25 novembre 2007

Carnets pelés 15 - Mon équipe de Ô Quai

Je suis attaché à cette vieille affiche de la moins célèbre des Nuits de la poésie, celle de 1991.
Photo Jacques Desmarais.

Le hasard a d'abord voulu ce soir-là que je sois assis aux côtés de Pierre Perrault et de sa compagne. C'était déjà un gros ouf! pour le groupie que je suis.

Puis, en ouverture, Marie-Claire Blais, lumineuse, a lu un texte pacifiste — nous sommes le 15 mars 1991 et c'était l'Irak, prise 1, n'est-ce pas?

Plus tard, comme sur un trottoir à faire rougir Aristote, Josée Yvon, magnifique cowgirl chambranlante, est venue clouer ses poèmes de soie avec ses hautes bottes à gogoune, mais fut soudain éjectée de la scène parce qu'elle dépassait le temps alloué, cinéma oblige de M. Labrecque!

Idem pour Janou St-Denis qui rua, vous ne pouvez imaginer comment, de sa voix rauque habituée à sacrer.

Badibadagne!

Juste avant l'entracte, le collectif Gaz Moutarde prit d'assaut la scène et réclama la liberté de la poésie dès cette nuit même!

Perrault ne revint pas à la seconde partie. Pourtant, Denis Vanier décocha des flèches tatouées pour l'éternité dans nos mémoires. Et la bonne humeur revint tout à fait après l'intervention très applaudie de Patrice Desbiens qui a su choisir des mots simples pour parler de son ami Gilbert Langevin. Alors, la poésie a pu reprendre son coeur improbable d'oiseau.

La frêle Geneviève Amyot vint à son tour, je ne sais quand, allumer intensivement un incendie en direct avec une si douloureuse complainte, une offrande, une affaire qui ne cesse pas de couler, une sœur mourante perdue dans la nuit, je crois... Quel beau texte récité mieux qu'une tragédienne aguerrie! Je n'ai jamais revu cette femme que j'ai aimée tout de go.

Passé minuit, les trop jolis mots tissés serrés de Denise Desaultels, déformés en musique de harem, profitaient de l'écho des corridors de l'UQAM pour me suivre; ils glougloutaient dans ma fatigue jusqu'à la toilette des hommes, loin dans l'irréel de ma tête, ma'zelle...

Bien d'autres noms encore chauffèrent les planches de la salle Marie-Guérin-Lajoie jusque tard dans la nuit : Alonzo, Beausoleil, Brault, Boucher, Chamberland, Charron, Garneau, Lalonde, Giguère, Haeffeley, Jacob, Lapointe, Malenfant, Miron, Piché, Pilon, Roy, Michel Van Schendel...

Comme un bateau qui sort par l'horizon, quand il en part un, cela fait un trou de grosse pointure au bas de mon affiche ou plutôt, le nom reste, mais avec des graines de jardinier sur les lettres en attendant...

Poètes en grappes, en tas, porteurs provisoires du disque sur le quai des voyageurs, humains, trop humains, aviron, alouette...

N'empêche, 
ne vous en déplaise, c'est
 une saprée bonne équipe de Ô quai.
Libres Salmigondis, 18 octobre 2005


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