12 janvier 2009

Archaic Poet... Ça sent la bière!


Learning to keep silent is a difficult
task. To place Art anonymously at
the Earth's altar, then to scurry away
like a wounded animal, is the most cruel
test-piece. A proud maker, I have waited at
the temple doors for praise and argument.
- Dealalus , The Maker

Thomas McCarthy est un poète de ma génération, an Irish, man. En regard de la « vocation du poète », que cela soit dit avec des pincettes, Thomas mentionne quelque chose qui me frappe, ce qui est normal venant d'un Irlandais : "people have dreams and fantasies about the literary life, but in the end of the day it is, actually, an incredibly personal and private triumph".

À cette jouissance intime se tresse un autre brin de pensée lui-même plus entremêlé, peut-être traîne-t-il dans la berlue des émotions de la tribu ? Reste qu'il faut bien délimiter. Cela rejoint aussi, à mon sens, la douce et belle Madeleine Monette lorsqu'elle affirme par une autre voie que l'écrivain se définit tel dans la mesure où son écriture se place dans un rapport public.

Du côté de la poésie, on comprendra par ailleurs que cela ne se traduit pas souvent par des cotes faramineuses et des feux d'art éternels style Rimbaud. Thomas pense que les poètes doivent accepter que leur travail demeure plus ou moins confidentiel, "but you can't stop. You must keep doing it (...) You can't fabricate responses to your work, all you can do is do your work and hope for a response. You can't be your own public relations agency as well as a writer. You have to let the work find its own reader and it will eventually find a few constant readers."

Irish.com, 12 janv. 2009.


Maker : Archaic A poet.

Miron : « Et toi, archaïque Miron...»


***





15 commentaires:

Anonyme a dit...

mccarthy est dans le juste et madeleine fabule.
l'écriture est une activité solitaire.
la lecture est une activité solitaire.
ce prétendu "rapport avec le public", c'est la prostitution moderne qui l'a inventé et les putes qui tapinent pour une pincée fadasse de gloire médiatique ou autre.
la réelle jouissance est dans l'acte, sans aucun conteste. (triomphe est un mot trop chargé, du moins en français)

connais-tu le texte "so you want to be a writer" de hank bukowski, jack?
je peux te le copier-coller si tu ne l'as pas.

Jack a dit...

gmc,je n'ai pas écrit « rapport au public », mais bien « rapport public ». Ce qui n'a pas du tout le même sens.

Madeleine qui aime tant cela ne fabule donc pas tant que ça pendant que Thomas serait dans le mille : les deux, à mon avis, se rejoignent en mettant le doigt sur ce que je crois être le propre du littéraire, à savoir que la chaîne des auteurs et des lecteurs, pour reprendre une belle image d'un autre écrivain, Windsor Klébert Laferrière (alias Dany), ne se forge (en solitaire des deux côtés effectivement) que parce que nous sommes dans un rapport nécessairement public, au sens de la mise en commun du sens (commun comme dans communauté, communication...), et non pas privé, voire pur soliloque.

Christian Mistral (Vautour) m'a déjà dit connaître des écrivains qui n'écrivent pas. Cette remarque m'avait frappé et j'ai réalisé qu'il disait juste, qu'à la racine des êtres de langage (et de rêves) que nous sommes, ce phénomène peut exister. Le grand Miron s'est fait prier pour publier, au fond, un seul livre, l'Homme rappaillé. Mais s'il est question de délimiter, comme je l'écris, un écrivain se prétendant tel et ne nourrissant pas une quête strictement personnelle, aussi talentueux soit-il, s'il fourrait tous ses travaux dans le fond de ses tiroirs, s'il ne nourrissait aucune envie de laisser échapper ses oiseaux à l'air libre, alors il ne se trouverait pas dans un rapport où la parole peut voyager diversement et nous atteindre au vol, nous transformer parfois, incluant en retour l'auteur lui-même. Ce désir (de vie, de dialogue) est indépendant du registre de la célébrité, comme le souligne Thomas. C'est un désir viscéral, c'est comme la libido.

Même les fantômes absolus qui ne se sont jamais montrés le nez qui voque par choix ou par obligation, genre Réjean Ducharme (un fabuleux écrivain, vraiment, lui, il fait bulles), même ceux-là occupent un espace public littéraire majeur.

