18 novembre 2013

... la vitesse de vitesse : gestes et ultrasons



Je pense m'intéresser aux travaux du philosophe-architecte Paul Virilio et souhaite rapailler en marge de mes lectures prochaines, chemin faisant, quelques documents qui, entre autres avenues, pourraient donner idée de l'actualité des développements technologiques, et ce, dans le but de comprendre, autant que faire se peut, ce qui se raccorde et converge autour du code du « programme » de la vitesse en cours qu'il faut effectivement et vivement penser afin d'en dégager la trame politique. Tout un « programme »!

Souhaitant que ça puisse intéresser et susciter des échanges, j'entame donc une nouvelle série — Prendre la vitesse de vitesse — sur ce déjà Old Night Train qui ahane sans prétention sur les déjà vieux clous des rails de la blogosphère, manifestement heureux et indépendant avec une âme de cheval qui aime l'avoine dans la vapeur si lente du mot à mot.  

Ceci étant dit non pas pour faire image jolie, puisque les sortilèges du langage, il faut les court-circuiter et en sortir, enseigne classiquement un Jacques Bouveresse à la suite de Wittgenstein (1). Mais voici qu'il pleut à verse dans les propagandes multiples, il pleut et ça dégouline de tous les canaux de la « drogue pour les yeux » qui amène quelques esprits à vouloir repérer les pièges de ces accélérations époustouflantes.

Tel me semble être Paul Virilio qui persiste à « révéler » l'envers de ce que pose le « progrès ». Il dit : « La propagande du progrès c'est la censure du réel. La déréalisation censure la réalité. Vous voyez dans quelle perversité on est. Ça veut pas pour autant dire qu'il y a un complot contre l'humanité, c'est bien plus compliqué que ça. Mais le résultat est le même. » (Entretien de Paul Virilio dans Vice France)

Dans cette incursion, j’y vois entre autres l’occasion de réfléchir à la notion de progrès au regard de la position épistémologique qu’on a appelée « évolutionnaire », soit l'idée (Stephen Toulmin, David Hull, Korad Lorenz...) d'une transposition du mécanisme de sélection naturelle (Darwin) dans l'évolution de la culture, faisant en sorte que les théories scientifiques sont dans un processus de sélection (cf. collectif sous la direction de Michel Meulders et aut., Pourquoi la science? Impacts et limites de la recherche, coll. milieux, Champ Vallon, 1997; voir surtout l'entrée Evolutionnary Epistemology in Internet Encyclopedia of Philosophy; j'ai par ailleurs suivi un cours en épistémologie avec le professeur Paul Dumouchel [UQAM, 1989] dans la cadre de la scolarité de maîtrise en philosophie. Une partie de mes références et de mon intérêt pour ces questions provient de ce cours que j'avais hautement apprécié.)  

Jusqu’à Gaston Bachelard, héritier de Kant et donc des Lumières, on a cru que le progrès était dans un continuum historique toujours en évolution si tant est que l'on pense mieux, que les obstacles épistémologiques sont franchis. Popper (théorie du chaos), Foucault (saut épistémologique), Khun (théorie des révolutions scientifiques marquées par des changements de paradigmes...) et d’autres ont à la fois repris Bachelard, mais insinué à contrario que le progrès n’était ni illimité, ni même assuré. 

Bref, au-delà de « l’excès de vitesse » dont parle Virilio qui a un retentissement quotidien dans nos vies de fous, la thèse de l'« accident possible intégral de la connaissance » renvoie en effet à des questions graves sur le terrain de l'épistémologie qui, jusqu'au prochain décollement d’un pan du mur, demeure encore de nos jours dans la « maison » de la philosophie. Voilà ce qu'on pressent pour le moment.

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La première incursion de cette série nous conduit à l'UC Berkeley avec un court document sur des applications expérimentales en cours sur la reconnaissance gestuelle à partir de capteurs 3D et qui s'inspirent des avancées médicales utilisant l'ultrason. 




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1) Jacques Bouveresse : « Dans un de ses manuscrits, Wittgenstein observe que " tout ce que la philosophie peut faire est de détruire des idoles [...]". La philosophie, telle que Wittgenstein la conçoit, ne détruit que des illusions et, par conséquent, ne devrait nous priver de rien d’essentiel, même s’il peut être particulièrement pénible de renoncer à une illusion. ». Essai !!!, Wittgenstein & les sortilèges du langage, coll. Banc d'essais, Agone, 2003.

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