11 janvier 2009

Ingres à Montréal? Non! À Québec, peuchère!























Œdipe et le Sphinx (1864)




Texte de Jean-PaulDamaggio


Les Poèmes cannibales permirent de construire un pont public entre Montauban et Montréal. Je n’imaginais pas que six mois après un nouveau pont autrement géant allait relier à nouveau les deux villes. Il s’agit d’une exposition sur le peintre Ingres qui doit débuter en février au Musée des Beaux Arts de Montréal et qui se retrouvera cet été à Montauban. Pour présenter le sujet, j’ai tenu à écrire ce texte pour éviter les confusions.

(Cher J.P., je dois hélas te couper avant de poursuivre. Jean-Auguste Dominique Violon d'Ingres viendra bel et bien cet hiver, mais à pied sec à Québec et non pas à cheval à Montréal... Sur le site du Musée national des beaux arts du Québec on peut lire en effet : Ingres et les modernes Du 5 février au 31 mai 2009. (...) L’exposition, organisée par le Musée national des beaux-arts du Québec, et le musée Ingres avec la collaboration exceptionnelle du musée du Louvre, réunira une centaine d’œuvres (...). Autour de tableaux et de dessins d’Ingres, comme Le Bain turc, Madame de Senonnes et Œdipe et le Sphinx, se greffera une sélection importante d’œuvres modernes ou contemporaines. Ceci étant dit, ce n'est pas grave, let's go, let's snow!)


Ingres
côté « cour »…

Au début du Second Empire, Ingres est alors à Montauban, sa ville natale qu’il aima tant. Jacques Desmarais est obligé de se souvenir du Musée Ingres qui orne la ville. Quand il y arriva , il la traversa à pied et fut donc contraint, en traversant le pont sur le Tarn, d’admirer l’imposant Musée qui était autrefois l’Hôtel de Ville et qui était, avant la Révolution, le Palais des évêques...


(Hum... J.-P., je dois t'interrompre à nouveau. J'ai traversé le Pont Vieux, c'est vrai. Mais, je fus si impressionné par le pont en lui-même, vraiment vieux et génial avec ses arcs se mirant dans le Tarn, je n'ai aucune mémoire du Musée Ingres que j'ai par ailleurs loupé dans mes pérégrinations ultérieures à Montauban, la ville rose, mais pas la plus rose. Je suis un voyageur sans dessein. Par contre, je suis entré à l'église où sont accrochés quelques tableaux du Maître, «Notre Maître à tous», dira Picasso. Next time...)



L’événement donna lieu à un article où on découvre tout le côté «cour» du peintre qui se précipita chaque fois qu’il fallait honorer les grandes personnalités.

« Le 27 janvier 1854 monsieur Ingres acheva, à l’Hôtel de ville de Montauban, la décoration du plafond de la salle dite de l’Empereur. Le sujet est l’apothéose de Napoléon 1er ; le tableau est de forme circulaire et les figures de grandeur naturelle. Au milieu d'un ciel d'azur, on voit Napoléon, vêtu seulement d'une chlamyde, tenant le sceptre de la main droite et étant accompagné de la Renommée. Ce groupe repose sur un char d'or que guide la Victoire, au-dessus de laquelle plane un aigle. Au-dessous de cette scène aérienne apparaît un segment de la terre où se trouve le trône de Napoléon, vide et tendu d'une étoffe de deuil. A droite du trône est la France en deuil également et suivant de l’œil Napoléon vers le ciel, tandis que de l’autre côté Némésis s’élance avec rapidité pour renverser l’anarchie. Enfin, au loin et près de l’horizon marqué pour le nier, on aperçoit le rocher de Sainte Hélène. Ce tableau monumental va donner un nouvel éclat aux belles décorations de l’intérieur de l’Hôtel de ville. »

L’auteur, le jeune Pierre Baragnon (1830-1904), faisait là ses armes de journaliste de province, un journaliste promis à une grande carrière qui dut se régaler à écrire ces quelques lignes lui qui vivra longtemps en Turquie. Il s’installera ensuite à La Ciotat.


Ingres côté jardin

Le bain turc a été une commande du Prince Napoléon, un autre membre de la famille de Napoléon III, mais elle fut finalement achetée par l’ambassadeur de Turquie à Londres, celui qui emporta avec lui l’origine du monde de Courbet. Cette peinture entre dans l’autre face du peintre. On y trouve une abondance de nudités ! C’était l’époque où l’Orient érotique fascinait les artistes français ! Un temps bien surprenant quand on pense à « l’érotique » actuelle du Moyen-Orient. Ce tableau qui surprend, quand on le voit, par sa petitesse, vu tout ce qu’il contient, est comme le testament du peintre, la somme de tous les portraits de femmes qu’il réalisa, sauf que cette fois, il les dénuda. Bien sûr, il ne s’agissait pas d’une peinture destinée à un musée mais à un salon très privé d’un univers toujours très huppé. L’étude de la peinture démontre qu’elle a été construite par étapes successives pour aboutir, après un projet carré, à une peinture en rond, pour accentuer l’érotisme de la scène. Peut-être un rond de serrure !

Elles sont donc vingt-cinq femmes nues assemblées, vingt-cinq femmes de toutes les couleurs, de toutes les conditions et dans toutes les positions. Plis et replis de la chair donnent au tableau une sensualité sans égale !


Les érudits pourraient vous donner le nom de presque toutes les femmes visibles et bien visibles que le peintre, à l’approche de la mort, peut prendre le risque de montrer. Le simple amateur d’art que je suis, a envie de retenir seulement deux points : la femme au cœur du tableau dont on ne voit que le dos, et au premier plan, les outils du peintre qui manifeste ainsi sa présence. Tout est œuvre de sous-entendus. Le peintre est là sans y être et une femme montre l’essentiel, son dos ! Quant au détail il est soigné et tout l’art d’Ingres est sans doute dans cette obsession : surprendre le spectateur par un dessin minutieux et pas toujours orthodoxe, mais à jamais éblouissant.

Bien sûr, les deux Ingres n’en forment qu’un seul, mais la postérité qui a retenu « le violon d’Ingres » a surtout retenu le peintre des corps.

Jean-Paul Damaggio - 9-01-2009

***

Photo : Marie-France Durand. Jean-Paul et Jack, Café Cherrier, Montréal en Cannibales, oct. 2008.

Merci, J.P.!

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