Mon point de vue n'a donc rien à voir avec le marché, le positionnement, le vernis de la renommée,le minouchage et les guiliguilis dans le bon sens du poil de la mode du temps, des médias et « du » public.

Anonyme a dit...

mea culpa, fatale distraction...

"la mise en commun du sens": pour pouvoir parler de cela, il faut aller jusqu'au bout du langage et voir ce que l'on y trouve (dans le lankavatara - Vème s.-, on trouve ceci "toutes choses sont libres du langage", c'est fou ce qu'une simple phrase peut dire en si peu de mots)

"C'est un désir viscéral, c'est comme la libido. " croit-on peut-être un court instant avant la fonte des paupières

selon toi, quelle différence existe-t-il entre écrivain et poète?

(tu veux le texte de bukowski? il est assez court)

Jack a dit...

if it doesn't come bursting out of you
in spite of everything,
don't do it.

Je connais ce texte, gmc. Trés Inspirant sur le plan personnel, mais assez moraliste, au fond, en traçant pour quiconque une barre en-dessous de laquelle point de salut si l'on déroge ou si le feeling parfois est blême et chevrotant? Je nuancerais quelque peu. L'exigence personnelle d'authenticité dans le « métier » et dans la « vocation » est une chose. L'universaliser ne donne pas grand chose à mon avis. Mais il faudrait avant tout situer le contexte de ce poème que je ne connais pas.

J'aime bien pour ma part le côté populaire, bigarré, créatif et sans prétention de la poésie, tel que rapporté, par exemple, par un Richard Desjardins lors de ses voyages en Amérique du Sud. Il y remarqua la spontanéité et l'engouement des cafés, clubs de poésie, etc, alors qu'ici, je parle du Québec, il y a tant de timidité, de restriction, de posture empesée, ou, au contraire, de « caca de taureau » pour dire comme Michel Garneau... Or quand un grand comme B. décrète la pureté et l'absolu de l'acte d'écrire, ça me rejoint directement parce que je sais ce qu'il a en tête, mais je n'en ferais pas une montagne. Je garderais cela pour mes prières et ma conscience .

Jack a dit...

« selon toi, quelle différence existe-t-il entre écrivain
et poète? »

Il y a plusieurs contextes possibles, dont celui où il n'y aurait pas de différence.

Au sens étymologique, poiêsis est chargé d'un sens technique et matérialiste très fort de l'ordre du faire. Chez les Grecs (plus Aristote que Platon très décevant sur le sujet), il me semble ici qu'on est très loin de l'ontologique et du tellurique.

De nos jours, on peut parler de la poësis en termes de fondement du devenir soi ensemble (position du philosophe Jean-François Malherbe). Crissement (vachement) intéressant comme perspective. C'est le deviens qui tu es de Nietzsche.

Dans mon lexique, l'écrivain, c'est le « scribe », du latin « scriba »; c'est le grand « secrétaire » de la tribu des mots, cher mal armé.

L'écrivain n'est pas nécessairement poète, et les poètes ne savent pas ou ne veulent pas tous écrire... Il y a, c'est courant, des enfants lumineusement, dramatiquement poètes.

Je dirais aussi que le regard de l'Homme, son interprétation du monde si tu préfères, déplace souvent des montagnes ébranlées au contact de la poésie du monde, de la nature, de l'esprit même si tu veux, des éléments premiers, feu, eau, air, terre. Je pense ici à Bachelard.

Fort du tournant linguistique en philo au XXe siècle, sur le plan des compartiments classiques en genres littéraires (romans, poésie, essais...), ces derniers furent contestés âprement dans les années 1960-1970 par les Barthes, Derrida et cie au profit du texte multiforme, métissé, disséminé, de l'éclatement de la structure, et plus tard, de l'hypertexte et de l'intertexte.

Reste que depuis belle lurette,le poète va généralement utiliser la forme du vers (qui veut dire sillon, labour) alors que l'écrivain (journaliste, professeur, philosophe, essayiste, romancier..)va se «contenter » d'être plus « prosaïque » et plus « respectueux » de la ponctuation! Haha! Jajava!

Mais si la poésie est un oiseau qu'on ne peut pas encager, toujours rendue ailleurs alors qu'on la pensait ici, dans le fatras des émotions et des pelleteux de nuages, si la poésie se moque bien de la poésie comme disait Pascal,qu'est-ce qu'un poète, en effet?

