Je croyais cette vidéo évaporée ou bourrée d'accidents. Je tombe dessus, et ça tombe bien puisqu'il s'agit d'une brève visite au petit cimetière perdu de mon patelin, de confession baptiste selon mon sentiment et parce que le toponyme original Bethany (repris en 1962 sous le nom de Béthanie en remplacement de Saint-l'Enfant-Jésus d'Ely) aurait un lien avec les missionnaires baptistes installés dans les parages fin XVIIe siècle.
Quoi qu'il en soit, la communauté de fidèles était d'ascendance anglicane ou protestante épiscopale selon mes recherches plus récentes fondées sur les sources bibliques du psaume que je citerai plus loin.
Ce lieu de sépulture à l'ombre des pins majestueux est de nos jours abandonné. Mon cousin Aldège, qui vient de décéder, l'a entretenu, l'été, pendant des années. Le petit carré de foin précédant les pierres tombales n'en valait pas la peine. Il fut laissé à lui-même jusqu'au jour où l'on installa une barrière neuve avec une inscription. Tout cela a fini par être à nouveau avalé par le temps et la nature.
L'an dernier, parce que j'avais mémoire de son existence, j'ai repéré puis relevé à grand peine la lourde barrière de métal en treillis littéralement entortillée et recouverte par les hautes herbes de l'entrée.
En somme, très peu de personnes, même dans le voisinage immédiat, connaissent l'existence de ce minuscule cimetière «anglais« typique des Cantons-de-l'Est, non visible du chemin, camouflé par des arbres matures, denses, rois et maîtres.
Pour ma part, je connais cet oasis depuis toujours puisqu'il fait une brève parenthèse entre ma terre et celle de mon voisin, au sud, vers le village. C'est un lieu d'enfance chargé de mystères et de tranquillité, de bébés morts-nés, de cerisiers surtout, d'où pendent des grappes rouge noire qui rendent la bouche pâteuse et les dents sales, à peine un peu de chair autour des noyaux qu'on mitraille ensuite par terre.
L'œil averti pourra apercevoir les vestiges d'un tracé rectangulaire de pierres, bien droit, sur lequel était érigée jadis une «mitaine», disparue sans doute depuis les années 1930-1940.
Aujourd'hui, les cerisiers sauvages si éphémères mais si têtus y font encore la noce.
On compte tout au plus une douzaine de monuments. Sur certaines pierres délavées, rendues muettes, les lettres se sont complètement effacées avec le temps. Les lettres meurent aussi. Les écrits restent? Mais voyons : pas chez nous.
La plupart des défunts sont d'origine irlandaise comme les Norris, pour prendre l'exemple le plus typique. Leurs descendants sont toujours parmi nous, nos voisins et amis. Normand, un gars de mon âge, est l'un d'eux. Il exploite la ferme familiale à trois maisons de chez moi. Bien, il ne connaissait pas l'existence du cimetière où se trouvent pourtant ses ancêtres!
Une fois, lors d'une conversation avec Nina, j'avais cité de mémoire un psaume qui est encore très lisible sur une des pierres les plus récentes (1923), celle de M. Larivière. Nina m'avait prié d'en vérifier la teneur exacte. C'est dans cette optique que le 2 septembre 2007, avant de revenir à Montréal, j'avais fait un arrêt en tâchant de récolter les lettres avec ma caméra. Bien que cela ne paraisse pas, j'avais le chien entre les pattes; il m'accompagnait, puisque nous rentrions, et il ne voulait rien savoir! Il avait vraiment la frousse, la queue entre les jambes, c'était la jungle pour lui, je ne sais trop, peut-être voit-il les esprits, tirant sans cesse sur sa laisse pour rebrousser chemin... Craignant que Lucky s'échappe, je me suis donc exécuté à la caméra d'un seul trait, sans reprise. La qualité du document n'est pas très bonne d'autant que j'ai perdu 20 secondes au «montage».
Références complémentaires:
- Le Canton d'Ely (Valcourt surtout)
- Quelques repères historiques des Cantons-de-l'Est
4 commentaires:
Très cher Jack, me voilà bien touchée par cette recherche qui vous aura menés, Lucky et toi, dans la jungle des mots qui ne meurent pas.
Pleine de bon sens cette phrase. Je la porterai jusqu'à mon dernier sou...rire.
Merci à toi
Il est vrai que les amis mots de la jungle nous transportent au-delà de nos os...
Dommage de n'avoir pas immortalisé votre passage rue Ste-Claire avec quelques photos. L'idée m'a traversé, puis je suis resté assis dans le moment présent... Merci pour le sel marin et le poivre : j'écris ceci tout en croustillant; grand merci également pour la Benoîte couleur miel et or qui roupille bien au frais dans le frigo. Pour ma part, parlant de bon boire, loin loin des vulgates du Livre des prières, j'ai aimé découvrir en si bonne compagnie ce petit blanc italien plein de soleil du nom de ca'Rugate. À la prochaine fois.
C'est vrai. C'est triste que nous n'ayons pris aucune photo de cette belle soirée. Il aurait fallu croquer quelques uns de tes doigts se promenant sur l'acordéon...
Nous avons certes apprécié le lapin chaud sur la terrasse, le beurrier caché dans l'appart (smilz), les vins et les mots, le pain et les notes rosées, le vent doux de l'est. Moments uniques et précieux. Moult mercis.
Faudra fabriquer d'autres souvenirs bientôt...
Oui, apprendre à tellement compter nos nuits pour que nous en puissions avoir un cœur libre...
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