21 décembre 2007

Dans le firmament, la nuit passée



«(...) Les lampes s'éteignent une à une. Un arbre isolé. Passades des brises. Dans l'arbre un oiseau rêve, pépie. Une fenêtre reste éclairée. On tire un rideau rouge à l'intérieur. L'expressif monde nocturne : grillons, chouettes, crapauds; un renard glapit. Rien parfois : le silence, par miracle.»
- René Char, Trois coups sous les arbres,
Œuvres complètes, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983, p. 845.

Train ne nuit s'en va dans le bois et défoncera la nouvelle année loin des cliquetis du clavier. Merci à tous les voyageurs fidèles ou simples passagers qui me font grâce de leur présence ici dedans.

La vie ne serait pas la même sans vous.

Avant de tirer les rideaux, permettez que je raconte une petite histoire de Noël. C'est une vraie histoire, une histoire vraie.

À l'école primaire, beaucoup plus qu'au secondaire où l'usage se perd parce que les ados ont d'autres soucis et parce qu'ils ont tout un carrousel de professeurs sur le dos, il est très courant que les petits apportent un cadeau à leur institutrice au temps de Noël. J'ai moi-même enseigné en Louisiane et j'ai encore dans le garde-robes le support en bois vernis, avec une petite brosse à épousseter à l'une des extrémités, qu'un élève m'avait donné.

C'est en tout cas la pléthore de petits présents dans les écoles de la Petite Italie. Bouteilles de vin, crème anti-rides (!), fromage en grains, lunettes soleil, vrai de vrai, c'est le salmigondis selon la bourse des parents et, parfois, l'ingéniosité des enfants.

Justement, il y a le petit Rajidh qui vit à Parc-Extension, là où se trouve Un coin du ciel des plus cosmopolite, des gens pauvres et isolés, des logis délabrés avec coquerelles fournies et des souris dans la couchette des bébés...

La mère de Rajidh est seule avec sa marmaille. Ne parle probablement ni français, ni anglais.

Rajidh se trouve dans une classe spéciale composée en majorité d'allophones que le jargon pédagogique qualifie de DGA, pour dire élèves en difficultés graves d'apprentissage.

Tous les camarades de Rajidh avaient trouvé le moyen d'amener un petit quelque chose à la maîtresse. Ce pouvait être rien comme un exemplaire de la revue Réveillez-vous! Mais rien n'est jamais rien aux yeux d'un enfant de sept-huit ans.

Rajidh vit dans un milieu d'extrême pauvreté. Celle dont on ne parle pas à Montréal et surtout pas dans le beau Nous Nous québécois.

Rajidh n'avait rien à donner. Quand on dit : rien.

Puis voici qu'advient la fête de Noël à l'école. Il y a une kermesse, des jeux, le Père Noël, le vrai puisqu'il a une vraie barbe... Certains n'y croient plus et bavent un peu, mais à le voir, ça fait tambouriner l'imagination et les émotions.

Puis, la directrice fait le tirage d'un bas de Noël, un pour chaque classe. Des petites babioles, un casse-tête en bois, des smarties, des chaussettes aux couleurs de Noël, des chinoiseries pour faire plaisir, la Petite Italie n'étant pas Westmount.

On y trouvait aussi un petit verre orné de dessins de la saison avec une super-balle insérée dedans.

Le bon tirage au sort a voulu que Rajidh gagne le bas de sa classe! On imagine qu'il est super content! L'enfant déballe son présent et fait le tour de ce qu'il a entre les mains.

Au bout d'un moment, il va trouver son institutrice. Il lui apporte le petit verre de plastique. Voilà son cadeau!

Rajidh qui a si peu s'offre lui aussi le plaisir de donner.


L'institutrice mesure bien qu'elle doit accueillir ce don à sa juste valeur. Elle remercie Rajidh et lui dit : «Comme je suis contente. Dorénavant, tous les matins, je vais boire mon jus d'orange dans ton verre et je vais penser à toi. Merci beaucoup Rajidh.»

Cette petite histoire d'un brave garçon m'émeut beaucoup. Les enfants parmi les plus pauvres nous donnent des leçons de vie.

C'était ma petite histoire de Noël.

Je vous embrasse.

À l'an prochain.

Tchou! Tchou! Tchou! Tchou!

3 commentaires:

Karo Lego a dit...

Elle m'émeut aussi ton histoire Jack... et savoir un peu mieux de cette réalité non incluse dans le "nous nous" québécois, c'est essentiel... comme il est essentiel de savoir que nous avons notre palestine avec le peuple invisible. Qu'il faille donc tous les jours agir dans le sens de la vie, dans le sens du gros bon sens... et... (me v'là ti-pas que je voudrais encore sauver la Terre ;) je m'en vais de ce pas me confectionner un habit de super héroïne) J'espère que tu profites de la campagne et que tu t'en bourres la face à plein régime ! Une gorgée d'air de pur-hein ;) une bouchée de ti-oiseaux...

Anonyme a dit...

Salut à toi Jack, j'en profiterai pour lire ets archives ...
Bonnes fêtes de fin d'année.

Anonyme a dit...

Merci pour ce texte émouvant. Que ton grand cœur continue de rayonner tout autour en 2008 pour ta joie et la nôtre. Affectueusement,
Ginette