)
et non, non de non, une nation chromosomique et ethnique (Je m'excuse
Jean Marie, je m'excuse, oh mon nouveau Ministre de l'Identité
Nationale), je crois que les colons français du Québec, relativement
homogènes dans leurs origines de Français d'Oïl (pardon François
Barcelo, qui semble avoir quand même d'occitanes origines), et tout
particulièrement de la France de l'Ouest, se sont trouvés
immédiatement constitués en communauté ethnique uniquement
francophone, pour se retrouver bientôt sous la tutelle
administrative, idéologique, linguistique des fils d'Albion. Donc une
Nation ethnique, dès le début constituée (je n'entre pas dans les
nostalgies de la re-descente du Mississipi, de la grand France ratée,
du salaud de Napoléon, de l'accent acadien si différent du québécois,
etc).
Mais une Nation ethnique superbement boudée, sinon ignorée, par les
Républiques troisième et quatrième... Qu'est-ce qu'on en connaissait,
nous autres écoliers, de ce Québec, sinon Maria Chapdelaine et
Charles Trénet qui dans son "Voyage au Canada" commençait par voulir
aller à Ottawa en oua oua puis naturellement à Montréal à Cheval
(mais on s'emmêlait les pinceaux entre Ottawa et Montréal) (Tout ceci
est bien remis en place par les tours operators [et merde, encore un
anglicisme] seniors, dont, à ma grande honte je n'ai pas encore
bénéficié : c'est vrai, à ma grande honte, je n'ai pas encore "fait"
le Canada). Tout ça pour dire qu'on n'y connaissait rien.
Et voilà que le Général nous met les points sur les i : "Vive le
Québec libre" !!!
Putain, ça nous changeait de nos vieilles cartes de géo, tu sais,
celles où la France se prolongeait de grandes taches roses, roses
comme l'Hexagone, des tas de France d'outre mer dont les
collectionneurs de timbres se régalaient, il y avait les gros
morceaux, l'Afrique occidentale et l'Afrique équatoriale (françaises
of course... je ne dis plus rien), plus des vignettes : Indochine,
Madagascar, comptoirs de l'Inde, Antilles, etc etc. Et ça nous
changeait de tous ces ingrats de Malgaches, Africains, Vietnamiens,
etc, qui ne voulaient plus être coloriés en rose sur la carte et qui
(hélas souvent titillés par la subversion communiste) s'autorisaient
à combattre notre armée civilisatrice.
La dernière péripétie en date avait été celle des "événements" ,
comme on disait alors, des départements français d'Algérie
(1954-1962)...
Mauvaise pioche, plus ou moins refoulée dans l'arrière sur-moi de
millions de troufions, colons, indigènes etc etc.
Et voilà que le Général nous balance une autonomie, voire une
indépendance de plus... Mais attention, pas une autonomie de
bougnoules, de melons, de negros, de sous-hommes. Mais non, des
Francaoui comme nous, même avec un drôle d'accent, des fils de la
France éternelle... Des enfants qui ont grandi et qui, comme tous les
enfants, doivent à un moment couper le cordon, faire leur vie, en
pleine autonomie, sans pour cela oublier leurs parents...
Et alors, du coup, nous autres Français, on s'est senti dans le coup,
dans le coup et du côté de la décolonisation. Colonisateurs
décolonisateurs, comme les sympathiques escargots hermaphrodites (je
sais pas d'ailleurs comment ils font)... Et puis on disait merde aux
Anglais, et par ricochet aux Amerlocks. On était Majeurs... D'autant
qu'en filigrane du propos de De Gaulle, le Québec nous renvoyait
l'image d'une nation "naturellement" ethnique, c'est à dire ce que
nous n'avions jamais été.
Mais si nous avons reçu ainsi le message du Général, nous ne l'avons
en rien, et jamais, considéré comme une manœuvre, une pauvre petite
ruse... Pour nous, c'était vraiment un cri du cœur, dont nous lui
rendions hommage et jsutice. Et même si nous avons mis du temps, sans
vraiment y être parvenus, à comprendre comment ces quelques mots
avaient pu être opérants, voire accoucheurs, au Québec, nous
conservons cela comme un grand Plus. Et je le dis d'autant plus
tranquillement (comme on dit en langue de bois) que je n'ai jamais
été gaulliste.
Voilà Jacques. Je me suis expurgé, comme on dit chez moi, en ces
temps plutôt sombres où l'identité nationale est un enjeu
démocratique, et où la France aurait intérêt à regarder aussi vers ce
qui se passe dans un Québec aujourd'hui terre d'immigration
multiforme, un Québec par ailleurs confronté aux revendications des
descendants des premiers occupants, un Québec creuset nationalitaire
dont nous ne pouvons que souhaiter un avènement qui dépasse les
vieilles crispations.
Amicalement,