08 décembre 2007

L'Âge des ténèbres







Séance de 19h05 du premier samedi suite à la sortie en salles québécoises de L'Âge des ténèbres. Salle 1, archi pleine, au Cinéma Boucherville. J'ai adoré.

N'en déplaise à la kyrielle des critiques qui ont démoli le film et le réalisateur. «Film de trop», a-t-on pu lire en France. Film décousu dans Le Devoir de ce week end! Je nuance moi-même ce que j'ai pu dire chez marmelades (avant de voir le film) à propos de «l'argenterie» et de la grosse patente qui, je le craignais, rendraient le propos moins pertinent.

M'a fait penser à Fellini pour la magie. Écriture fine. Labrèche est épouvantable! Quel acteur de toutes les gammes. Les actrices sont belles. On rit. On pleure. On pense. Le stade olympique enfin consacré bête politique aux plus hauts sommets de la bêtise. La critique sociale est à double sens. À la fin, les images touchantes du Bas-du-Fleuve replacent l'imaginaire à sa source.

Scène d'une pomme pelée si lentement après l'avalanche du trafic de l'enfer quotidien.

Jean-Marc Leblanc, le personnage principal, dira que nous vivons un temps de désintégration. Ce faisant, je n'estime pas que ce propos rejoint la droite «lucide», comme je l'ai lu. Façon de dire autrement que nous sommes au coton! Puis il y a bien eu dans les journaux, l'été dernier, la manchette faisant état d'au moins 71 lacs contaminés dans la Belle Province! Entre autres!!!

Il y a bel et bien une sclérose, une amiantose, quelque chose qui cloche du côté du droit administratif, là où s'exerce le pouvoir discrétionnaire des fonctionnaires. Les fonctionnaires, policiers, professeurs, médecins compris, ou simples commis et agents, s'occupent de la prunelle de nos yeux, comme le dit Michel Chartrand, c'est-à-dire nos enfants, nos vieux parents.

Mais on rogne. Ou bien on niaise avec du feng shui pour remonter le moral des troupes!

Depuis la tache à Thatcher, le pouvoir politique en Occident trouve que l'État libéral a trop de gras. Et puis à gauche, qu'est-ce que l'on propose de radicalement populaire? Plus d'État pour le bien commun?

Nous avons tous une vie trop compliquée pour les dirigeants «socio-économiques», ces «efficaces» champions de l'endormitoire politique, ces conservateurs imbéciles qui «livrent la marchandise», mais à qui? Pour qui? Pourquoi? Pour faire rouler l'économie, comme le chantait Dédé?

Les solutions ne viendront peut-être pas de la politique, en effet. Ça me semble être un élément de réflexion et de désillusion persistant chez Denys Arcand.

Ma blonde aussi a adoré ce film. Plus que Les invasions barbares. Des spectateurs ont applaudi après la séance! Je ne vois pas cela souvent.

Ce film n'est peut-être pas parti pour gagner un Oscar. On s'en fout! Il a une facture à la fois très moderne et«trop» québécoise. On ne demande pas non plus au meilleur réalisateur québécois de frapper des grands chelem à tous les coups. Qu'il veille seulement au grain!

Le réalisateur de Gina est au jardin. C'est une grande chance que l'on a. Il nous montre un jardin, le remarquera-t-on, où une tête blanche de vieille est en train de biner, n'est pas, en tous les cas, emmurée à l'hospice...

Arcand se salit les mains et pousse une brouette de paille. C'est nécessaire, la paille, pour renchausser. L'hiver viendra. Le printemps vaincra imperceptiblement! Enfin, peut-être. Peut-être bien.

Photos officielles de l'Âge des ténèbres publées dans divers médias.

5 commentaires:

Anonyme a dit...

Moi qui n'avais aucune envie de voir ça ..!

Jack a dit...

Onassis, c'était pareil pour moi... Maintenant, tu es un cinéphile trois coches au-dessus de moi alors que pour ma part, je fais avec mon œil naïf.

Anonyme a dit...

Tu me flattes. Tu me surestimes. Tu te sous-estimes. Pas bon ça :)

Karo Lego a dit...

Moi je veux voir ce film depuis très longtemps. Quand on frappe comme ça sur Arcand, j'ai juste envie de m'ouvrir davantage à ce qu'il dit. C'est trop facile de lui chier dessus. Et ton image de paille et de charette est forte. Merci Jack pour ce billet lucide tout court. Du grand toi. Je vais voir si je ne pourrais pas trouver le film sur les tablettes des vidéos en France.

Jack a dit...

@Onassis : j'ai des collègues qui ont vu L'Âge et qui ont bien aimé, mais l'ont trouvé moins abouti que Le Déclin, par exemple. Voilà, chacun recompose, interprète à partir de ses expériences de départ. Or je ne crois pas te surestimer, je t'estime, tout simplement, à partir de plusieurs textes passionnés que tu as consacrés au 7e art.

@Carolinade, j'ai eu l'écho d'un jeune qui a trouvé le film désespérant, alors qu'à mon avis c'est plutôt un propos inquiétant sur notre actualité, certes caricaturée. Nous sommes au cinéma, après tout. Mais à la base, dit Arcand lui-même, il y a cette intuition que je trouve très
juste : la vie est difficile à supporter pour plusieurs d'entre nous. Les personnes vont s'inventer des moyens pour s'exiler dans le rêve, l'imagination, les changements radicaux d'ambiance. Il a ceux qui virent dans la dope ou voyagent «pour vrai» sur le globe, font du rock'roll dans leur garage ou bien jouent au hockey à 45 ans passés, à s'en péter le cœur, ou bien, comme dans le film, se mettent des écouteurs sur les oreilles, n'en finissent pas de converser via leur cellulaire, se cherchent le numéro gagnant dans des agences de rencontre, se payent des fins de semaine moyenâgeuses en jouant aux cavaliers et aux princesses. D'autres trip sur leur job ou sur le fric... Arcand construit ici, il me semble, une fable qui n'est pas désespérante sauf si l'on considère les ravages du relativisme dans les vies de tout un chacun, toujours tout seul ensemble, comme disait Félix.

L'image de la charrette et de la paille est tirée du film.