u es une lectrice aguerrie. Je te dois quelques explications. Il est vrai que les manuscrits dont j'ai tiré quelques instantanés sont en fait écrits au futur. Mais comme tu le constates avec ton œil de Louve, c'est un futur antérieur. Une chose cependant est à noter : il ne faut pas prendre au pied de la lettre le mois de janvier inscrit en bilingue canadien, en haut, à gauche. Cela est fait exprès pour confondre ceux qui ont pour mission secrète de mettre les écrivains dans des petites boîtes. À cette époque, pour écrire mes carnets pelés, j'utilisais les restants d'agendas cartonnés vert sapin du gouvernement fédéral. On les remplaçait alors massivement par les Quo Vadis à la mode qui sont d'une suffisance insupporta- ble : tout y est planifié d'avance! La liberté est nulle. La particularité des anciens agendas que j'ai sauvés de la poubelle, le recyclage n'existant pas à l'époque, est qu'ils sont universels: les jours se suivent sur chaque page, puis sont suivis à la fin de quelques pages libres coiffées de la mention «NOTES» en bleu. Mais l'année est duty free (excusez-moi, Miron). J'adore ces cahiers. J'en ai une dizaine. J'y ai piqué ma plume emballée en me crissant royalement du jour et de l'heure.
Or vers le 13 août 1986, à 13h00 de l'après-midi, je revenais tout juste d'un voyage en France. Je m'étais entiché là-bas des romans de Hubert Aquin, l'illustre inconnu. Ma vie basculait alors. J'avais l'âge du Christ et dans mon froc, Cuba me faisait pâtir de bord en bord alors que le Lac Leman descendait en flammes dans ma révolution pathétique. Je venais d'arrêter la cigarette et pesais 225 livres. Cela explique l'hésitation manifeste de mon écriture. Les ratures! Les ratures! Mon ancienne blonde m'avait sacré là en me traitant de gros revolver éteint.
Ces écrits seront un jour prélevés parmi les croûtes d'indépendance de notre pays. Vers le 13 août 1986, je gagnai Acton Vale, la porte des Cantons-de-l'Est, puis je revins un peu sur mes pas, à St-Liboire, par la route serpentée. Question de semer mon suiveux du SCRSS. J'écoutais à tue-tête une cassette d'Édith Piaf. Le jour où la pluie viendra... En janvier 2015, la neige sera peut-être noire réglisse. Et moi, j'aurai écrit noir sur blanc quelques imprécations malgré ma pauvre bibliothèque qui tiendrait dans la valise de mon char. Au fait, je n'ai plus de char depuis ma condamnation pour outrage à Sa Majesté. Je ne ronge plus mon frein. Tant mieux. J'ai tout mon temps pour la révolution.
3 commentaires:
janvier 2015 ou... août 1986?
u es une lectrice aguerrie. Je te dois quelques explications. Il est vrai que les manuscrits dont j'ai tiré quelques instantanés sont en fait écrits au futur. Mais comme tu le constates avec ton œil de Louve, c'est un futur antérieur. Une chose cependant est à noter : il ne faut pas prendre au pied de la lettre le mois de janvier inscrit en bilingue canadien, en haut, à gauche. Cela est fait exprès pour confondre ceux qui ont pour mission secrète de mettre les écrivains dans des petites boîtes. À cette époque, pour écrire mes carnets pelés, j'utilisais les restants d'agendas cartonnés vert sapin du gouvernement fédéral. On les remplaçait alors massivement par les Quo Vadis à la mode qui sont d'une suffisance insupporta-
ble : tout y est planifié d'avance! La liberté est nulle. La particularité des anciens agendas que j'ai sauvés de la poubelle, le recyclage n'existant pas à l'époque, est qu'ils sont universels: les jours se suivent sur chaque page, puis sont suivis à la fin de quelques pages libres coiffées de la mention «NOTES» en bleu. Mais l'année est duty free (excusez-moi, Miron). J'adore ces cahiers. J'en ai une dizaine. J'y ai piqué ma plume emballée en me crissant royalement du jour et de l'heure.
Or vers le 13 août 1986, à 13h00 de l'après-midi, je revenais tout juste d'un voyage en France. Je m'étais entiché là-bas des romans de Hubert Aquin, l'illustre inconnu. Ma vie basculait alors. J'avais l'âge du Christ et dans mon froc, Cuba me faisait pâtir de bord en bord alors que le Lac Leman descendait en flammes dans ma révolution pathétique. Je venais d'arrêter la cigarette et pesais 225 livres. Cela explique l'hésitation manifeste de mon écriture. Les ratures! Les ratures! Mon ancienne blonde m'avait sacré là en me traitant de gros revolver éteint.
Ces écrits seront un jour prélevés parmi les croûtes d'indépendance de notre pays. Vers le 13 août 1986, je gagnai Acton Vale, la porte des Cantons-de-l'Est, puis je revins un peu sur mes pas, à St-Liboire, par la route serpentée. Question de semer mon suiveux du SCRSS. J'écoutais à tue-tête une cassette d'Édith Piaf. Le jour où la pluie viendra... En janvier 2015, la neige sera peut-être noire réglisse. Et moi, j'aurai écrit noir sur blanc quelques imprécations malgré ma pauvre bibliothèque qui tiendrait dans la valise de mon char. Au fait, je n'ai plus de char depuis ma condamnation pour outrage à Sa Majesté. Je ne ronge plus mon frein. Tant mieux. J'ai tout mon temps pour la révolution.
Au fond, c'est une histoire très simple.
Ai-je répondu à ta question?
18/2/08 21:44
tu y auras répondu d'une façon plus qu'imagée.
1986...entre l'ombre et le feu.
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