28 septembre 2011

Béthanie, Québec-France


La beauté et la bonté des vieux amis, c'est qu'ils vous réinventent des intensités de vie vive qu'on avait perdue de vue. On va jusque qu'à se demander où est-ce qu'ils ont pu pêcher cela! 


L'ami Jean-Paul, qui est aussi mon éditeur, possède cette particularité de ne pas se contenter de flotter dans le vague des souvenirs et des impressions. Il prend des notes, conserve lettres & courriels, il raccommode les trous de mémoire dissimulés dans le revers du temps qui passe, non pas par nostalgie, plutôt toujours avec le tour d'aimanter le temps présent, le seul qui existe. 

Voici dans cette veine un texte publié cette semaine dans le blogue des Éditions de la Brochure. J'aime particulièrement la finale qui rappelle à mon souvenir un personnage qui a vécu jadis dans mon village. On l'appelait Barbotte, avait une moustache à la Brassens, vivait seul avec poules et cheval dans sa petite maison près de l'église. Mangeait à la grosse cuiller de la graisse Crisco. Un saint doux qui rejaillit aujourd'hui dans le récit de mon ami du sud de la France avec un grain de relief de la sagesse universelle.      

Bonne lecture.
*****


 Desjardins-Desmarais

À notre retour d’Italie, dans la boîte aux lettres, un petit colis du Québec.
J’aurais dû deviner, mais je ne savais pas, Desjardins sort l’Existoire.
En France même, il vient de tourner, il chante comme jamais.
Richard Desjardins, encyclopédiste de son état, je me souviens.
Jacques Desmarais me l’avait envoyé sa première cassette.
Tu m’aimes-tu! un complot entre amis, et ça a fait du bruit.
Depuis Richard est là, avec ses films, ses musiques, ses rêves.
Dans le colis, un entretien et Richard rappelle : je crois au bien commun.
Moi aussi, ça tombe bien, et puis il y a les chansons, les chansons…
Tous les registres, le populaire, le poétique, le poétique-populaire…
« Qu’est-cé qu’tu veux qu’ça m’fasse? », j’ai entendu parler comme ça.
« Elle était dans mes bras occupée à repousser la pluie au ciel jusqu’au cœur du tonnerre. »
Jamais je ne saurai cette envolée-là, que Jacques cultive ici ou là.
Et puis dans le colis, un bon brin de Miron, une belle annonce, c’est sûr.
Le grand Pierre Nepveu, nous raconte Miron, en 840 pages.
Desjardins nous dit ça : « avec Miron je n’embarque pas. »
Faudra y voir de près, avec Jacques c’est sûr chez Miron suis embarqué.
Par exemple en 1994, au kiosque des Éditions de l’Hexagone, Miron s’est pointé.
Jacques était là, en conversation, mais pas avec Miron.
Madeleine Monette, hier sa prof de linguistique, signait ses romans.
J’étais avec eux, pour une heure seulement, à me remémorer.
Madeleine est partie, elle vit à New York, avec Bill son amoureux.
Pour se remémorer les années 70, en 94, et aujourd’hui alors?
« La lumière aoûtée rapaille de plus en plus timidement
Les dernières avancées d’orgueil de l’été québécois. »
Jacques écrit ainsi, et comme avec Richard, je ne comprends pas tout.
Un jour il m’arriva aussi d’écrire :
« Elle s’appelle Sylvie Royer et son père est mort à Montréal le vendredi 13 avril. »
Et je ne sais pas pourquoi je l’ai écrit. Sauf que ce jour-là, j’étais sûr qu’elle chanterait :
« quand les hommes vivront d’amour, il n’y aura plus de misère… » Et elle l’a fait!
Que sont-ils devenus tous eux autres, et je repense à ce moment de 1986.
À Béthanie, ils étaient à parler des vieux, des anciens, des aînés, que de vocabulaire!
On disait de Barbotte qu’à la question : « Pourquoi gardes-tu ton cheval? » il répondait :
« Pour pouvoir rentrer mon foin? » À la question : « Mais pourquoi rentrer ton foin? »
Il avait la réponse facile : « Pour soigner mon cheval! »
Parfois la vie tient à peu de choses…
27-09-2011 Jean-Paul Damaggio

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