31 janvier 2013

« Le retour de la Beat Generation » de feu Robert Kuberberg

Documentaire qui date de 2011, vraisemblablement la dernière réalisation de l'écrivain et documentariste Robert Kuperberg décédé l'an dernier.  À voir pour quiconque s'intéresse à la littérature vivante. Beaucoup d'espace est consacré à Jack Kerouac. Le fil des « derniers romantiques » au sens littéraire est fort bien situé dans le contexte américain et occidental qui fut marqué par un passage difficile des années cinquante aux turbulentes années soixante. J'ai notamment apprécié les commentaires de Gerald Nicosia, biographe de Kerouac. Le point nodal est que les Beat — mouvement marginal et hétéroclite — contestent avec le diable aux pattes, tentent d'habiter le moment présent en dépensant une charge inouïe d'énergie pour le passage à l'action, cherchent à réaliser le pur plaisir ici, maintenant et pour toujours plus intensément.  C'est là en effet un buzz romantique qui pousse la liberté à l'extrême des individualités. Magnifiques outsider qui décrochent, se poivrent du spirituel dans l'art de vivre sa vie et qui partent sur un no where à la rencontre souhaitée des paumés, des exclus, musiciens noirs émergeant, drogués, ouvriers, prostituées. Kerouac saoul comme une botte dans un club de jazz dira un à John Coltrane : Je suis ton frère.  Coltrane répliquera : fuck you!  Contestation excentrique, mais sans cause sociale. Plusieurs se casseront la gueule. Kerouac est mort avec une réputation de bum, pauvre et amer, 91 piastres en poche. Mais avec le sentiment d'être un bon écrivain. Et cette bande d'artistes occupant des postures diverses, malgré l'immense récupération commerciale qui a suivi, est somme toute restée fidèle à sa manière de se démarquer de l'Histoire officielle.  La lecture aujourd'hui des Beat, une fois les mythes et les raccourcis de la route mieux compris, n'en reste pas moins un grand réservoir d'audace, de jeunesse et de paroles libres. Ceci étant dit, la conclusion tirée à la fin du document par Peter Fonda (Easy Reader) aide à comprendre l'ambiance sombre et comme sans prise qui s'installe au lendemain de 1968 avec à sa suite une cohorte de sangsues du régime et de conservateurs à cheveux longs toujours grassement et scandaleusement en place.

Aucun commentaire: