29 juin 2008

La brosse du samedi








Revenu du jazz autour de minuit en passant
côté-cour, ou plutôt non, je suis redescendu par derrière avec le chien pour ses derniers besoins, et là, j'ai eu tout de go un coup dans le museau, doux et agréable : ça y est, on a le tilleul en fleurs! En tout cas, il fait papillonner ses effluves dans l'air de la nuit qui couve l'orage.

Cette poudre du jeune été me renvoie immanquablement aux vers de ce cher Arthur :

«Ce soir-là,... vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade...
On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.»

***

Des cafés éclatants, je ne sais trop. Mais toujours est-il que vendredi soir, Norm craignait un peu d'avoir convié ses collègues et amis au Sky pour marquer le coup de son envolée vers la retraite. Haut lieu gai-luron de la planète village, je n'ai jamais vu à Montréal plus belle terrasse, relax, remarquablement fleuries, jouquée rue Ste-Catherine entre l'enseigne de Molson et celle de TVA. La petite vie amusée, vue autrement.


***

Reçu de Noé Poèmes du traducteur de Michel Garneau (L'Hexagone, 2008).

- Tu ne l'as pas déjà, j'espère?
- Non. Puis du Garneau à la maison, même quand il parle de la lune, c'est toujours comme un soleil.


Si je saisis bien la démarche, marchant à pied justement dans les talles de Cohen pour les traduire, en parallèle, en écho plutôt et en correspondance libre, Garneau a tenu ses propres déclivités poétiques, sa propre business.

Je tire au hasard (tout à fait) un extrait, page 133, qui va comme un gant avec le propos de ce jour. Mais avant, suivons les fils subtils.

Sur sa table et dans sa tête, le traducteur est donc d'abord en train de mâcher ici «The Mist of Pornography»; il proposera «Le brouillard de la Pornographie», qui se trouve dans Livre du constant désir (L'Hexagone 2007), de Cohen, page 106. Là, c'est complètement du Cohen, il a 57 ans, parle de la vie à Los Angeles; il raconte qu'il bave sur les hanches un peu garçonne de «la plus belle fille de la gauche religieuse / pour aller avec ses lèvres / au lieu désoleillé»

Déjà, ce petit bout du drap ferait notre journée. Mais voici, comme en négatif ou en surimposition, au sens de la magie de la chambre noire du poète, le ratoureux Garneau donne à lire «La Business», page 133 donc :

«J'ai dix sept ans et je suis à New York
en état d'errance émerveillée
& si innocent que je bois à Harlem
& me promène la nuit dans Central Park
& dans les clubs homosexuels
qui ne sont pas encore gais mais bien amusants (...)
en fait je cherche désespérément une fille
mais les filles de mon âge ne sont pas
dans la nuit où je suis....»

***

Au Sky où le port des verres fumés est de mise, je me suis prêté de bonne grâce au jeu de cette espèce de bunny hop du Gold Slagger, boisson rince-bouche incolore pour adultes, qu'on n'avale pas sans avoir étiré dans toutes les directions le potentiel de la cannelle, de gauche à droite, dans les bajoues, puis on se gargarise, puis on fait entrer un petit corridor d'air, ça paraît compliqué, comme ça, mais c'est aussi facile que la danse des canards, et là, au signal donné sur la table, on fait en gagne trois sauts en avant, on boit cul-sec, ce qui vous ouvre le chemin pour au moins cinq bières froides en ligne pour le reste de la soirée.



Clquez sur l'image pour voir, derrière moi, les belles filles qu'il ya au Sky! (Photo Steve)!


Bémol: ils ont de la bière ordinaire. Même pas de St-Ambroise.

