05 juin 2014

Le règne de la beauté de Denys Arcand

Je ne suis ni un fan, ni un spécialiste, mais j'ai toujours aimé les films de Denys Arcan qui restent longtemps dans la tête avec leurs petits coups de hache parfois subtils, parfois soulignés et longuement au crayon noir (les corridors d’hôpital par exemple). Pourquoi? Je ne sais trop, sinon ue Arcand est un cinéaste majeur.

Vu hier Le règne de la beauté. J'ai beaucoup aimé. J'étais seul dans la salle! Expérience inusitée. Mais je ne suis pas le seul à avoir apprécié malgré la pluie des critiques négatives. À mon goût à moi, rarement les saisons d'ici, le pays de Charlevoix, la ville de Québec, Toronto, un peu Paris, les maisons de rêves en bois, inabordables et pourtant bien réelles, puis en contre-point, le défilement de la vraie ville, celle des McDo, stations-service et petits motels cheaps, plus le fil des ambitions et le bad trip de jeunes loups professionnels « bien placés », rarement ce cadre n'aura été aussi bien campé, photographié de main de maître et interprété avec la retenue pertinente des âmes bien nées, encore si jeunes... Le Québécois « moyen-bourgeois », si compétent et full equip à la chasse, au golf, au tennis, au basket, en ski, au hockey, à la culture du pot, brillant en apparence partout, y compris sur la scène internationale, fort en amitié, fort en manque d'amour et en contentement quotidien, loin des Kadhafi ensanglantés de l’actualité, ce Québécois jeune et beau n'échappe pas dans le jet set du capitalisme dit avancé à son humanité contradictoire qui nous contient tous*. La beauté, le bien, la vérité, ces gros canons de la philosophie occidentale, qu'est-ce à dire pour que ça tienne debout dans nos existences en cette fin d'un monde si cruel et déconnecté?

En complément :
Dominique Corneillier, Le règne de la beauté ou la dictature du vide absolu, Le Devoir, 24 mai 2014.



* Je m'inspire ici d'un commentaire de René Merle sur son blogue que j'ai aimé à propos des personnages des films qu'il regarde et de cette idée directrice de Montaigne - chacun porte en lui l'entièreté de l'humaine condition -. Merle écrit : « [...] s’il me fallait évacuer de mes visionnages et de mes lectures tous les personnages qui ne portent pas directement, ou pas du tout, le poids de l’exploitation capitaliste, il n’en resterait pas beaucoup. »

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