18 décembre 2013

Le programme de la NSA « quasi orwellien »

Serge Truffaut commente ce matin dans Le Devoir le constat du juge Richard Leon de la cour fédérale de Washington  à propos de la surveillance massive des communications téléphoniques et électroniques aux États-Unis.



Surveillance contraire à la Constitution - Le coup d’éclat

18 décembre 2013 | Serge Truffaut | États-Unis
Le constat du juge de la Cour fédérale de Washington que la récolte massive de données téléphoniques s’avère une entorse à la Constitution est un coup d’éclat, mais pas encore un coup de force. Tout dépendra en effet de la décision qu’arrêtera la Cour d’appel si jamais le gouvernement conteste le constat évoqué.

Nommé le 10 septembre 2001 par George W. Bush, cela ne s’invente pas, le juge Richard Leon a justifié son opinion en employant des expressions qui ont frappé l’imagination des commentateurs. Dans ses attendus, le magistrat avance que le programme de surveillance de la National Security Agency (NSA) est « quasi orwellien », que le principal rédacteur de la Constitution, James Madison, serait « atterré ». Il proclame surtout que le travail de la NSA sape le sens comme la portée de l’article 4 de la Constitution qui protège la vie privée du citoyen en introduisant un interdit. Contre quoi ? Contre « toute perquisition ou saisie déraisonnable concernant leur personne, leur domicile, les documents et biens leur appartenant […] ».

Cela rappelé, ajoutons que le travail effectué par le juge Leon a ceci d’important, dans le sens le plus pesant du terme, qu’il est aussi une contradiction de l’avalanche de faits juridiques conçus et portés par l’exécutif américain depuis des lunes. Mais surtout, on s’en doute, sous les présidences de Bush d’abord et de Barack Obama ensuite. On insiste, l’actuel locataire de la Maison-Blanche a pris le contre-pied des positions qui étaient les siennes en la matière lorsqu’il était sénateur, après que son prédécesseur eut ouvert un boulevard de toutes les déclinaisons possibles et inimaginables de l’espionnage par l’intermédiaire de méfaits légaux. À cet égard, une plongée dans l’histoire récente est nécessaire car pleine d’enseignements sur les va-et-vient effectués derrière les rideaux pour berner les citoyens, ainsi que le révèle une enquête du New Yorker.

Cette histoire non exempte d’une inclination pour le totalitarisme a commencé le 4 octobre 2001 lorsque Bush a signé en catimini le President’s Surveillance Program. Dans la foulée, le 6 octobre 2001, les trois géants américains de la téléphonie, soit Verizon, Bell South et AT&T, ont amorcé la cueillette des métadonnées qui révèlent le numéro appelé, la longueur de la conversation, la date, l’heure de l’appel, etc. Le 13 octobre, après livraison de 50 ordinateurs à la puissance inégalée, a débuté la surveillance des courriels et des recherches faites par les individus sur Google et autres moteurs de recherche. Après quoi le Congrès adopta le Patriot Act, qui accorde aux présidents des pouvoirs discrétionnaires sans équivalent dans l’histoire moderne des États-Unis.

Il faut bien comprendre que, pour faire avaler les couleuvres politiques inhérentes à cette coercition de la vie privée, Bush d’abord et Obama ensuite ont multiplié les entourloupettes juridiques. En fait, si on a bien saisi la complexité des opérations poursuivies, qui ont fait dire justement au juge Leon que cela était « quasi orwellien », il est clair que l’érection d’une muraille légale avait pour objectif de répandre le flou. Et ce, pour écarter les élus trop curieux, ou trop soucieux du respect de la vie privée, comme le sénateur Ron Wyden de l’Oregon, qui a bataillé seul ou presque. C’est dire combien l’omerta imposée par Bush, l’ex-vice-président Dick Cheney et Obama serait encore la règle n’eussent été les révélations d’Edward Snowden. Il n’a…

Il n’a d’ailleurs pas échappé au juge Leon que pas une fois lors du procès le gouvernement n’a fourni une preuve que cette surveillance, vieille de douze ans maintenant, avait permis d’éviter la mort d’individus. De la suite juridique il faut espérer une mise en relief des tares, il n’y a pas d’autre mot, policières qui se sont traduites par « l’installation » de balises contraires à la qualité démocratique.

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