07 janvier 2009

Les pierres et les cris!


























Malgré une courte nuit, un sevrage récent et radical de ma drogue préférée, le café, surtout l'expresso allongé d'Ali, le matin, plus les trois-quatre faits maison, plus le corsé du Café Dépôt à 15 h (oesophage au secours!), malgré la reprise du boulot et un fond de jarret lourd comme un vieux cheval qui regimba jadis dans les prés et les vallons (regimber, moi?), j'aurais marché comme ça avec le chien jusqu'à minuit dans c'te belle poudreuse sur les trottoirs moelleux de Tétraultville.

Le petit chien ramait loin derrière dans mes pas. Là, il est couché et il cille. Il est fait.

Tout ça pour dire que je me sens bien dans ce sapré beau neigeux désert. Mais comme le dit le professeur de droit dans Le Liseur (meilleur film à mon court palmarès en 2008 tiré du roman de Bernhard Schlink), ce n'est pas comment nous nous sentons qui importe. Les verbes d'état en recherche qualitative ne valent pas cinq cents. Ce qui compte, c'est ce que nous faisons. Ce que nous décidons.

Nous rejoingnons ici un Georges Auguste Legault, philosophe, éthicien, directeur du CIRÉA (j'en fais partie) qui insiste prioritairement dans ses écrits comme dans son enseignement sur l'action, c'est-à-dire sur la décision que nous prenons.

Nos valeurs, dit-il, c'est ce qui nous mobilise effectivement. D'où la
« posture » du pragmatisme épistémologique en éthique qui pose la question de fond : est-ce que telle décision permet de mieux vivre ? De mieux vivre ensemble ?

Dans le même sens, entendu la semaine dernière à la radio Serge Bouchard dire : au fond, notre langage est cheap, au sens ou il dit peu, il dit tout croche.

Peu ou prou utile, bourré d'accidents, d'émotions, interprété, filtré, le langage demeure tout de même le seul outil que l'humain possède pour faire circuler ses masques (au sens théâtral du terme) ou ses formes de vie (Wittgenstein) dans ses relations avec les autres.

L'agir, donc. Mais, bien entendu, il y a les soucoupes volantes, les ondes, les lavages de cerveau... Pas si simple, le bon sens.

Marcher. Comme tout à l'heure. Penser simplement (?) en marchant dans les cristaux, sur les eaux gelées... Se faire accroire qu'on est le bonhomme dans la chanson Le Labrador...

Neige et cristaux ? Ha! Ha! Les cristaux : il y a en a qui pense que ça redirige les énergies, que ça protège comme des paratonnerres. Ha! Les pierres et les cris. Les chakras, les auras et les aurathérapies.

Tenez, par exemple, l'améthyste : « Cette pierre est un doux calmant dans les moments agités de votre vie. Elle soulage l'insomnie et donne un sommeil plus régulier. » (Michèle Perras, qui a l'air à connaître l'âme, le corps, l'esprit, la matière et même l'invisible! En revanche, je ne sais pas si elle fréquente les sceptiques ?).

Il m'en faudrait un truck d'améthystes! Tu trouves ça où ?

Wikipedia ajoute, et c'est renversant :

« Jadis, elle était réputée pour combattre l'intoxication alcoolique, stimuler la créativité, la méditation et les rêves prophétiques. Elle permettrait d'annihiler les envoûtements d'un amoureux jaloux, d'éloigner les mauvaises femmes et les vipères. Placée la nuit sous un oreiller elle permettrait de lutter contre l'insomnie. En poudre, elle apaiserait les douleurs gastriques, améliorerait le fonctionnement du foie et guérirait les brûlures. »

Un truck d'améthystes vitrigonaux trapézoïdaux couleur vin coupé d'eau , s.v.p., pour que je puisse me remettre au café! Et dormir sur mes deux oreilles.

À part mon petit nombril, par les temps qui courent, si le langage peut servir à quelque chose, nous glisserions un peu sur la langue comme font les poètes parfois, pis nous commanderions un truck d'armistice, tout de suite, un truck d'armistice, à tout le moins une pelletée de cessez-le-feu pour la bande de Gaza où il se trouve des enfants pris avec des pierres et des cris, mais qui n'ont rien à voir avec la foutue justification politique de la violence. Ça va faire la « légitime » défense!

La violence ne se justifie pas sur le plan philosophique, disait Albert Camus.

Photo : Oeuvre de Serge Lemoyne, Trou noir (1998)

2 commentaires:

Anonyme a dit...

hésiode n'est pas d'accord avec camus, mais il n'est pas philosophe:

"C’est maintenant (l’âge des hommes) de la race de fer. Ils ne cesseront ni le jour de souffrir fatigues et misères ni la nuit d’être consumés par les dures angoisses que leur enverront les dieux. Du moins trouveront-ils encore quelques biens mêlés à leurs maux. Mais l’heure viendra où Zeus anéantira à son tour cette race d’hommes périssables : ce sera le moment où ils naîtront avec des tempes blanches. Le père alors ne ressemblera plus à ses fils ni les fils à leur père, l’hôte ne sera plus cher à son hôte l’ami à son ami, le frère à son frère, ainsi qu’aux jours passés. A leurs parents, sitôt qu’ils vieilliront, ils ne montreront que mépris ; pour se plaindre d’eux, ils s’exprimeront en paroles rudes, les méchants ! et ne connaîtront même pas la crainte du ciel. Aux vieillards qui les ont nourris, ils refuseront les aliments. Nul prix ne s’attachera plus au serment tenu, au juste, au bien ; c’est à l’artisan de crimes, à l’homme tout démesuré, qu’iront leurs respects ; le seul droit sera la force, la conscience n’existera plus. Le lâche attaquera le brave avec des mots tortueux, qu’il appuiera d’un faux serment. Aux pas de tous les misérables humains, s’attachera la jalousie, au langage amer, au front haineux, qui se plaît au mal. Alors, quittant pour l’Olympe la terre aux larges routes, cachant leurs beaux corps sous des voiles blancs, Aidos et Némésis, délaissant les hommes, monteront vers les Eternels. De tristes souffrances resteront seules aux mortels : contre le mal, il ne sera point de recours."

Anonyme a dit...

Hésiode, l'ancêtre des poètes, le premier ministère des Travaux et les jours. Ouais, mais, comment lui sortir les mots de la cosmogonie grecque?

jd