15 décembre 2007

Carnets pelés 16 - Sur le chemin des philosophes




«Le rêve est le réveil de l'interminable (...) Celui qui rêve dort, mais celui qui rêve n'est déjà plus celui qui dort, ce n'est pas un autre, une autre personne, c'est le pressentiment de l'autre, ce qui ne peut plus dire moi, ce qui ne se reconnaît ni en soi ni en autrui.» - Maurice Blanchot, L'espace littéraire, p. 361.



22 janvier 1988

Hier soir, cours avec Michaël La Chance. Questions d'herméneutique. Traversée de l'art qui me donne des ailes. J'adore ce cours. Parmi mes lectures, je tombe sur ce morceau de Proust au sujet de l'expérience de départ de l'interprétation : «Ainsi il existe un autre univers que celui que nous voyons et rencontrons, c'est celui que nous voyons en réalité mais que nous sommes détournés sans cesse de regarder et qui est caché par l'autre».

23 janvier 1989

Salvator Dali n'est plus.
Aujourd'hui, je reste à la maison pour travailler Bachelard. Le cours de Paul Dumouchel est exigeant! C'est un sentiment extra de pouvoir faire ce que l'on aime. J'aimerais que ce soit comme cela tous les jours. Je pense à Hubert Aquin que je lis en ce moment et qui s'est bien amusé dans le carrousel, l'atelier de sa bibliothèque. Dans la revue Liberté (# 110, 1977), Jacques Folch Ribas écrit : « La connaissance, la curiosité la synthèse, c'est Hubert. Bien sûr qu'il est ivre, tout cela saoule...»


19 août 1989

Je suis assis sur le sable, face à l'océan. Il est sept heures et demie du matin. Il fait beau. Très beau. Que du beau, madame. Ce trésor déploie ses ailes avec quelques souvenances de pluie nocturne pour dessaler l'azur. Un bijoux de vie à perte de vue, rubis poli par les vents et marées et les dragées hautes. Le soleil monte. Des oiseaux écrivent à la patte, çà et là, inlassablement. Un sens du parchemin frétille par-dessus l'horizon. J'imagine cet enfant au loin, déjà mouillé sur la plage, en train d'apprendre à rêver.


3 janvier 1993

Selon Maurice Blanchot, le langage est un milieu immaîtrisable. Comme une espèce d'arbre qui compose des forêts infiniment mourantes. L'écriture pour Blanchot est cette procédure mortelle, rappelle pour sa part Françoise Collin à Littératures actuelles (ex-chaîne culturelle, Radio-Canada, émission de ce jour). La maîtrise de la lecture apparaîtra à la fois sous le signe du plaisir et celui de l'effroi (« forger l'effroi », dirait peut-être Michaël La Chance), dans un saut hors du langage. C'est une expérience de générosité et de don. Ce n'est pas le «je » qui explore le texte, c'est le texte qui m'explore. Je suis plus lu que je puis lire.

Si cela est, la question de l'interprétation n'est pas seulement dans un cercle vicieux (Gadamer), elle se trouve littéralement embrouillée.


18 octobre 2001

Début du cours de Gilles Voyer, Éthique clinique. Le fond, la base : la philo, c'est-à-dire l'étonnement. Puis, l'interprétation. Référence à Gadamer (il a 101 ans!). Un texte n'est compris que s'il est toujours lu différemment, dit-il. Dans Vérité et méthode (Seuil, 1996, p. 8), on trouve cette ambition : « Ce qui est en question, ce n'est pas ce que nous faisons, ni ce que nous devons faire, mais ce qui survient avec nous, par-delà notre vouloir et notre faire. »


19 septembre 2006

Jean-François Malherbe est un professeur aimé, un écrivain merveilleux. Il fabrique des circonférences avec nous. Il dit : « Je ne connais aucun être humain qui soit intégralement satisfait ». Cela nous met sur le chemin du devenir soi. Nous sommes habités à la fois par le déficit et à la fois par le désir de se réaliser. Cette force qui passe à travers soi donne le sentiment d'un +. C'est ce qui nous dépasse. C'est se sentir emporté dans quelque chose que nous ne contrôlons pas, mais qui n'est pourtant pas un hôte étranger. Comme lorsqu'une improvisation à l'harmonica sort des sentiers battus. C'est notre rapport à la « surprenance», dit Malherbe, autre mot pour dire l'esprit, la spiritualité.


26 juin 2007

Congé! En ce début du Festival de jazz, un saut quand même au bureau pour souligner le départ à la retraite de Ginette Lavallée, une collègue aux Communications qui est aussi une amie que j'estime au plus haut point. S'adressant à nous, elle dira en guise de mot de la fin et de bilan : « Ce n'est pas ce que vous faites qui compte, mais comment vous le faites. »

Photo : Pierre, coll. jd.

Ainsi, en filigrane, le bon marcheur Hermès, dieu des communicateurs, nous renvoie sur le chemin de nos polygraphes.

2 commentaires:

Edouard.k a dit...

De :
"C'est un sentiment extra de pouvoir faire ce que l'on aime."

A :
«Je ne connais aucun être humain qui soit intégralement satisfait»

on tire l'idée que la satisfaction qu'on tire de ce que l'on aime est sans doute à la mesure de notre capacité plus générale à nous satisfaire.

Jack a dit...

Bien dit Rimo. C'est peut-être, en d'autes mots, l'idée du contentement, beaucoup plus présent dans la vie de tous les jours que le BONHEUR dont l'heure d'après est toujours incertaine. Malgré les échecs très nombreux que j'ai subis dans ma vie, j'aime à me surprendre avec des contentements de rien pantoute, d'autres plus essentiels comme une bonne santé, le goût de me lever à tous les matins et la résistance que j'éprouve à me coucher le soir!