02 juillet 2007

Excursion pensée critique 1 - Jeux d'écluse

Un wagon tout neuf en série (bien, on verra) s'ajoute à Train de nuit et se donne comme itinéraire des excursions dans la pensée critique.

La pensée «critique» n'est pas dans un moribond sur son lit de mort. Mais les pelletées de terre transnationales du néo-libéralisme remplissent jusqu'à ras bord la vue, les oreilles, les cerveaux et ce, de si quotidienne manière qu'on se trouve aujourd'hui à en perdre plus que son latin.

L'un dira : chou! La philo n'est pas de la littérature! Qu'est-ce que ça vient poindre, ce nez plate, dans ta boîte de jazz? Sous le charmant ciel montréalais?

D'abord, les paysages littéraires, même les plus escarpés, ne défilent jamais sous nos yeux en couche chaude : ils font un monde à partir du monde, retournent au monde en découpant des trous de miroir dans la pensée et plantent parfois dans le sol des graines si radicales, celles qui vont à la racine de l'Homme, disait Marx.

Georges Leroux, mon professeur de philosophie disait : «La littérature, c'est de la philosophie autrement». Cette remarque m'accompagne intimement lorsque je lis.

Puis, sans faire une démonstration à gogo à tout prix, je dirais simplement aussi que le jazz, forme populaire de l'art qui contamine la tête, le coeur et les pieds, les hanches et le souffle, les oreilles des foules, donne le goût de l'amour et atteint l'alcool le plus secret, le jazz, cette rare invention culturelle typiquement américaine comme le pensait, entre autres, Marguerite Yourcenar, le jazz quand il ne fait pas dans la «gestion de risques» pour dire comme l'ami Serge Truffaut, suppose plus que le doigté, la connaissance, la chance, pour renverser les formes et les structures établies... Le jazz est un carrefour où poussent les racines...

À tous les matins que le bon Dieu me donne, bien que je sois généralement dans le contentement, mais vraiment, d'être en vie, j'oublie dans quel calvaire de régime nous vivons. Les journaux n'y font rien. Ni les discours réveilleurs de Michel Chartrand que je suis allé entendre très souvent,ni les Normand Baillargeon, les Bouveresse, les Chomsky, les Prévert, les Jonathan Coe, les Wittgenstein de la planète. Tout cet outillage critique dans ma petite tête oublieuse... C'est ce que je disais récemment à Normand Baillargeon suite à une conférence à la librairie Zone libre.

Naïveté de boxé-boxeur face à la doxa... Cela me surprend et je me dis : faudrait parfois que je prenne des notes!

Au détour de ces «excursions sommaires», il m'apparaît que la pensée critique sert au premier chef la création littéraire dans ce qu'elle offre de plus vif, de tranché au canif. Même quand on croit avoir tout oublié, même quand ronronne dans la mélasse des radios et des télés la courtoisie à plume de nos commanditaires... La littérature, je le dirai sans fioriture et sans prétention savante, laisse cette impression avant, après le langage, cette bonne fille d'impression entre deux craques, si pugnace, évoquée par Proust prenant le thé l'après-midi, à quatre heures... Ce petit filet dans le ciel pour fins de mémoire ouvre le ciel et la terre et soi-même...

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