22 mai 2014

L'Oiseau de Pablo


Oiseau

Un oiseau
élégant,
pattes graciles, queue sans fin,
vient
près de moi, deviner l’animal que je suis.

Nous sommes au printemps,
à Condé-sur-Iton, en Normandie.

Il arbore une étoile ou une goutte
de quartz, farine ou neige
sur son front minuscule,
deux raies bleues le parcourent
du cou jusqu’à la queue,
deux lignes stellaires turquoise.

Il fait de menus bonds
et me regarde environné
de ciel et de verte pâture
avec les deux points d’interrogation
de ses yeux nerveux et perçants
comme deux épingles, deux pointes
noires, petits éclairs
qui me traversent pour savoir :
Voles-tu?  Et vers quel endroit?

Intrépide, vêtu
comme une fleur sous le feu de ses plumes,
spontané, résolu
devant l’hostilité de ma stature,
il découvre soudain une graine ou un ver
et, sautillant avec ses pieds légers de fil de fer,
il plante là l’énigme
de ce géant qui reste seul
sans cette infirme vie, présence passagère.

- Pablo Neruda, Jardin d’hiver, La rose détachée et autres poèmes, trad. C. Couffon, in Pablo Neruda, Poètes d’aujourd’hui, Seghers, 2004, p.p. 261-262.  

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