30 octobre 2010

L'or d'octobre


Je signale dans Le Devoir d'aujourd'hui un rassemblement de mots de toile de fond dans la boîte à bois de ce pays, signé de mémoire et de la main de Jean Royer.

En dessour de ce grand pan de la poésie d'amour frondeur au doigt coupé qui dit non dans la ville aux trottoirs désertés, nombrils humides éparpillés en tas dans la savane de l'enfance, petits casseaux troués de rage, douleur, feux de bonhommes politiques au bord des fossés, paroles aux pattes cassées dans le silence, paraboles, cordes, carabine, jeunesse, espoir, chiard, bran de scie, pour rien, éclaboussures, charabia de panaches incendiés à l'hôpital des combattants, retour, vieilles feuilles mortes par en dedans, orgueil, cheveux exilés qui claquaient « comme des drapeaux », résistance du déserteur, « mackinaws qui claquent au vent », puis le calme apparemment, le respir, la solitude soulignée au crayon rouge dans les os, la pluie « qui bafouille aux vitres », les batailles rangées pour l'année prochaine, les injures officielles, les notes de service, un oui égaré sur la glace sourde, soûle, mais belle comme la mer, ciboire de calvaire de crapauds qui chantent, labours à finir, poèmes qui piquent, ardeurs qui picossent, bières froides, replis, repos, marche marche marche donc encore, sueurs noires, éclisses, échardes dans le cœur, perles jetées aux cochons, chiures de mouche sur le cadre de porte de la cabane au Canada, « taches de graisse sur la conscience », mains nues dans la brume de l'oubli des Amériques, la pauvreté crasse, surtout, surtout l'eau qui n'est pas courante... Il y aurait cette intuition de castor à détrousser dans la brousse des plumes d'avant la grande craque sucée depuis l'éclair, peut-être là, quelque part comme un merle dans l'altitude du regard, expression si chère à Vadeboncoeur... Quelque part, il y a toujours un frère, un lac, une fille, une fleur, la sève qui se prépare à monter et la surprenance aux lèvres à perte de vue pour embrasser ensemble même l'amort d'où renaît toute chose. Cette génération de lièvres aux grandes oreilles du pays à naître, fontaine et préfontaine, vient au monde au revers du paletot de l'Histoire rapetissée par la Grande Guerre. Mais l'archipel épargné et les rochers sauvages, les caps où les étoiles se posent, et les perdrix, flamboyantes anarchistes, immémoriales qui veillent au grain, elles tambourinent, et sacrent joyeusement par « tes Shickshocks effarés dans les nues ». Mon Dieu du global et du refus! Que nos ancêtres éclairés au fanal furent grands chevreuils nerveux allumés avec des traces de sang et de vent laissées dans la bouche de nos enfants et des prophètes sans bornes qui suivront la route, ou bien bifurqueront-ils radicalement pour passer à travers en piquant une de ces crises d'une seule traite, renouant peut-être, oh! le beau dommage,  avec les cailloux réverbères irrévérencieux de Saint-Élie-d'Orford!


3 commentaires:

Nicolas Comtois a dit...

Très vaste inspiration, M. Desmarais, et fort fournie. Bravo!
Merci aussi, au nom de l'Amérique des fleuves, des doux rongeurs à poil, des hommes dotés de front en une circonférence complète, pour ce souhait de débroussailler le continent de Desrochers. S'il le faut, c'est à coups de couteaux de cuisine que nous le ferons. Ou à belles dents.

Jack a dit...

Merci M. Comtois. Tu auras reconnu une tentative de suite ou de poursuite d'une conversation que nous avons eue au verso d'un voyage entre les Bois-Francs et Montréal. J'ai hésité entre le verbe débroussailler et le verbe débrousser. Je n'ai pas hésité à utiliser le dessour l'ayant vu récemment sous ta plume. Ces « hommes dotés de front en une circonférence complète » offrent une très belle dimension à cette image quasi sacrée de l'altitude du regard. Voir haut, c'est sentir peut-être le tellurique, avec les deux pieds sur la terre, avec la générosité sans condition du regard tel que je le sentais chez mon père. Voir loin avec des yeux tout le tour de la terre, c'est peut-être la sûreté de l'homme désempaillé.

Nous le ferons!

Nicolas Comtois a dit...

De ces conversations, il nous en faudra d'autres. Pour l'instant, je m'ossstine avec Zénon, qui dit que la flèche atteint son but à force de faire indéfiniment du surplace. Je travaille sur une réfutation avec pointe de silex au moment où on se parle. Pour ce qui est de débrousser, c'est d'élaguer de la brousse, en gros format, débroussailler c'est simplement de désenfardocher ce qu'il y a de plus petit. Donc, c'est au choix.

Fourbissons nos armes des cavernes, mon Jack.