Piquant une définition à je ne sais pas trop qui que je ferai mienne pour l'instant, Garneau, Michel, dit : un poète, c'est un bonhomme qui fait de la poésie.

J'ajouterais peut-être un petit segment à explorer qui a été formulé par plusieurs avant : le poète est proche de la pensée, du philosophe donc, en raison de leurs capacités communes d'émerveillement. Il n'est pas loin non plus du mathématicien puisque l'un et l'autre occupent les deux pôles de la pensée.

(...)

jd

Anonyme a dit...

merci pour toutes ces infos, jack.

il y a des points sur lesquels je jette un oeil différent, notamment tout ce qui concerne le domaine dit philosophie où la négligence et le sérieux l'emportent largement sur le fun et l'impitoyable.
(sauf justement dans certains cas marginaux comme bachelard, fort peu nombreux)

mais, bon, on s'en fout, je peux torpiller tous les philosophes du monde et leurs exégètes, ça ne les empêchera pas de continuer à radoter leurs misères.

"deviens qui tu es" c'est de friedrich, tu es sûr, ce n'est pas une resucée de l'antiquité?

et puis, aucun physicien ne sait ce qu'est le temps, donc l'idée même de devenir....

pour les "chapelles" poétiques, t'inquiète donc pas, on a les mêmes ici, en pire, plus le côté "cultivateur de culture à la française", cette image de misère snobinarde et arrogante qu'on exporte tels des coqs velus.

bon, j'arrête, je vais encore radoter sinon

Anonyme a dit...

Entre autres :

Ecce Homo : Wie man wird, was man ist (Comment on devient ce que l'on est).

Le Gai Savoir : - § 270 : Que dit ta conscience ? « Tu dois devenir qui tu es. »

On trouve évidemment des traces parentes de cet aphorisme chez Socrate, Platon, Aristote, Pindare (« Genoio hoios esti », « Deviens qui tu es »... Mais le sens est radicalisé à coup de marteau : c'est un fondement, pour N. (définitivement, son nom a trop de lettres), mais au sens d'un flambeau dans la nuit de la pensée de l'homme qui renverse la monumentale notion de vérité, l'astre posé au-dessus comme un Souverain Bien, essence éternelle si prégnante encore de nos jours dans la pensée occidentale et de laquelle découlerait en pointillé notre existence. C'est anti-humain, pense N. C'est en forgeant...

Le temps est dans le temps (Jabès).
J'y reviendrai. Car un tapis usé témoigne du temps. La période mûre, appropriée pour entailler (les érables) ou cueillir les raisins aussi... Le devenir, voyons! C'est la liberté. C'est l'expérience fondamentale non linéaire. C'est la main du sculpteur, loin, loin du temps, c'est de l'argent. Mais il y a les « déterminismes historiques ». Mais il y a le hasard et la nécessité.

jd

J'y reviendrai. Peut-être pas.

Anonyme a dit...

"deviens qui tu es"

friedrich, il se résume à zarathoustra et, ce que contient cet ouvrage se résume à une phrase située en dernière page "c'est mon jour, c'est mon oeuvre...".
une fois vu (et non pas compris) ce qu'il a trouvé là, on peut refermer tout le reste.
(pour le voir, on peut faire un parallèle avec gilgamesh, le vieux que trouve gilgamesh sur l'île se lève-t-il en trépignant et en disant "chic, c'est à mon tour"?)

pour la citation, il faudrait la retourner pour en voir le sens, c'est-à-dire partir du principe que ce qui la regarde n'est pas ce qui croit la regarder (je ne sais pas si c'est clair, dit comme cela), ou encore, quelque chose comme cela "il n'y a de devenir que dans le recul"

pour la liberté, écoute donc ces trois minutes jusqu'à la fin:

http://www.youtube.com/watch?v=Sv813f2Xtrg#

j'ai un extrait d'hésiode aussi, tu le veux?

Anonyme a dit...

« aucun physicien ne sait ce qu'est le temps »

L'objet « temps » n'est pas facile à définir et nos représentations sont très lacunaires sur le sujet, d'autant plus que le temps nous est compté!

J'estime, au contraire, qu'on peut puiser une démarche critique en philo sur la question, non pas une définition. Mais c'est possiblement surtout en science physique qu'on peut « avoir l'heure » la plus juste et la plus à jour en lien avec le principe de causalité. Plus substantiellement, en tous cas, que si l'on reste collé à l'intuition commune.