Voici que quelqu'un fait atterrir sous mon nez une banale assiette chaude de Nachos, bordée de trois sauces-trempettes qui dansent la salsa, dont une plus douce, une verte aux avocats que je vais attaquer à grands coups de pelle. Je n'aime habituellement pas du tout snacker aux Nachos. Mais je n'ai pas bouffé de la journée! Et je me fous d'apprendre que c'est G. qui a commandé ce plat, il est en conversation à l'autre bout de la table, ne semble pas prêt de revenir; je crois qu'il a voulu être blod en payant la traite... Une seconde assiette circule plus loin entre les pichets.

Je fais le goûlou, j'en mange plus de moitié, c'est extrêmement pimenté. J'adore la vie pimentée! Mais, petite nature, j'en paye le prix, le lendemain.

Un spécialiste qui m'a déjà filmé les intestimables jusqu'à ce que je hurle (calvaire, c'est pas endurable!) a conclu que j'avais un ulcère non cancérigène. Lorsque je lui ai fait part de mon hypothèse des épices, il m'a envoyé paître avec une prescription de suppositoires en disant que c'était-là une histoire de grand-mère.

Mais moi je sais que si je prends une brosse aux piments... Toujours est-il que je suis revenu à trois heures du mat et qu'à sept-heures, dans le brouillard qui n'avait rien de pornographique, j'étais sur le trône en urgence, et je passe par-dessus les détails.

Après, on a plus aucune envie de se recoucher. On a plutôt l'idée de commencer le ménage du samedi, de débuter pas la salle de bain! Ce que je fis. Il faut être ouvert à la surprenance, je ne cesse pas de me le répéter. Mais quand c'est une tuile, une tuile niaiseuse!

La tuile, la voici : en passant, tournoyant la brosse dans le renvoi du bol, le manche me reste dans les mains! Bon, je plonge, je sens l'affaire. Mais je n'ai aucune prise. Le plus je farfouille, le plus ça descend plus loin... Broche, ciseaux, rien ne marche! Jusqu'à ce que je réalise que c'est une câlice d'affaire pour un samedi matin fatigué et en chiasme!

Dans mon appart, il n'y a pas deux toilettes! Je commence à jongler sur des moyens d'évacuation alternatifs, au cas où. J'essaie à nouveau. Je ne sens quasiment plus rien. Sinon la fatalité. Alors, je me dis que la gnochonnerie d'objet à la fois dur et mou va finir ses jours dans la grande mare. Pas le choix, je tire la chaîne. C'est pas vargeux. Je décide d'actionner manuellement en versant à répétion des chaudières d'eau bouillante... La moitié du réservoir peut-être. Rien!

C'est un Monsieur Plumbec qui est arrivé vers onze heures trente. Chanceux de l'avoir. On est SAMEDI! Un colosse. Qui use de la force raisonnable. Mais même en ayant démonté cette cuve essentielle qui n'a pas le droit de faire la grève ou de tomber malade, il n'y arrive pas et sue à plein front. Il ouvre d'une raideur la fenêtre. «ll n'existe pas d'outils pour ça», me dit-il en cassant le français. Il emprunte ma scie à fer. Rien. Tourne, retourne la cuve. Il me fait monter l'arrosoir sur le balcon. Avant, il a soudainement l'idée d'aller chercher une torche dans son camion... La flamme ne tient pas dans l'exigüité du trou...

Après une heure de faux caillages, M. Plumbec, qui se parlait à lui-même, a fini par faire un peu rapetisser la pieuvre de nylon et ainsi, l'extirper!

Shit! C'est une brosse qui m'a coûté deux cent piastres!

Photos : jd.
J'ignore le nom de l'auteur de la photo originale de Garneau-Cohen sur la couverture du recueil que j'ai reprise ici.



1 commentaire:

Pierre Boudreau a dit...

Salut Jack
je lance ça ici parce que je n'arrive pas à avoir ton adresse spécifique.
merci pour l'erratum spectaculaire sur mon blog Slam Pierre Boudreau
j'ai vraiment mal lu ou mal compris
l'origine de la citation dans Train de nuit l'an dernier
pas Yann Perreau mais bien toi
j'ai rectifié
merci de ton appui.

Pierre Boudreau