31 août 2009

The answer my friend is blowing!



« Si l'on exige que toutes les étoiles soient filantes
que tous les cœurs soient purs et les yeux pleins d'images...
Si les imbéciles font naître en vous des idées de meurtre
Alors,
devenez fous, le temps qu'il faut,
sans retenue... et laissez faire le Diable
ou Dieu,
celui qui veut bien encore s'occuper des pauvres enfants que nous sommes... »
— Bernard Dimey


Qu'elle est donc cette furie qui nous entaille à tout bout de chant?

Je me suis senti de plus en plus wouf wouf au pique-nique annuel qui se déployait au parc Lafontaine sous un ciel plutôt rébarbatif.

Oui, je travaille toujours à la même place!

Je me sentais en dehors du portrait, comme un radât dans le coin de son port.

Mes petites filles étaient en congé de l'école : elles m'attendaient de bonne heure. Tant mieux!

L'idée m'a traversé de tromper l'attente du bus toujours longue sur la rue Sherbrooke.

À l'heure des ivrognes. Connais-tu ce texte, cher ami féroce, de Bernard Dimey? On y trouve ce petit caillou luisant : « Y a-t-il moyen d'être chien chez vous? » C'était parfaitement ce sentiment-là qui se profilait à l'intérieur de moi comme de la buée dans les vitres le matin : à l'heure des ivrognes...

Toujours est-il qu'à deux heures tapantes le trop-plein des conversations amicales avec mes distingués collègues, entrelardé de disco au BBQ et de balles qu'on se lance, déborda du col de mon verre de bière en plastique! J'ai filé à l'anglaise. Crissé mon camp! Suis descendu à pied, au hasard, vers la Sainte-Catherine et ses ambulants.

Au hasard?

En tout cas, sans y penser, je suis tombé sur ton introuvable bout de rue La Fontaine.

Le brouillard n’est pas pire parce que là, j'ai fait un croche de gars un peu chaudasse, pis j'ai abouti jusqu'au seuil de ta porte, en face de l'hospice.

Dans la boîte aux lettres, j'ai vu un compte de téléphone. Me suis permis de tirer l'enveloppe... C'est alors que j'ai bien saisi que tu n'étais plus le locataire de ce logis-là!

Stie!

Bonne leçon de décalage horaire dans le froc percé de mes amitiés!

Que sont mes amis devenus, tabarnak!

Comment ça se fait que tu ne me donnes plus signe de vie?

Viens pas me faire croire que t'as encore sur le cœur c'te vieille épopée de Christelle, que tu rumines devant ton miroir de Taxi Driver, que tu barbouilles de ressentiment jusqu'à plus soif dans ton maudit crâne d'Irlandais? Hein?

En tout cas!

Une fois revenu chez moi, j'ai joué un peu avec les filles, j'ai mis en branle le souper. En catimini pour réserver la surprise, j'ai tranché des caramboles qui font comme des étoiles jaunes dans la soucoupe, puis j'ai semé au travers des quartiers de lune découpés dans un melon français. Au dessert, mesdemoiselles ont fait des trempettes dans la sauce au chocolat...

Après, aussitôt que j'ai eu un moment, j'ai rouvert le bottin téléphonique pour rechercher à nouveau ton existence, mon cher amigo!

C'est rendu tisons ardents de lire le bottin ou les petites annonces... Mes yeux s'éteignent, si tu veux savoir.

J'ai d'ailleurs perdu le goût de lire en général.

Je suis plutôt dans la peinture jusqu'au coude de ce temps-là!

On dirait que la patience me lâche au rayon des livres, au beau pays des charbonniers et des bonimenteurs.

Je n'arrive plus à trouver le feu de la voix des autres. C'est prétentieux, hein? Mais c'est pas mal ton style aussi, n'est-ce pas?

Au fond, je devrais dire franchement que je suis convaincu de me rendre compte du trou de vent que ça laisse dans le cerveau... Que c’est? Le fait de ne plus avoir d'interlocuteur valable pour parler.... de littérature.

À quoi bon les miroirs déformants des lettres capitales et les chambres d'échos intérieurs, les beaux couchers de soleil de miel dans la pensée et les gigues affreuses de la poésie s'il n'y a personne au bout de la ligne avec qui les partager?

C'est pour ça que je t'admire, mon ciboire!

Toi, tu as toujours signé : danger! danger! Pis achalez-moi pas!

Danger en politique attikamek, irlandaise, québécoise; danger la grève générale; danger Cohen, danger la boxe; danger souliers vernis et rimes pompier; danger les Denise empourprées; danger le bonheur; danger les bohémiens; danger la dynamite dans Encore une fin de partie pour Berri; danger, danger la franchise...

Danger, never mind!

J'ai fini par repérer ton numéro. Je j'ai souligné en rouge pour ne pas le perdre de vue.

As-tu remarqué qu'on a fait sauter le « Thomas » à ton inscription? Cette particularité ne ruine pas le moins du monde la certitude que c'est bien de toi qu'il s'agit : tu es le seul Grand Slaque répertorié dans tout le grand Montréal!

La dernière fois qu'on s'est parlé au téléphone? Il me semble que c'était à ta fête il y a deux, peut-être trois ans. Je t'avais pogné sur la slide. Je me souviens avoir cité un vers de Desnos qui t'avait plu sur la question de l'endormitoire. Puis, je t'ai lu ce petit texte composé à la taverne de la rue Lajeunesse où tu m'emmenais parfois. Nous étions ensemble le jour où j'ai griffonné ça.

Est-il vrai que ça te rappelle ton ancienne flamme?


Le poisson ganté

Catherine la Noire se hérisse
Place Fantôme, le vice clapote
Et pourtant nos nuits sont si pures
Bars relish, escaliers moutarde
Oratorio pour écrivains obèses

Églogue et monoplace
pour un ami qui ronfle

Cheval-arçons pour mon détroit cockpit
pick-up qui griche sur Ontario

Bocks renversés
entre les craques de l'éternité

chants libres des petits kids
qui reniflent dans le parc,

désossent les feux de brousse

Catherine la Blanche tétras-lyre
la chute en frogue

Place Fantôme,
la marge frise l'aube

Et pourtant nos nuits remuent au futur
miettes de sport illustré
colt gris pour songes invendus

Oeil de chien
pour un ami qui pleure

Histoires de pêche pour mon cerveau fictif



Bon! Increvable et fin seul, tu es tout droit descendu des Fous de Bassan! Comme un mackinaw qui claque au vent aurait dit notre ami Alfred... Alfred en fauteuil roulant honoré par l’Université et qui dit : il est rare qu’on soit prophète en son pays... Oui, c’est ça, empester le prophète à l'heure des ivrognes et jusqu'aux nuages gris filant au-dessus du cimetière de St-Élie d'Orford. Qui croira que nous avons manigancé avec le poète dans une maison pleine de voix, de mots chalumeaux, rue Champlain, à Sherbrooke? Qui imaginera que nous écoutions à la chandelle Nuit et brouillard? 

D'accord, je raccroche pour toujours. 






2 commentaires:

gaétan a dit...

Simonak! Ça fesse à matin!

Jack a dit...

E... j'espère que ça n'assomme pas...