Exemple : les travaux d'Étienne Klein. Le temps, dit-il est «quelque chose qui produit de la succession. C'est ce qui fait que chaque instant présent, dès lors qu'il est donné, doit disparaître pour être remplacé par un autre instant présent. Le temps, c'est ce qui fait qu'on ne peut pas rester dans le même instant. C'est le moteur qui pousse le maintenant pour lui faire traverser le présent.»

cf. http://www.letemps.ch/livres/Critique.asp?Objet=1690

jd

Jack a dit...

Pour, N., je suis loin pour ma part de vouloir fermer les livres. Les ai-je seulement vraiment ouverts à ce jour?

Vademecum-cadetecum
« Suis-toi fidèlement toi-même
C'est ainsi que tu me suivras... tout doux, tout doux. »
-- Le Gai savoir, §7, Gallimard, 1950, p.18.

Anonyme a dit...

la vie a de l'humour, pas d'inquiétude à se faire.

j'aime assez ce trait lapidaire "le temps, c'est le mouvement de la pensée; hors de la pensée, aucun temps" (le plus amusant dans ceci, c'est qu'à peu près tout le monde veut bien étudier le contenu - supposé ou présumé - de la pensée, mais jamais son mouvement...;-))

je connais étienne klein (et l'arrogance franchouillarde qui va avec - pas de sa faute, c'est le milieu qui veut ça - et qui relègue les grecs genre héraclite aux oubliettes sous prétexte que l'homo occidentalis a des talents - croient-ils - pour le bricolage

Jack a dit...

«Hors de la pensée, aucun temps », c'est présumer d'un espace clôturé, le nôtre, c'est aussi résumer à courte vue, à mon avis.

Et qu'est-que la pensée humaine en dehors du langage et hors les contextes multiples de nos formes de vie?

Les scientifiques, comme tous les autres chercheurs, i.e., nous tous à divers degrés, sommes conditionnés par ce que Gadamer appelle «la situation herméneutique de l'homme », à savoir que « l'être humain doit toujours en quelque manière participer à ce qu'il comprend » (Cf. Au Commencement de la philosophie. Pour une lecture des
Présocratiques, Seuil,158 p.)

Qu'est-ce que penser sinon interpréter?

En plus du présent et de nos préjugés, interpréter les Présocratiques, tel Héraclite, pose des conditions particulièrement difficiles et se présente comme une expérience de lecture exigeante marquée par la traversée de l'épaisseur historique : essentiellement, nous n'avons accès à cette pensée lointaine et orale que par le biais de Platon et d'Aristote. L'interprétation des interprétations. Cercles vicieux de l'interprétance, dira aussi Gadamer...

Ce travail philosophique complexe se fait bel et bien et est accessible à quiconque voudrait s'y aventurer.

Mais sur le terrain des vaches, scrutant les étoiles et la lune, je comprends que ton « franchouillard » de physicien ait d'autres cordes à danser en attendant que le train passe...

Anonyme a dit...

le mouvement, jack, pas le contenu présumé, le mouvement....

"«Hors de la pensée, aucun temps », c'est présumer d'un espace clôturé.."

oui et non

oui, mais pas présumer, plutôt constater (mais pas totalement cloturé)
non, c'est observer un paysage

"c'est aussi résumer à courte vue", lapidaire était-il précisé



pour lire les présocratiques et les comprendre, c'est très simple, il suffit de lire les oeuvres complètes de socrate d'où il découle ceci, une espèce de barrière infranchissable à tout être ayant une prétention à un truc vaniteux appelé intelligence:

"je suis un âne, mais depuis que je m'en suis aperçu, je n'ai pas rencontré un seul savant qui en sache plus que moi"

(je t'accorde que ça prend un certain temps de se voir et de s'accepter comme un âne ;-)))

donc, tu vois, c'est sans importance ;-))

Jack a dit...

« (...) pour lire les présocratiques et les comprendre, c'est très simple, il suffit de lire les oeuvres complètes de socrate d'où il découle ceci (...) »

GMC, Sōkrátēs n'a jamais écrit une seule ligne nous qui nous soit parvenue... Tu parles probablement de Platon.

Anonyme a dit...

non, non, de socrate...;-)